Le gouvernement indépendantiste de Catalogne souhaite organiser un référendum le 1er octobre, passant outre Madrid et la Constitution. Ce scrutin paraît toutefois bien incertain et révèle le fossé béant séparant partisans de l’indépendance du reste de l’Espagne.
Le 6 septembre, le Parlement de Catalogne – tout juste majoritairement pro-indépendance (72 sièges sur 135) – votait une loi convoquant officiellement un référendum le 1er octobre. Au terme d’une procédure en catimini, dénoncée par l’opposition anti-indépendance, et visant à empêcher Madrid de bloquer cette loi, le Président de la Generalitat de Catalogne, Carles Puigdemont ratifiait le texte. Celui-ci était immédiatement dénoncé par la vice-présidente du Gouvernement espagnol, puis, le lendemain, par le Premier ministre, Mariano Rajoy.
Le bras-de-fer est désormais lancé et une grande incertitude plane sur la suite des événements. Le gouvernement catalan cherche en effet à organiser un référendum au résultat contraignant, contrairement aux consultations organisées entre 2009 et 2011 ainsi qu’en 2014, d’abord par des associations dans les villes catalanes puis par les partis indépendantistes. A l’issu d’un scrutin auquel ne veut pas participer l’opposition anti-indépendance et quel que soit le niveau de participation, une très probable victoire d’un camp indépendantiste sur-mobilisé déclencherait alors automatiquement la sécession de la Catalogne. Engagée depuis des mois sur cette promesse d’un référendum « pour de vrai », la Generalitat ne semble plus pouvoir reculer au risque de se discréditer et de voir la fragile coalition au pouvoir éclater.
Bras-de-fer entre Madrid et le gouvernement catalan
Le gouvernement espagnol du Premier ministre Mariano Rajoy (PP, droite conservatrice) cherche lui à faire respecter la Constitution espagnole, aider en cela par la Cour constitutionnelle qui a déjà invalidé toutes les décisions pro-référendum du gouvernement catalan. À terme, la justice espagnole pourrait aller jusqu’à suspendre les mandats de l’exécutif indépendantiste. Souhaitant éviter, de fait, une dislocation de l’Espagne, Mariano Rajoy est pris en tenaille. Il ne peut laisser se dérouler le scrutin, au risque de voir l’indépendance se réaliser et être le Premier ministre n’ayant pas empêché la dislocation du pays. Mais voir l’État espagnol bloquer le référendum ne fera qu’alimenter le discours des indépendantistes voyant en Madrid un État autoritaire et centralisateur.
Au milieu de cela, les fonctionnaires catalans sont pris entre deux feux alors que Madrid a annoncé déclencher des poursuites judiciaires contre ceux qui aideront au déroulement du scrutin. Tandis que la Guardia civil s’est rendu dans une imprimerie qui pourraient servir à préparer le matériel électoral, les urnes étaient entreposées à Barcelone dans un consulat étranger, selon Jordi Manyé, membre de l’association Assemblée nationale catalane (ANC), cité par Le Monde.
Cette situation totalement surréaliste et incertaine n’est en réalité que l’apothéose d’un processus complexe et complètement bloqué depuis plusieurs années. Après la période franquiste (1939-1975) au cours de laquelle les velléités régionales étaient réprimées et la langue catalane interdite, la Constitution de 1978 rétablissait les institutions régionales espagnoles. La Catalogne devenait alors l’une des 17 Communautés autonomes du pays. Comme le précise l’intellectuel fédéraliste devenu pro-indépendance, Ferran Requejo, dans l’ouvrage Les Catalans d’Henry de Laguérie, la Constitution est toutefois accusée d’ambiguïté sur le degré réel de décentralisation et de préférer une autonomie d’exécution à une autonomie de décision.
L’autonomisation dans l’impasse
Depuis 1978, la Catalogne a progressivement vu son autonomie se renforcer mais un coup d’arrêt fondamental a eu lieu en 2010. Alors qu’un nouveau statut d’autonomie accepté par référendum (encore un) par les Catalans en 2006 accordait de nouveaux transferts de compétences, celui-ci est partiellement invalidé quatre ans plus tard par le Tribunal constitutionnel espagnol, saisi par le PP. Par la suite, les mouvements autonomistes et la société civile durcissent leurs positions, devenant massivement pro-indépendance et des manifestations monstres sont organisées.
C’est cette incapacité de deux camps devenus de plus en plus antinomiques à reprendre le dialogue sur l’autonomie, la fédéralisation et le caractère plurinational de l’Espagne qui bloque la situation. Car sur le plan de l’opinion, la société catalane est très partagée. Aucun camp ne parvient à prendre réellement l’avantage comme le montre des années de sondages. Pour constituer une majorité, le camp pro-indépendance est même obligé de regrouper les élus de partis de droite, de gauche et même les députés anticapitalistes de la CUP ! Le futur de la région la plus riche d’Espagne, peuplée de 7,5 millions d’habitants, paraît donc bien incertain mais personne ne peut dire aujourd’hui si celui-ci va réellement se jouer dans les prochains jours.