Crise économique en Finlande : Nokia, la faillite nationale

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Nokia, la marque nationale, qui avait fait la richesse du pays, n’a pas pris le tournant des smartphones. La Finlande se retrouve en crise économique.

Membre de l’Union Européenne depuis le 1er janvier 1995, la Finlande est le seul pays nordique à avoir adhéré à l’euro. Dans les années 2000, la marque de téléphonie mobile Nokia fait la santé économique du pays. Produisant près de 5,5% de la richesse nationale, Nokia devient très vite le symbole d’une prospérité économique et d’une force d’innovation considérable faisant la fierté de plus de 5 millions de Finlandais. C’est comme le dit Jyrki Ali-Yrkkö, docteur en sciences économique, au journal Libération :  « une très grande entreprise dans un très petit pays ».

Après quatorze ans à la tête du marché mondial des téléphones portables, Nokia manque le tournant des smartphones initié par l’iPhone d’Apple en 2007, et se voit très vite remplacé par le Sud-Coréenen Samsung. L’essoufflement de la marque dans cette course à la performance cause la chute de l’ancien numéro 1, qui en 2012 ne détient plus que 1,5% de la richesse finlandaise. Cet échec jumelé à l’effondrement du commerce international de 2009 plonge le pays dans la difficulté.

Nokia, un bug historique

Créé en 1865, ce n’est qu’en 1992 que Nokia abandonne l’industrie papetière pour se spécialiser dans la téléphonie mobile. Six ans plus tard, la marque finlandaise en devient le premier constructeur au monde. Alors que ses actions se négocient aux environs de 65€ dans les années 2000, l’entreprise est alors en passe de devenir la première capitalisation boursière d’Europe.

Un empire voit le jour. Avec plus de 40 000 emplois créés, Nokia représente 4% du PIB, 25% des exportations et un tiers des dépenses en recherche et développement de la Finlande. Son hégémonie sur le marché mondial est incontestable.

Rien ne semble annoncer un bug dans le système Nokia. Et pourtant, dès 2010 les bénéfices de la firme opèrent un recul de 40% : les consommateurs tournent le dos à la maison finlandaise. La valeur de l’action est divisée par trois, allant même jusqu’à atteindre les 1,66 €. En réalité touché par une réelle crise d’innovation, « Nokia étouffe sous les couches managériales. Cet échafaudage hiérarchique bride considérablement l’innovation. Il empêche que les plus brillantes solutions se transposent en action dans des délais inférieurs à quelques mois » déclare Juhani Risku, ancien cadre de Nokia.

Le 25 avril 2014, Microsoft rachète définitivement Nokia pour un peu plus de 5,44 milliards d’euros. Cet achat, s’il permet aux deux entreprises de rebondir face aux géants Apple et Samsung, n’est pas pour autant une fusion. Microsoft a désormais la main mise sur la logistique et les brevets finlandais.

La prospérité économique finlandaise : un dossier à archiver ?   

Si l’économie finlandaise comptait parmi les plus compétitives du monde, elle s’est dégradée au même rythme que sa production dans le secteur électronique. C’est en vue de redynamiser les exportations que le gouvernement finlandais signe en juin 2016 un pacte de compétitivité avec les partenaires sociaux qui prévoit un allongement de la durée annuelle du temps de travail de 24h (sans compensations salariales) ainsi que la diminution des cotisations sociales payées par les employeurs. La même année, l’économie finlandaise assiste à l’accroissement de sa consommation interne avec une croissance de +1,6%, permise par la faible inflation. Même phénomène pour les investissements public et privé qui sont boostés par des taux d’intérêts relativement bas.

Avec les réformes adoptées par le gouvernement concernant la compétitivité des exportations, le bilan idéal pour la fin 2017 serait celui d’une croissance portée par les exportations. Celles-ci devraient en effet progresser de 2,4% en 2017. Nokia ne porte cependant pas la crise finlandaise à bout de bras. Le poids de l’entreprise diminuait en réalité depuis quelques années déjà, sans en affecter la prospérité économique d’Helsinki pour autant, notamment avec la délocalisation de la production de l’entreprise en Asie, Amérique latine et Europe de l’Est.

Jolla et le nouveau Nokia 3310 : mise à jour ou nostalgie ?

Fondée en 2011 par d’anciens ingénieurs et cadres de Nokia, l’entreprise Jolla tente de perpétuer  l’influence finlandaise sur le marché international de la téléphonie mobile. La toute jeune entreprise propose depuis quatre ans déjà des téléphones dont le système d’exploitation s’ancre dans le même sillon que celui du Nokia N9 – à savoir l’unique smartphone créé par Nokia. Ne connaissant pas la même renommée que son prédécesseur, l’entreprise occupe toute fois le marché européen, hongkongais, chinois, indien et russe. En 2016, l’une des plus grandes entreprises de téléphonies indienne Intex Technologies lance le smartphone Aqua Fish, dont le système d’exploitation Sailfish OS est signé Jolla. Spécialisé dans les systèmes d’exploitation plus que dans la production compétitive téléphonique, l’entreprise finlandaise ne peut se dire l’héritier de Nokia, n’ayant créé que 150 emplois en 2013 (usine-digitale.fr).

S’ils n’ont pas su prendre le virage des smartphones, Nokia et son 3310 marquent cependant toute une génération. La résistance du produit, la longévité de sa batterie ainsi que son incontournable jeu Snake perpétuent le symbole national finlandais notamment sur Twitter où le Nokia 3310 y est souvent comparé à l’IPhone avec des phrases plus inventives les unes que les autres : « iPhone falls to the floor, break the screen / Nokia 3310 falls to the floor, break the floor ».

Cet engouement nostalgique des internautes pour le modèle emblématique de la maison finlandaise permet l’impensable : le 26 février 2017 à Barcelone est présenté le nouveau Nokia 3310. Dépeint comme « un classique moderne réinventé »  (slogan publicitaire Nokia), la version 2.0 du légendaire cellulaire épouse les mêmes formes que son ancêtre, avec un écran agrandi et en couleur. Vendu à 49€, la présence de ce nouveau modèle sur le marché apparaît plus comme une bonne opération de communication, répondant à la nostalgie d’une génération, qu’à un réel sursaut de la maison finlandaise.

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