Le secteur de l’audiovisuel européen n’a pas échappé à la révolution numérique. Face aux nouveaux défis que cette dernière pose, l’Union européenne tente d’apporter des solutions pour une régulation adaptée.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’autorité de régulation de l’audiovisuel en France, a fait beaucoup parler de lui cette année. Le 7 juin et le 26 juillet, il a émis plusieurs sanctions à l’encontre de la chaîne C8 concernant l’émission « Touche pas à mon poste » de Cyril Hanouna. Plus récemment c’est l’ancienne oratrice de la France insoumise, Raquel Garrido, qui déclarait se retirer de la vie politique car le CSA l’avait exigé. En réalité, le CSA continuait de comptabiliser son temps de parole en tant que personnalité politique. Elle aurait donc pu continuer à s’exprimer sur C8 si la chaîne faisait venir autant de personnes d’autres camps. En parallèle, l’Union européenne propose une révision de la régulation communautaire pour adapter l’audiovisuel européen au contexte numérique actuel.
L’audiovisuel en proie à de gros changements
Les habitudes de consommation ont changé, de la passivité les consommateurs sont devenus actifs et cela influe donc sur la structuration des offres puisque ce sont eux qui décident. Il existe aujourd’hui des recommandations de consommation ; les algorithmes qui les nourrissent proposent une personnalisation de l’offre. Le numérique abolit la notion de géographie : on peut s’y adresser à tous.
L’évolution de la technologie analogique au profit de la technologie numérique pose également de nouveaux problèmes de régulation. Le numérique a fait évoluer le secteur de l’audiovisuel, au niveau de la fabrication et dans la rupture avec les modes de consommation. Auparavant, la consommation de l’audiovisuel était rattachée à un poste (radio ou TV) alors qu’aujourd’hui une plate-forme comme Netflix est un concurrent direct bien qu’il ne nécessite qu’une liaison internet. Le secteur fait donc face à une génération d’utilisateurs qui coupe leurs abonnements et rompt avec l’audiovisuel pour n’être plus qu’utilisateurs d’internet.
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C’est le modèle économique de l’audiovisuel dans son ensemble qui est ainsi ébranlé. En effet, auparavant le marché mondial était fragmenté et la concentration se retrouvait au niveau local, c’est aujourd’hui l’inverse : les acteurs sont peu nombreux à l’échelle mondial et l’offre est très fragmentée en local. Cette fragmentation commence avec la digitalisation. Si les législateurs nationaux et les organes régulateurs nationaux prennent des mesures pour contrôler le secteur audiovisuel au niveau local, il n’existe aucun régulateur mondial. Cela explique l’absence de règles mondiales en matière de concentration, de pluralisme ou encore de réinvestissement. et pose un problème de modèle démocratique qui sort du simple système audiovisuel. Face à ces défis, une réponse internationale commune est devenue une nécessité pour appréhender correctement les conséquences dues à la transition numérique.
La mosaïque européenne des régulateurs européens de l’audiovisuel
Les États membre de l’Union européenne ont compris l’importance d’avoir un régulateur national de l’audiovisuel indépendant pour préserver un bon équilibre de concurrence. Chacun d’eux possède à ce jour une autorité de régulation, d’autant qu’il s’agit d’une obligation découlant de l’Union européenne elle-même via la directive Services de Médias audiovisuels (SMA). Le dernier membre à s’en être pourvu est le Luxembourg en 2013. Le paysage des régulateurs européens est loin d’être uniforme, il existe différents types d’autorité qui cohabitent et collaborent en Europe.
Une réponse européenne au défi numérique ?
La seule régulation nationale n’est plus suffisante pour répondre aux défis auxquels fait face le secteur. La Commission européenne, dans le cadre de la création du marché unique numérique, a émis une proposition de révision en mai 2016. En avril et en mai cette proposition était étudiée par le Conseil et le Parlement européen et va faire l’objet d’un trilogue d’ici la fin de l’année 2017.
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Le lobbying de la part des acteurs de l’audiovisuel a été fort pour que les plateformes numériques soient prises en compte dans la régulation. Certains régulateurs nationaux (dont le CSA) ont initié le projet de la Commission européenne visant à créer le Groupe des régulateurs européens de services de médias audiovisuels (ERGA). L’activité des régulateurs au sein de l’ERGA et donc de l’Union, leur permet de conseiller la Commission et grâce à cette influence d’affirmer un paysage audiovisuel européen contraignant en profitant de son adaptation au numérique. Les différentes autorités de régulation sont à même d’agir et de se faire entendre grâce à l’ERGA. Cette uniformisation du paysage européen, par le biais de la directive SMA et cette incitation à l’échange entre les autorités, favorise une évolution dans le type et la forme même que prennent les autorités de régulation. L’européanisation des autorités de régulation est donc présente.
Cependant, au niveau mondial, il n’existe pas de régulation existante pour établir une concurrence équilibrée et la régulation européenne reste encore très frileuse dans sa régulation. D’autant que la réglementation pour la télévision et la radio reste plus sévère que celle qui s’appliquant pour les contenus en ligne type vidéo à la demande. La Commission a également choisi de conserver le principe du pays d’origine voire de l’étendre aux plateformes numériques. Celui-ci permet à de nombreux émetteurs de s’installer dans un État membre avec une législation moins contraignante et d’émettre vers les autres sans adapter son offre aux normes de l’État.