Ce 18 mars, Vladimir Poutine, l’actuel président de la Fédération de Russie devrait briguer un quatrième mandat, sans avoir besoin d’un deuxième tour. Cette réélection sans surprise questionne sur l’état de l’opposition dans le pays.
Le 18 mars aura lieu l’élection présidentielle en Russie où un peu plus de 110 millions de citoyens sont invités à se rendre dans les urnes, expatriés compris. La question du second tour ne se pose quasiment pas puisque Vladimir Poutine est presque certain d’être réélu. Le véritable enjeu sera davantage la mobilisation des électeurs, même si le taux minimal de 50 % nécessaire pour valider une élection a été supprimé en 2006. Huit candidats sont officiellement en lice pour cette présidentielle, dont la campagne se termine le vendredi 16 mars.
Même si ces huit candidatures ont été validées par la Commission nationale électorale, l’opposition reste toutefois bien maigre dans ce pays. Celle-ci est soi dans le système, c’est-à-dire organisée ou tolérée par le pouvoir. C’est donc une opposition de façade, dite « systémique ». Ou bien elle est distincte du pouvoir et « hors système ». Dans ce cas, soit elle existe de manière législative, par le biais d’un parti ou alors elle n’a pas accès aux élections du fait de l’impossibilité de s’enregistrer comme candidat. Tentons de revenir sur cette ambiguïté à l’aide de trois exemples.
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Quant au reste de l’opposition, il s’agit du communiste Pavel Groudinine, Vladimir Jirinovski du Parti libéral- démocrate de Russie (LDPR), présent en politique depuis 25 ans ; Sergueï Babourine (Union populaire russe) ; Boris Titov, du parti de la croissance ; Maxim Souraïkine du parti Communistes de Russie ; Grigori Iavlinski du Parti Iabloko qui font partie de groupes présents à la Douma, la chambre basse du Parlement. Vladimir Poutine se présente quant à lui comme candidat indépendant.
Une candidature invalidée mais une opposition persistante
Alexeï Navalny illustre cette lutte contre le pouvoir en place. Il ne participera toutefois pas à l’élection présidentielle puisque sa candidature a été invalidée le 25 décembre. A l’été dernier, elle avait déjà été rejetée du fait de sa condamnation dans une affaire, qu’il juge lui-même fabriquée. Toutefois, il avait obtenu le soutien de 747 personnes, plus que les 500 nécessaires pour porter à nouveau sa candidature. Officiellement évincé, il milite toujours, à l’image de sa dernière arrestation fin janvier alors qu’il appelait au boycott de l’élection. Il a été libéré sans aucune charge mais devra quand même se présenter devant la justice.
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Alexeï Navalny est peut être l’homme qui incarne le plus l’opposition dans le pays, à l’image de sa participation à la création du Fonds de lutte contre la corruption (FBF) qui a permis la protection de deux documentaires d’investigation. Il s’agit de « Tchaika », qui concerne le procureur général de Russie, vu sept millions de fois, et « Don’t call him Dimon », qui concerne Dmitri Medvedev, premier Vice-président, et qui a fait 25 millions de vues. Son image tente cependant d’être ternie puisqu’il est accusé d’être un agent de la CIA ou encore d’être proche de l’extrême-droite.
Une candidature apparemment distincte de Poutine et validée
Ksenia Sobtchak est certainement la figure émergente de ces élections. Novice en politique, elle connaît tout de même ce milieu puisque son père, Anatoli Sobtchak, premier maire de Saint-Pétersbourg après la chute de l’URSS a été le mentor de Poutine. La candidate de 36 ans est d’ailleurs accusée d’être la filleule de Poutine, ce qu’elle dément. Elle dément aussi être une sparing partner, une opposition de façade commandée par le pouvoir. Pour cela, l’ancienne star télé multiplie les déplacements pour d’abord promouvoir l’alternative libérale qu’elle propose, mais aussi pour contraster avec son image de « Paris Hilton russe », elle qui avait d’ailleurs fait la une de l’édition russe du magazine Playboy en 2006.
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Elle a déjà tenté de se défaire de cette image là en étant une personnalité importante de Dojd Tv, une chaîne privée indépendante sur internet. Ksenia Sobtchak s’appuie notamment sur l’aide de Vitali Shkliarov, un Biélorusse de 41 ans qui avait participé à la campagne américaine de Bernie Sanders. Elle souhaite ainsi mettre en place une politique anti corruption, privatiser davantage l’économie et améliorer les relations avec l’Ouest.
Une opposition qui ne se présente pas mais qui prépare le pouvoir
Dimitri Goudkhov pourrait être qualifié d’homme de l’ombre qui organise l’opposition. Pour les élections communales de septembre dernier, il est parvenu à présenté 930 candidats – contre 30 en 2012- sous la bannière de « Démocrates unis », un parti qui regroupe plusieurs mouvements, comme Iabloko ou Parnasse. Ils ont fait une petite percée en obtenant 17 des 125 mandats de Moscou, allant même jusqu’à 100 % dans le quartier où Vladimir Poutine est allé voter, Gagarinski. Près de 150 candidats ont été élus, avec un taux de participation de seulement 15 %.
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Dimitri Goudkhov a refusé de se présenter pour ces élections, n’acceptant pas qu’on dise de lui qu’il avait « un pied dans la Douma, un pied dans la rue ». Il a déjà fait parler de lui puisqu’il avait, en 2013, organisé la première opération d’obstruction au Parlement, appelé filibuster. Avec son père Guennadi et Ilya Ponomarev, ils parviennent à empêcher le vote de la loi qui devait aggraver les sanctions contre les participants aux manifestations non autorisées. Ils ont tenu 11 heures. Dimitri Goudkhov attend donc son heure, se refusant d’être accusé de collusion avec le pouvoir. Ancien membre du KGB – comme Vladimir Poutine -, il franchit peu à peu les étapes. Un même parcours donc, pour deux chemins empruntés.
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En réaction à cette opposition, Vladimir Poutine ne frémit pas. Lors de la conférence de presse annuelle du 14 décembre, il a même expliqué les raisons de l’échec de ses adversaires. Selon lui, ils manqueraient de clarté dans leurs programmes, étant trop occupés à s’opposer à sa personne. Ksenia Sobtchak était d’ailleurs présente à cette conférence en tant que journaliste.
À sa question sur la non validation de la candidature d’Alexeï Navalny, il répondait ne pas vouloir « laisser le scénario ukrainien se reproduire », c’est-à-dire ne pas voir des «Maïdan» et des «Saakachvili», faisant référence au coup d’État ukrainien de 2014 et à la tentative démocratique avortée de Mikheil Saakachvili en Géorgie. Cette référence à l’Ukraine peut sembler ironique au vu de la date de l’élection présidentielle. Les citoyens russes se déplacent donc ce 18 mars, date « anniversaire » de l’annexion officielle de la Crimée en 2014.