Sorin Grindeanu, Premier ministre en poste depuis quelques mois à peine, a été poussé vers la sortie par son propre camp, au terme d’une fronde interne orchestrée par l’homme fort du parti social-démocrate (PSD), Liviu Dragnea. Malgré tout, la nomination d’un nouveau gouvernement n’apporte pas la sérénité attendue.
Le 21 juin dernier, le Premier ministre roumain était démis de ses fonctions suite à une motion de censure votée par 241 des 424 parlementaires. Cette décision est le dernier rebondissement dans une vie politique roumaine agitée depuis bien longtemps. Un nouveau Premier ministre a été nommé le 26 juin, Mihai Tudose.
La toute-puissance de Liviu Dragnea
Arrivé il y a six mois à la tête du gouvernement, Sorin Grindeanu avait rapidement perdu la confiance de son parti. Il est notamment accusé de ne pas avoir respecté le programme établi lors des législatives qui avait permis au PSD d’obtenir la majorité, suite à une alliance avec le petit parti Alliance des libéraux et démocrates (ALDE). Un argument également repris par l’opposition mais qui cache en réalité une rivalité personnelle entre Sorin Grindeanu et Liviu Dragnea, le président des sociaux-démocrates. Lors de la victoire du parti aux élections, la place de Premier ministre aurait logiquement dû revenir à M. Dragnea, mais condamné à deux ans de prison avec sursis en 2016 pour fraude électorale, le Président Klaus Iohannis, du Parti national-libéral (PNL), lui avait refusé cette investiture. Liviu Dragnea avait alors choisi de désigner Sorin Grindeanu, qu’il pensait pouvoir contrôler à distance.
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Il espérait ainsi faire passer par ordonnance des lois visant à assouplir les peines pour corruption et qui semblait taillées sur mesure pour sa propre personne. Des manifestations très importantes ont alors eu lieu, appelant à en finir avec ce système généralisé de corruption au plus haut niveau de l’Etat. Souhaitant ensuite que cette loi passe par la voie législative classique, Dragnea s’est alors confronté au refus du Premier ministre. Bien qu’haï par une majorité de l’opinion roumaine, l’autoritaire chef de parti a usé de son influence considérable au sein du PSD, pour faire chuter le Premier ministre.
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Une nomination qui fait débat
Le parti social-démocrate avait dix jours pour proposer un nouveau Premier ministre au Président. Le 26 juin, ce dernier a approuvé le choix de la majorité de nommer Mihai Tudose et le parlement a voté la confiance au gouvernement trois jours plus tard. Tudose est notamment connu pour avoir été ministre de l’Économie, sans en laisser un souvenir marquant en ne menant à bien aucune des mesures annoncées lors de la campagne. Son passé inquiète davantage. Il a notamment été démis de son titre de doctorant après avoir été rendu coupable de plagiat et des rumeurs iraient jusqu’à l’accuser d’avoir été un agent sous couverture pour les services secrets roumains.
La société civile roumaine a cependant fait comprendre que cette nomination ne réglait rien. Dès le 2 juillet, quelques milliers de personnes se sont rassemblées à Bucarest pour continuer à mettre la pression sur le gouvernement. Car derrière la nomination de Mihai Tudos, se cache encore une fois le puissant Liviu Dragnea, cible indirecte des manifestants du début d’année.
Rien n’est réglé en Roumanie, d’autant que certains membres du PSD commencent à se désolidariser ouvertement des décisions prises par le parti, et que la petite formation ALDE ne cache plus ses réticences face à la politique sociale menée par le parti au pouvoir, ce qui pourrait encore un peu plus fragiliser un gouvernement déjà instable.