La Commission européenne a décidé de prolonger l’autorisation de vente du glyphosate de 18 mois, malgré l’absence de majorité qualifiée et le rejet massif du pesticide par les lobbys environnementaux et la société civile. La raison de cette décision ? Une confusion prétendument causée par le Brexit.
L’argument a du mal à passer. Le référendum britannique serait responsable de la confusion qui régnait, le vendredi 24 juin, à la Commission européenne, lorsque les pays ont voté pour ou contre le prolongement de l’autorisation du glyphosate. Deux pays ont voté contre (la France et Malte), et sept se sont abstenus (dont l’Allemagne). Par conséquent, aucune majorité qualifiée (55% des États et 65% de la population européenne) n’a été atteinte. Le 28 juin, la Commission a donc décidé de prolonger l’utilisation du produit en dépit des réserves des États et de la très forte opposition des associations, syndicats, lobbys… À peine cinq jours après le choc d’un Brexit qui condamne une Europe trop technocrate, l’exécutif européen persiste à ignorer la voix populaire et à imposer des décisions arbitraires.
Le glyphosate : qu’est-ce que c’est ?
Le glyphosate est une molécule découverte dans les années 50 et utilisée dès 1970 par l’entreprise Monsanto comme désherbant : il a la particularité de bloquer les enzymes qui permettent aux plantes de produire des protéines, et donc de les tuer. Sous le nom breveté “Roundup”, il est pulvérisé sur les champs avant les semences pour éradiquer toutes les mauvaises herbes. Très largement diffusé, il est vendu sur toute la planète, utilisé par des particuliers dans leurs jardins, des professionnels dans les cultures mais aussi par les États dans les lieux publics. À partir des années 90, Monsanto développe des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) résistant au Roundup. De cette manière, les cultivateurs peuvent continuer à traiter leurs cultures même lorsque les semences sont plantées, garantissant la seule survie des produits transgéniques. Ce coup de génie a permis à Monsanto de devenir l’une des entreprises de vente agricole les plus puissantes au monde, bien que les OGM soient encore interdits dans l’Union européenne. Le Roundup est aujourd’hui le pesticide le plus produit et le plus diffusé à travers la planète, et il rapporte 5 milliards de dollars par an à Monsanto.
Mais depuis quelques années, des découvertes scientifiques sur la dangerosité du Roundup remettent en question le consensus dont il faisait l’objet. Le glyphosate est présent dans presque tous les aliments, et mauvaise nouvelle : quand on consomme les produits, même nettoyés, 15 à 30% du pesticide reste dans l’organisme. Ainsi, l’on estime que la population européenne est systématiquement exposée. Or l’OMS, à travers son Centre international de recherche sur le cancer (CRIC) a déterminé que le glyphosate est très probablement cancérigène (999 risques sur 1000), et qu’il s’agit d’un perturbateur endocrinien. Il joue sur les hormones et provoque stérilité, fausses couches et malformations foetales. Les agriculteurs qui manipulent le roundup sont les premiers à subir ses effets : cancers, problèmes respiratoires, maladies neurodégénératives… De plus, le glyphosate est dangereux pour l’environnement : il pénètre les sols et les rend stériles, contamine l’eau et contribue à faire disparaître des espèces animales (poissons, oiseaux et insectes notamment).
Le glyphosate en Europe
Pour qu’un produit soit commercialisé à l’échelle européenne, il doit obtenir une autorisation, qui est temporaire. Le glyphosate a obtenu son autorisation en 2002. Celle-ci se termine le 1er juillet 2016. C’est pourquoi les 28 devaient décider avant cette date butoir s’ils acceptaient ou non de renouveler l’autorisation de vente du glyphosate. Le premier vote, non concluant, s’était tenu le 8 mars, puis les 18 et 19 mai, et enfin le 24 juin, où aucune majorité qualifiée n’a émergé.
Faute de consensus, la Commission européenne a décidé de faire fi des alertes lancées par des organismes scientifiques indépendants, et des pétitions de la société civile qui s’inquiète des répercussions possibles sur la santé publique. Monsanto continuera à vendre un produit potentiellement dangereux jusqu’au 1er janvier 2018. Sauf si d’ici là un référendum, une élection ou tout autre évènement que l’exécutif aurait pu prétendre ne pas avoir anticipé, déstabilise nos dirigeants au point de leur faire ignorer l’avis de millions d’Européens.
Elena BLUM
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