Si le débat européen se focalise aujourd’hui sur les accords avec les États-Unis et le Canada (CETA), bien d’autres textes sont en cours de négociation ou sur le point d’entrer en vigueur. Eurosorbonne fait le point sur l’avancée de ces différents projets qui pourraient bien agiter de nouveau les débats sur les vertus du libre-échange.
Méfiance croissante des citoyens, longueur des négociations, manque de fiabilité de certains partenaires (le TTIP a l’arrêt avec Trump) et même grande complexité des processus de signature et de ratification (dans le cas du CETA), la tâche de Cecilia Malmström, la commissaire européenne chargée du commerce, n’a jamais semblé aussi difficile. Pourtant, l’Union européenne continue de mener une politique commerciale ambitieuse à destination de pays et d’ensembles géographiques situés sur tous les continents. Cela est d’autant plus vrai que ce domaine est l’une de ses compétences exclusives. Aucun État membre de l’Union européenne ne peut signer d’accord commercial bilatéral avec un pays tiers.
Un accord mondial sur les services
Après le TAFTA/TTIP et le CETA, les oreilles des Européens devraient prochainement s’habituer à un nouvel acronyme : le TISA (Trade in Services Agreement) ou en français ACS (Accords sur le commerce des services). Regroupant 23 membres de l’OMC, dont l’UE, représentant près de 70% du commerce des services, ce projet d’accord est en cours de négociation depuis 2013. Il vise à moderniser la législation internationale et à ouvrir le marché des services dans de nombreux domaines comme le numérique, les transports ou les services financiers. Alors que Wikileaks a révélé en 2014 certains documents annexes des négociations, la question du statut des services publics est au cœur des discussions. Le Parlement européen, qui devra ratifier l’accord, a voté en 2015 une résolution appelant à exclure les services publics du traité. Si le TISA s’inscrit dans le cadre de l’OMC, institution en panne depuis la suspension du Cycle de Doha en 2006, l’UE privilégie bien davantage les négociations bilatérales, avec des États ou d’autres organisations régionales.
C’est notamment le cas en Afrique. Depuis la Convention de Lomé (1975), remplacée par celle de Cotonou en 2000, l’UE a accordé aux pays dits ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) un accès privilégié à son marché. Parallèlement, les exportations européennes ne bénéficient pas des mêmes avantages dans ces pays. L’Union tente donc de négocier des accords de partenariat économique (APE) pour pallier ce déséquilibre. Menée avec les différentes organisations régionales africaines, les négociations avancent de manière variable, deux accords étant d’ores et déjà conclus mais pas encore entrés en vigueur : avec les États d’Afrique de l’Ouest ainsi qu’avec la Communauté de l’Afrique de l’Est. De nombreux observateurs, notamment africains, font valoir que la concurrence des exportations européennes et la perte de recettes douanières pourraient constituer de sérieuses menaces pour le développement du continent.
Vers des accords régionaux
L’Amérique du Sud n’est pas en reste. Très récemment, le 11 novembre 2016 a été signé à Bruxelles le protocole d’adhésion de l’Équateur à l’accord UE-Communauté andine (organisation qui regroupe également la Colombie, le Pérou et la Bolivie, même si cette dernière ne participe pas à cet accord). L’UE, acteur économique majeur de la région, tente également de conclure un accord commercial complet avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Venezuela). Les négociations ont été relancées en 2016.
Si d’autres accords sont en cours de réflexion avec les pays de la rive sud de la Méditerranée et du Moyen-Orient, les discussions les plus avancées concernent l’Asie. En 2018, l’UE espère ainsi voir son accord de libre-échange négocié avec le Vietnam entrer en vigueur. À terme, l’UE espère signer un accord de libre-échange global avec l’ensemble de la région : dans le cadre de l’ASEAN (l’Association des nations de l’Asie du sud-est) ainsi qu’un accord portant sur les investissements avec la Chine.
Laborieuse ratification
Un accord similaire avec Singapour a, lui, été finalisé en 2015. Toutefois, dans un arrêt daté du 16 mai 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que tout accord commercial incluant la création d’une juridiction spécifique pour le règlement des différends entre États et multinationales dépassait les seules compétences exclusives de la Commission européenne et entrait dans les compétences partagées entre l’Union et les États. Cet arrêt qui concerne spécifiquement l’accord UE-Singapour, mais qui doit faire jurisprudence, obligera donc l’ensemble de ces accords dit “de nouvel génération” à être ratifié par l’ensemble des parlements nationaux.
Un processus déjà en cours dans le cas du CETA et qui rend plus incertain encore l’entrée en vigueur complète de ces futurs accords. La politique commerciale de l’Union européenne n’a pas fini d’alimenter les discussions.