Alors que Ban Ki-moon laisse sa place après dix ans comme secrétaire général de l’ONU, c’est Antonio Guterres, ancien premier ministre portugais, qui prend sa suite. Beaucoup de choses risquent de changer alors que la direction de la plus grande organisation internationale passe dans les mains d’un Européen.
Le rôle de secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), souvent considéré comme symbolique, est cependant très important dans un monde multipolaire et toujours plus interconnecté. Selon l’ONU, il est « le porte-parole des peuples du monde, en particulier ceux qui sont pauvres et vulnérables », il doit se servir de son « indépendance, de son impartialité et de son intégrité pour faire, publiquement et en privé, des démarches propres à empêcher l’apparition, l’aggravation ou l’extension des conflits internationaux »
Du Sud au Nord, une vision du monde qui diffère
Ban Ki-moon représentait le Sud du monde, ces pays en développement qui traversent actuellement des moments difficiles. Antonio Guterres, représente lui, l’Europe, une Europe unie et forte, puisqu’il croit dans les bienfaits de l’Union européenne. C’est un socialiste, qui se décrit lui-même comme catholique, très bon orateur, qui maîtrise le portugais, l’anglais, l’espagnol et le français. Il a été nommé en octobre dernier secrétaire général de l’ONU après avoir été élu par le Conseil de Sécurité au cours d’élections où il a largement dominé les neuf autres candidats au poste. La transition avec Ban Ki-moon a été effectuée le 12 décembre dernier, lorsqu’Antonio Guterres a prêté serment.
Antonio Guterres a longtemps eu des fonctions dans son pays natal, le Portugal. Il a été élu au Parlement, il a dirigé le Parti socialiste portugais et a aussi été Premier ministre. Au niveau international, il a dirigé le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) de 2005 à 2015. Grâce à cette expérience, il acquiert des connaissances qui ne peuvent que lui être utiles pour son mandat à la tête de l’ONU : sur le conflit en Syrie, au Yémen ou encore au Soudan du Sud.
Une volonté de réformes pour une institution en crise
Dans un monde où les crises semblent se multiplier et pour lesquelles les dirigeants mondiaux peinent à trouver des solutions, l’ONU a largement été critiquée pour son inaction ou son inefficacité. L’organisation multilatérale avait été pensée, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, comme un rempart aux conflits entre États, agissant comme intermédiaire dans les conflits pour éviter les escalades de violence. Il semble cependant qu’elle n’ait pas réellement réussi à remplir ce rôle.
Pour ne citer que quelques exemples, sa médiation dans le conflit israélo-palestinien n’aboutit pas à la résolution du plus vieux conflit mondial, aucun compromis n’est trouvé malgré les nombreuses déclarations en faveur d’une solution à deux États. La dernière résolution en date condamnant l’illégalité des colonies israéliennes sur les territoires palestiniens ne mène à aucune réelle amélioration de la situation pour les Palestiniens. Autre exemple : la guerre en Syrie qui, malgré les actions des envoyés spéciaux des Nations Unies pour la résolution pacifique du conflit qui se sont succédés ces dernières années ne semble pas se diriger vers une pacification de la région.
Antonio Guterres veut donc initier une réforme globale, comme il l’a indiqué dans son discours d’investiture, déclarant que « l’ONU doit se préparer à changer ». Il s’attaquera donc à assurer aux Nations Unies une plus grande efficacité sur le terrain et c’est pour cela qu’il voudrait simplifier la bureaucratie onusienne qui retient en arrière l’organisation dans ses actions. Il appelle à repenser les stratégies et les opérations de maintien de la paix, à travers le corps des Casques bleus. Interrogé par le Guardian, il rappelle ce qui l’indigne et qui le pousse à saisir l’occasion de ce mandat de cinq ans comme secrétaire général de l’ONU pour laisser sa marque : « Après ce que j’ai vécu à la tête de l’HCR pendant dix ans, je suis complètement engagé. Vous ne pouvez imaginer ce que l’on ressent à la vue de ces souffrances inimaginables. »
Il n’y a plus qu’à espérer que le nouveau secrétaire sera capable de rendre à l’ONU les moyens de ses ambitions pour que l’organisation puisse enfin mener à bout sa mission originelle : maintenir la paix dans un monde où les conflictualités augmentent sans cesse.
Mathilde CIULLA