L’accord de Cotonou, qui définit les relations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, expirera en 2020. Les négociations pour définir le futur partenariat commenceront au premier semestre 2018, et l’Union européenne n’est plus en position de force face aux acteurs du Sud.
Le partenariat entre l’Union européenne et l’Afrique est la plus ancienne collaboration extérieure des institutions européennes. Dès son discours du 9 mai 1950, Robert Schuman soutient que la tâche essentielle de l’Europe et de la France est le développement de l’Afrique.
Le continent est alors morcelé en colonies, et grand nombre d’entre elles sont françaises. En 1957, les empires coloniaux s’ébranlent, et craignant de perdre leur influence dans leurs colonies, la Belgique et la France font adopter dans le Traité de Rome un régime d’association avec les pays africains.
Yaoundé : conserver les structures coloniales
La convention de Yaoundé va plus loin. Elle est signée en 1963 entre la CEE et 18 « États africains et Madagascar Associés », et présente de nombreux avantages pour les pays européens. Alors que l’agriculture s’intensifie dans le monde en développement, cette convention leur assure un accès plus facile au sucre, au cacao, aux bois tropicaux, aux métaux.
Ce partenariat, qui a pour objectif de mettre en place des « relations amicales » permettant « de renforcer (…) l’indépendance » des États africains, efface les douloureux souvenirs d’une décolonisation particulièrement violente, tout en conservant et en utilisant les infrastructures et les réseaux coloniaux. Enfin, en pleine guerre froide, la convention rassure les États-Unis, puisqu’elle permet de conserver un dialogue avec de jeunes pays indépendants qui pourraient tomber sous le charme du communisme.
Stabilisation financière et contestation américaine
En 1973, le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark intègrent la CEE. Deux ans plus tard, un nouvel accord de coopération Nord-Sud est signé, incluant les pays du Commonwealth. Dans le contexte d’importantes fluctuations financières des années 1970, le nouvel accord offre des garanties de stabilisation pour les exportations africaines, mettant en place un prix plancher. Les frais de douanes que devraient payer les pays africains pour exporter leurs produits sont largement abaissés, voire supprimés pour certains produits (notamment la banane).
En 1995, la Finlande, la Suède et l’Autriche intègrent la CEE devenue Union européenne, et l’UE devient le premier marché mondial de consommateurs de bananes. Des agriculteurs d’Amérique du sud et les lobbies agro-alimentaires des États-Unis contestent alors les préférences commerciales accordées à l’Afrique, les jugeant discriminatoires. L’Organisation mondiale du Commerce, créée un an plus tôt, donne raison aux protestataires américains, et ordonnent à l’Union européenne de mettre fin aux privilèges commerciaux accordés à l’Afrique, aux Caraïbes et aux pays du Pacifique (ACP).
Cotonou et les Accords de partenariat économiques : un système contesté
C’est dans ce contexte de tension commerciale que l’accord de Cotonou est signé, le 2 juin 2000. Il rassemble 15 États de l’Union européenne et 76 pays ACP, et prévoit la mise en place de la réciprocité, c’est à dire l’obligation pour les États africains d’accorder aux États européens les mêmes préférences commerciales. L’UE propose de mettre en place des Accords de partenariat économique (APE) qui garantiraient cette réciprocité. Les APE prévoient aussi un conditionnement des aides apportées par l’UE à un certain nombre de critères : justice indépendante, développement durable, ouverture des élections à l’UE en tant qu’observatrice…
De nombreux États ACP craignent pour leurs économies et jugent le système de la conditionnalité néo-colonialiste. Devant les réticences des pays du Sud à ouvrir leurs marchés aux puissances économiques du Nord, l’Union européenne décide de diviser les 76 États en six groupes. De cette façon, l’Union européenne peut mener les négociations avec des pays plus faibles économiquement, politiquement, et numériquement. De plus, certains groupes de pays sont loin d’être naturels, et se retrouvent fragmentés en raison d’oppositions politiques et historiques.
Plusieurs pays africains quittent la table des négociations, mais sous la pression de leurs homologues ACP, et devant leur dépendances à l’aide au développement européenne, ils capitulent. En 2014, l’Union européenne met fin aux préférences commerciales avec les 27 pays n’ayant pas signé d’APE, et qui se retrouvent ainsi dans la même situation que leurs homologues mondiaux au même niveau de développement.
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De nouveaux enjeux pour le futur partenariat
Alors que le partenariat entre l’Union européenne et les ACP, et en particulier les échanges UE-Afrique, a été le plus ambitieux des accords Nord-Sud jamais mis en place, avec l’accord de Cotonou, l’Union européenne a renvoyé une position très libérale au début des années 2000, tranchant avec la vision plus humaniste des décennies précédentes. L’opinion africaine, très positive envers les institutions, qui avaient garanti et encouragé leur développement à l’issue des indépendance, est aujourd’hui bien plus eurosceptique.
D’autant que depuis 2000, l’Afrique a bien changé. Son économie a explosé, garantissant des taux de croissance parmi les plus élevés au monde. Le secteur minier a connu un boum avec les besoins actuels des nouvelles technologies en matières premières, et les investissements de pays émergents, comme la Chine, l’Inde, la Russie ou le Brésil se multiplient. Dans les mois qui viennent, l’Union européenne devra faire profil bas et laisser la parole à ses partenaire, si elle veut conserver des relations avec eux. Des relations d’égal à égal, de préférence.
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