Le 14 novembre, Theresa May a annoncé avoir conclu un accord avec l’Union européenne sur la sortie de l’UE, accord qui, même avant d’être publié, a rencontré de vives critiques de la gauche, mais également de son propre parti. Face à une opposition montante, pourra-t-elle obtenir l’accord du Parlement britannique, et, dans le cas contraire, quelles sont les alternatives ?
Est-il possible de faire voter l’accord ?
Pour faire voter son accord, Theresa May a besoin de 320 des 639 voix du Parlement anglais : une épreuve difficile puisque son parti ne dispose uniquement de 316 sièges, soit 4 de moins qu’une majorité absolue. Depuis les élections de juin 2017, le parti conservateur de Theresa May gouverne grâce à un accord de “soutien sans participation” passé avec le DUP (democratic unionist party), un parti nationaliste de l’Irlande du Nord qui, eux, disposent de 10 sièges au Parlement.
Toutefois, elle ne peut dorénavant plus compter sur le soutien du DUP (qui s’opposeront à tout accord risquant de séparer l’Irlande du Nord du reste du Royaume-Uni), ni sur le soutien de son propre parti, au sein duquel les divisions se multiplient. C’est une situation inédite au Royaume-Uni : ce ne sont plus des partis qui s’affrontent au Parlement, mais des regroupements pro- et anti-Brexit, et il est peu probable que les élus suivent la ligne officielle de leur parti.
Qui votera comment ?
Le Parlement compte 150 élus conservateurs alliés de Theresa May. Ces élus, souvent proches du gouvernement, voteront certainement en faveur de l’accord. Elle peut également compter sur le soutien des 21 élus conservateurs qui ont fait campagne pour rester dans l’UE, mais qui ne sont pas prêts à soutenir un deuxième referendum, ainsi que les 8 élus conservateurs qui souhaitent rejoindre l’Espace économique européen. Mais May peut aussi compter sur un certain nombre d’élus du Labour, dont 13 qui représentent des cantons très fortement pro-Brexit et 6 élus pro-Brexit. Soit un total de 198 voix.
Theresa May doit faire face, au sein de son propre parti, aux 68 élus qui soutiennent un Brexit dur. L’ancien ministre des Affaires étrangères et figure de proue du Brexit, Boris Johnson, ainsi que les élus membres du European Research Group, un groupe au sein du Parlement, militent pour un Brexit dur. Elle doit également affronter aux 10 élus du DUP, qui ont annoncé qu’ils ne soutiendraient pas son accord. Mais il n’y a pas que les eurosceptiques qui voteront contre l’accord : 6 élus conservateurs, 12 élus libéraux-démocrates, 1 élue verte, 4 élus du Plaid Cymru et 35 élus du SNP (les partis nationaux gallois et écossais) ainsi que 60 élus du Labour qui militent pour un second réferendum voteront contre son accord. S’ajoutent à cela les 180 élus Labour qui suivront la ligne du parti, soit une totale de 376 voix contre (une majorité de 56 voix).
Enfin, 65 élus conservateurs ont une position encore incertaine, mais même s’ils décident de soutenir l’accord, May reste loin d’être assurée d’obtenir une majorité. Situation inquiétante qui met en péril l’accord conclu entre May et l’UE.
Quelles sont les alternatives ?
May retire l’accord
Face à un Parlement hostile, et craignant un échec, May pourrait retirer l’accord du Parlement pour éviter une humiliation et tenter de renégocier, mais cela ne ferait qu’affaiblir d’avantage un gouvernement qui semble déjà être à bout de souffle.
La motion de censure
Cette situation qui parait de plus en plus envisageable, car les partisans d’un Brexit dur récoltent déjà les voix nécessaires pour déclencher la motion. Dans cette situation, May pourrait être écartée du pouvoir, et les élus conservateurs seraient amené à choisir un nouveau premier ministre, probablement du camp des partisans du Brexit dur.
Si cela arrive, il n’est pas certain qu’un tel gouvernement puisse survivre au Parlement : face au Labour et aux élus conservateurs modérés, il ne saurait atteindre la majorité nécessaire pour avoir la confiance du Parlement, ce qui pourrait déclencher de nouvelles élections.
De nouvelles élections ?
Si le Parlement perd confiance dans le gouvernement, une simple majorité des élus peut déclencher de nouvelles élections législatives. May pourrait également déclencher elle-même une élection avec le soutien de 2/3 des élus mais cela est peu probable, car l’élection de 2017 avait déjà nui à sa crédibilité. De plus, le parti conservateur risquerait de perdre davantage de sièges, ce qui rendrait encore moins stable tout gouvernement éventuel.
Le Prolongement de l’Article 50
May pourrait demander au Conseil européen (les chefs d’État et de gouvernement des états membres de l’UE) de prolonger l’Article 50, et donner d’avantage de temps au Royaume-Uni pour négocier, mais il n’est pas certain que le Conseil accepte. Les élections européennes s’organisant déjà sans le Royaume-Uni, cela complique d’avantage sa sortie.
Le retour aux négociations ?
Dans le cas d’un échec, ou si May décide décide de retirer l’accord, il est difficile d’imaginer un retour aux négociations. Les gouvernements de nombreux pays européens se sont déjà exprimés sur le sujet à l’unanimité : il n’y a pas d’accord envisageable qui puisse être meilleur que celui qu’ils ont proposé.
Un deuxième référendum ?
Actuellement, 118 élus militent activement pour un deuxième referendum sous la bannière du “People’s vote”. Mais pour l’instant, ils seraient obligés de convaincre les élus conservateurs indécis et tout le Labour pour qu’ils puissent atteindre la majorité nécessaire pour déclencher un second referendum. Néanmoins cette voie dispose d’un important soutien publique : selon l’institut de sondage YouGov, 59% des britanniques seraient favorables à un deuxième référendum, et 54% déclarent vouloir rester membres de l’Union européenne.
D’autres actions sont portées par le Labour pour tenter d’assurer que le Royaume-Uni ne quitte pas l’UE sans accord. En effet, un projet de loi est élaboré qui obligerait le gouvernement à trouver un accord et interdirait explicitement un no-deal Brexit. Cependant, ce projet de loi a un avenir incertain au Parlement. Les parlementaires examinent actuellement l’accord trouvé par May, et un vote se tiendra avant Noël.
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