Les mouvements populistes pullulent en Europe. Le terme « populisme » est employé aussi bien par leurs détracteurs que leurs partisans. On le méprise, on s’en réclame : les institutions politiques sont bouleversées face à cette « troisième voie ». Cette situation inquiétante est-elle une fatalité pour cette Union européenne secouée par les nationalismes ? Le futur est incertain, mais la prise de conscience est encore possible.
L’Europe occidentale en perte de repères
Si un phénomène semble connaître une ascension spectaculaire dans les pays membres de l’Union européenne, c’est le populisme. Cette expression fourre-tout concerne plusieurs figures politiques issues de mouvements ou de partis qui se réclament d’une rupture totale avec le système en place, émergent dans un contexte d’instabilité économique et culturelle. Invoquant des principes identitaires, ces partis profitent du climat actuel de repli sur soi, face aux dégâts de la mondialisation et à la perte de repères dans un monde qui change. Se définissant comme anti-immigration, anti-islam ou anti-européens, ces populistes s’érigent en contre-modèle pour définir une identité, souvent floue, qui combat avec nostalgie, mais virulence, les soi-disant bouleversements d’une société en déclin.
Nombreux sont les partis qui se réclament « du peuple », comme s’ils avaient, mieux que les autres, compris ses aspirations. En Europe occidentale, on peut citer notamment le FN de Marine Le Pen en France, le parti indépendantiste UKIP de Nigel Farage au Royaume-Uni, Le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo et les Ligues du Nord, dans un registre plus régional, en Italie ou encore le Parti de la Liberté de Geert Wilders aux Pays-Bas. Ces derniers triomphent en promettant un combat contre les « élites », qui auraient des intérêts propres divergeant de ceux du peuple. C’est aussi le cas de l’Allemagne, qui restait la figure d’une Europe forte et internationaliste, mais qui vient de subir une défaite électorale avec l’importante avancée dans les votes de l’AfD (Alternative für Deutschland), remettant ainsi en question la politique migratoire d’Angela Merkel.
L’Europe du Nord et de l’Est face à la même tentation populiste
L’Europe occidentale n’est pas la seule touchée par le phénomène. Les pays scandinaves connaissent également une montée du populisme. La Suède paye son rôle de terre d’accueil nordique et voit l’essor des Démocrates de Suède qui, contrairement à ce que son nom pourrait supposer, est un parti d’extrême droite qui pourrait représenter aujourd’hui entre 20 et 25% des voix alors que le pays ne connaissait quasiment aucun extrémisme de ce type dix ans auparavant. C’est également le cas en Finlande avec le parti des Vrais Finlandais et qui participe à la coalition du gouvernement avec plusieurs ministères entre leurs mains. Au Danemark, le parti populiste reste marginal, néanmoins, il a du poids grâce à un système politique de gouvernements minoritaires dans lequel des partis extrémistes peuvent influencer grandement la politique menée. Ici encore, le Parti du Peuple Danois est anti-immigration et anti-Europe. Il est également surprenant de constater qu’un pays comme la Norvège, qui n’a pas connu d’immigration massive comme la Suède, soit en proie au populisme. Le Parti du Progrès a rejoint la coalition du gouvernement de centre-droit. Malgré un niveau de vie élevé et peu d’immigration, la défiance vis-à-vis de l’étranger reste importante.
Les cas les plus préoccupants sont cependant en Europe de l’Est. Parmi les anciens pays du Bloc soviétique, la transition européenne et démocratique ne semble plus garantie. En Pologne, le parti Droit et Justice récemment élu inquiète beaucoup avec sa politique liberticide et anti-européenne. Récemment critiqué pour sa limitation de la liberté de la presse, le gouvernement polonais de Jaroslaw Kaczynski risque de subir des sanctions de l’Union européenne et doit accepter une enquête de la part de la Commission européenne pour estimer si la Pologne enfreint les règles démocratiques qui doivent s’appliquer à tous les pays de l’Union. Encore plus inquiétant est le cas de la Hongrie de Viktor Orban. Il est désormais difficile de parler de véritable démocratie lorsqu’on évoque un pays où le pouvoir se centralise autour de cette figure patriarcale, admirateur de Poutine et de Erdogan. La Hongrie, comme la Russie et la Turquie d’aujourd’hui sont en passe d’instaurer un nouveau type de régime politique qui ne serait plus tout à fait une démocratie mais pas encore un système dictatorial. Il s’agirait de « démocraties dirigées » comme de nombreux médias et analystes les nomment déjà. On assiste en Hongrie à un simulacre démocratique alors que le véritable pouvoir est verrouillé, tout cela au nom du peuple et pour combattre les menaces extérieures, tant européennes que migratoires.
De la nécessité d’une alternative constructive au populisme
Avec la crise financière de 2008 et le climat de tension terroriste qui resurgit après les attentats de Paris, tout semble sourire aux partis populistes qui voguent sur les ressentis de populations en détresse dans un contexte de chômage, de perte de souveraineté et de sentiments d’insécurité. Il est d’autant plus inquiétant de voir des partis de gouvernement prôner la politique des partis populistes pour les combattre. C’est le cas de la France où François Hollande souhaite constitutionnaliser l’état d’urgence et permettre la déchéance de nationalité pour les bi-nationaux, ou en Grande-Bretagne où David Cameron veut interdire aux migrants d’obtenir des droits sociaux dans leurs premières années au Royaume-Uni.
La forteresse Europe paraît plus close que jamais et la réponse des partis traditionnels semble soit inexistante soit inspirée des propositions des partis populistes et extrémistes. Le nationalisme prospère dans un climat de peur de l’autre, de peur du multiculturalisme et de mise en avant d’une identité nationale imaginée. Bien que les situations soient très différentes selon les pays, on peut remarquer que le sentiment nationaliste et la défiance des élites sont largement partagés. Il est d’ailleurs intéressant de constater que ces sentiments apparaissent dans des sociétés où les théories du complot prennent de l’ampleur et deviennent de véritables sujets d’inquiétude.
Voilà pourquoi il est nécessaire pour les Européens attachés aux idéaux démocratiques et de pluralité tant politique que culturelle d’apporter une réponse en remettant en question des systèmes politiques agonisants et une Union européenne ne répondant pas aux attentes des citoyens européens. Les partis populistes ne peuvent et ne doivent pas être la seule réponse à une Europe qui a bien d’autres défis devant elle : le changement climatique qui doit s’accompagner d’un changement sociétal conséquent, la crise du système libéral outrancier… Un monde où l’espoir a disparu et qui se replie sur lui–même, en créant au passage des monstres politiques comme Donald Trump, doit savoir se relever et offrir une alternative à ces réponses simplistes qui nient la réalité même du monde en question.
Par Maxime Zimmermann