Le 6 octobre dernier, le tout nouveau corps européen de gardes-côtes et gardes-frontières a été inauguré à la frontière entre la Bulgarie et la Turquie. Un lieu symbolique en tant que point d’entrée des migrants qui contournent la Méditerranée. Une action symbolique en tant qu’image d’unité entre des pays européens qui se sont déchirés ces derniers mois.
La protection des frontières extérieures de l’Union européenne est traditionnellement l’apanage de Frontex, une agence qui coordonne les opérations des Etats membres de l’Union, bien qu’elle n’ait pas de pouvoirs propres. Cependant, avec la vague migratoire de ces dernières années et le risque sécuritaire, elle est apparue dépassée par la situation, ce qui a poussé les dirigeants européens à s’entendre sur le renforcement de ses moyens et de ses effectifs.
Une nouvelle force de réaction rapide
La proposition avait été faite en décembre dernier, à la suite des attentats, et la Commission européenne a réussi à la mettre en place en moins d’un an. Cette nouvelle Agence européenne de gardes-côtes et gardes-frontières, dont Fabrice Leggeri, déjà dirigeant de Frontex, prendra la tête, sera dotée de moyens propres et composée d’agents de statut européen. Les effectifs de Frontex seront doublés progressivement pour arriver à 1 000 personnes permanentes, et l’agence disposera aussi d’un corps d’intervention rapide de 1 500 gardes-frontières. Elle aura aussi un équipement propre, ce qui lui assurera une indépendance des Etats, contrairement à Frontex qui doit demander aux Etats membres de mettre leurs équipements à sa disposition.
Cette agence sera principalement chargée de veiller de façon permanente sur les frontières extérieures de l’UE grâce au détachement d’agents de liaison. De plus, elle pourra envoyer des officiers de liaison dans des pays tiers et lancer des opérations conjointes avec ces derniers. Elle s’occupera aussi de la coordination du renvoi des migrants dans leur pays d’origine, ainsi que de la prévention de la criminalité transfrontalière.
Une réponse à la récente crise de Schengen
Mais la principale innovation de l’Agence européenne de gardes-frontières par rapport à Frontex sera sa capacité à intervenir dans n’importe quel Etat membre de l’UE sur demande du Conseil européen à majorité qualifiée. Si l’Etat membre concerné s’y oppose, il sera dès lors placé hors de Schengen, ce qui donne donc de facto à l’Agence une prérogative pour intervenir dans n’importe quel Etat membre de l’UE, que ce dernier soit d’accord ou non, tant que le Conseil européen se prononce en faveur.
La création de ce corps européen est donc une réponse à la crise de Schengen de ces derniers mois, puisqu’elle permet d’assurer la libre circulation entre les pays signataires de l’accord grâce à la protection des frontières extérieures. Cette liberté avait quelque peu été remise en cause lorsque plusieurs pays de l’espace Schengen avaient fermé leurs frontières, entre autres l’Allemagne, l’Autriche ou encore la Suède.
Une initiative qui ne semble toutefois pas être à la hauteur des enjeux
Et pourtant, bien que l’intention soit louable et que sa mise en œuvre constitue un pas en avant par rapport à Frontex, la création de l’Agence européenne des gardes-côtes et gardes-frontières ne sera pas suffisante à la résolution des problèmes qui touchent l’Union européenne. En effet, même si les frontières extérieures de l’Union seront plus sûres, et que les polices et administrations des Etats membres seront épaulées par une force permanente et compétente, les réfugiés continueront à essayer d’entrer sur le territoire de l’UE.
L’Union européenne doit voir plus loin que ses propres frontières extérieures et s’attaquer à l’origine de ces flux migratoires : elle doit intervenir contre les passeurs criminels qui sont responsables de plusieurs milliers de morts chaque jour en Méditerranée, elle doit négocier avec les pays d’origine pour l’installation de centres d’étude des demandes d’asile avant même l’arrivée des migrants sur le territoire européen, elle doit se concentrer sur une aide au développement et à la stabilisation de ces régions pour améliorer les conditions de vie des habitants, et leur permettre de vivre dignement dans leur pays.
La création de l’Agence européenne de gardes-côtes et gardes-frontières a répondu à l’exigence de frontières extérieures de l’Union européenne sûres. La guerre de l’autre côté de la Méditerranée et l’afflux de réfugiés de ces dernières années sont à l’origine d’un besoin de la part du peuple européen de se sentir en sécurité sur son territoire. Reste encore à savoir si on ne se dirige pas toujours plus vers une « Europe forteresse » coupée du reste du monde…
Mathilde Ciulla