Le feuilleton Brexit n’en finit pas, Facebook lutte contre l’ingérence politique, Laura Kövesi sous pression en Roumanie, l’Europe vote et la mission “Sophia” est prolongée : les actualités européennes de la semaine.
Brexit – Un jour sans fin
Dans la presse, les titres de demain seront les mêmes que ceux de lundi dernier : « Semaine décisive pour le Brexit et le Royaume-Uni ». On se croirait coincés dans une boucle temporelle, comme le héros du film « Un jour sans fin ». A la différence près que, si les titres restent les mêmes, les rebondissements n’en finissent pas de nous étonner.
Vendredi 29 mars, les députés britanniques ont rejeté l’accord de Theresa May pour la troisième fois, à 344 voix contre 286. Celle-ci avait pourtant réussi à rallier des députés eurosceptiques influents, tels que Jacob Rees-Mogg ou Boris Johnson, en échange de sa démission si l’accord était voté. La course à la succession est en effet ouverte, et Boris Johnson se verrait bien calife à la place du calife. Pas plus tard que lundi dernier, Johnson qualifiait l’accord de May de « pourri », dénonçant une « humiliation totale » et un « désastre démocratique » dans une tribune du Daily Telegraph. Plus d’infos sur les différents prétendants à la succession dans cet article.
Si les députés avaient voté pour l’accord, le Royaume-Uni serait sorti de l’Union européenne le 22 mai, juste avant les élections européennes. Sans accord, la date de sortie actuelle est fixée au 12 avril. Alors que Theresa May devrait essayer de revenir à la charge une quatrième fois et de demander un report, ce qui obligerait le Royaume-Uni à élire ses eurodéputés, le reste de l’Europe se prépare à une sortie sans accord. Dans un communiqué, la Commission européenne qualifie ce scénario de « probable ». Un sommet européen des chefs d’État et de gouvernement est prévu le 10 avril.
Élections européennes – Facebook déroule son plan d’action contre l’ingérence
A deux mois des élections européennes, Facebook a révélé vendredi son plan d’action pour lutter contre l’ingérence politique. Après le scandale Cambridge Analytica, Facebook s’est engagé à mettre en place des mesures de transparence sur les publicités politiques présentes sur ses réseaux. Déjà mises en place lors des élections de mi-mandat aux États-Unis, ainsi qu’au Brésil et en Inde, ces mesures renforcent le contrôle sur les personnes et entités voulant diffuser des publicités en lien avec les élections.
Au menu : une procédure d’autorisation depuis le pays de l’annonceur, ce qui empêche dans une certaine mesure l’ingérence d’agents étrangers, ainsi que des vérifications poussées de son identité. Comme le rappelle le site CB News, « Le dispositif permettra en outre à tout utilisateur d’obtenir des informations sur les publicités concernées : qui les a payées, quels sont le ou les territoires visés, combien de fois ont-elles été vues et quel a été le montant déboursé. »
Dans une tribune publiée dans plusieurs pays ce dimanche (États-Unis, France, Allemagne et Irlande), Mark Zuckerberg rempile sur le sujet et suggère « quatre idées pour réguler Internet ». On y lit notamment que le PDG de Facebook « (…) pense qu’il serait bon pour Internet que davantage de pays adoptent une réglementation telle que le RGPD comme cadre commun. » Alors que Facebook se battait bec et ongles contre cette législation en 2016, le géant américain aurait-il finalement changé son fusil d’épaule ?
Roumanie – La candidate pour le poste de procureur du parquet européen interdite de quitter le territoire
Alors que le Conseil européen et le Parlement n’ont pas réussi à s’accorder sur un candidat pour le poste de procureur du parquet européen, la favorite du Parlement Laura Kövesi a été mise en examen dans son pays d’origine, la Roumanie. Cette magistrate spécialisée dans la lutte anti-corruption, véritable symbole en Roumanie, a mené des enquêtes ayant conduit à la condamnation de nombreux responsables locaux et nationaux. Le gouvernement social-démocrate voit d’un très mauvais œil sa candidature au poste de procureure du nouveau parquet européen, chargé de lutter contre la corruption, et n’a eu de cesse de la désavouer en menant un lobbying intense auprès des autres États membres.
Inculpée pour « corruption passive, abus de fonction et faux témoignage », elle est interdite de quitter le territoire, ce qui complique grandement le processus de désignation du procureur européen. Le gouvernement lui reproche notamment des « abus » dans ses enquêtes. Laura Kövesi, de son côté, dénonce une « campagne d’intimidation ». Une réforme de la justice très controversée est en cours en Roumanie, et le président de centre-droit a appelé à un référendum sur la question.
Week-end électoral en Europe – Présidentielles en Slovaquie et en Ukraine, municipales en Turquie
Présidentielle en Slovaquie : L’an dernier, le journaliste Ján Kuciak et sa fiancée Martina Kušnírová étaient assassinés chez eux. Kuciak enquêtait notamment sur des connexions présumés entre des politiques slovaques et la mafia italienne. Des manifestations de grande ampleur avaient suivi, entraînant la démission du Premier ministre Robert Fico. C’est dans ce contexte que l’avocate libérale Zuzana Čaputová a remporté l’élection présidentielle ce samedi 30 mars, avec 58 % des voix. La victoire de cette militante anti-corruption, soutenue par le président sortant, a été reconnue par son rival Maroš Šefčovič, vice-président pour l’énergie de la Commission européenne et soutenu par le gouvernement slovaque. Zuzana Čaputová devient la première présidente de Slovaquie et devra travailler avec un Premier ministre social-démocrate, Peter Pellegrini.
Présidentielle en Ukraine : Les Ukrainiens se rendent aux urnes ce dimanche pour élire leur nouveau président, pour le premier tour d’une présidentielle sous tension. 338 irrégularités ont été signalées à la mi-journée, et RFI rapporte que « la perspective d’une escalade localisée est prise au sérieux ». L’Ukraine reste un pays divisé, et 12 % des électeurs ne peuvent se rendre dans leurs bureaux de vote fermés. Le président sortant Petro Porochenko pourrait ne pas être réélu, alors qu’un acteur comique russophone fait figure de favori : Volodymyr Zelensky est un ovni politique, vous pouvez retrouver son portrait ici ou ici. Selon un sondage de sortie des urnes, Zelensky et Porochenko sont qualifiés pour le second tour.
Municipales en Turquie : Les Turcs votent aujourd’hui dans des élections locales de la plus haute importance pour l’AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdoğan. Dans un pays en récession, avec une inflation à 20 %, Erdogan pourrait perdre la capitale Ankara. A Istanbul, les sondages rapportent que l’AKP et l’opposition se tirent la bourre. Ces élections font figure de test, car elles pourraient être la première défaite majeure de l’AKP depuis longtemps. Un article pour aller plus loin.
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Opération « Sophia » – Maman les p’tits bateaux (ne navigueront plus)
L’opération militaire « Sophia » de l’Union européenne n’enverra plus de bateaux en mer Méditerranée, mais son mandat est prolongé de six mois et la surveillance aérienne va s’intensifier : c’est le compromis trouvé par les Etats membres. L’Italie refusait de prolonger la mission si l’UE ne revenait pas sur la règle de partage de l’accueil des migrants. Les personnes sauvées par les navires de l’opération « Sophia » étaient débarqués en Italie, et le ministre de l’intérieur Matteo Salvini s’était illustré l’été dernier en refusant que des bateaux ayant secourus des migrants accostent sur les côtes italiennes.
La situation de la mission était bloquée depuis des mois, et « Sophia » n’avait pas mené de sauvetages depuis l’été 2018. Le Monde rapporte les propos amers d’une porte-parole du service diplomatique de la Commission européenne : « L’opération “Sophia” est une opération navale. C’est clair que sans les moyens maritimes, elle ne sera plus à même d’appliquer efficacement son mandat ». L’amiral Enrico Credencino, chef de la mission, estime à 45 000 le nombre de personnes sauvées en mer grâce à l’opération « Sophia ».