Lundi 19 mai se sont ouvertes les négociations sur la sortie du Royaume-Uni. Si aucun aspect concret n’a encore été abordé, le cadre des discussions entre Londres et Bruxelles a été défini.
Le coup d’envoi a été donné. Les négociations sur le Brexit, qui devraient prendre fin en mars 2019, ont véritablement démarré ce lundi. Alors que depuis plusieurs mois, l’Union européenne trépignait et faisait savoir au Royaume-Uni qu’il serait bon de commencer le divorce, Theresa May avait souhaité attendre le résultat des législatives britanniques pour entrer dans le vif du sujet. C’est chose faite, et si aucune décision d’ampleur n’a encore été prise, Michel Barnier, le négociateur de l’Union européenne, et David Davis, son homologue britannique, ont défini le cadre dans lequel se déroulerait la séparation.
Des accords sur la forme
Première concession de Londres à l’Union européenne : la méthode de travail. C’est celle préconisée par Michel Barnier depuis des mois qui a été adoptée : les négociateurs se retrouveront pour discuter des aspects du Brexit, une semaine par mois. Rendez-vous le 17 juillet pour le lancement des hostilités.
Deuxième abdication britannique : le “séquençage” des négociations. Les dossiers seront traités les uns après les autres, et pas tous en même temps, ce qu’espérait Londres. Le séquençage devrait permettre de mettre en place un cadre juridique solide, même si c’est bel et bien le résultat final de l’accord qui sera important. En premier lieu, des négociations auront lieu sur des sujets jugés capitaux, puis viendra la nature de la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Ces trois premiers sujets cruciaux seront les droits des citoyens (les Européens résidant au Royaume-Uni et les Britanniques résidant sur le territoire de l’Union européenne, une priorité pour les institutions), les “engagements financiers” de Londres au budget de l’UE (la participation de Londres au budget commun, même après le Brexit, le budget étant déterminé jusqu’à 2020), et “d’autres sujets liés au Brexit”. Enfin, l’épineuse question de la frontière irlandaise sera traitée rapidement, sans qu’une date précise n’ait été donnée.
Un délai très court
David Davis a également accepté l’échéance proposée par Michel Barnier : l’accord devra être trouvé avant octobre 2018, afin de laisser six mois aux 38 parlements nationaux et régionaux de l’Union européenne pour ratifier l’accord. 15 mois seulement : une véritable course contre-la-montre. Si aucun accord n’est trouvé, ou si un parlement refuse de le ratifier, Londres deviendra un pays tiers, membre de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), soumis aux mêmes règles, et ne bénéficiant pas de plus d’avantages que le Pérou, la Mongolie ou la Namibie.
Autant dire que Londres a conscience que l’hégémonie britannique en matière de commerce peut s’effondrer, et que l’Europe ne cédera pas facilement, ne voulant pas faire naître l’idée d’une sortie bénéfique dans l’esprit d’autres Européens. Et si Theresa May a insisté ces dernières semaines sur la nécessité d’un Hard Brexit, nombre d’acteurs de la politique britannique manifestent pour un Brexit “doux”. Alors que la Première ministre a affirmé qu’il valait mieux “pas d’accord qu’un mauvais accord”, la principale confédération patronale a protesté, et s’est rangée du côté de Philip Hammond, ministre des finances, qui affirme que la ligne du Royaume-Uni doit être adoucie pour protéger les salariés et les intérêts britanniques. Une position partagée par Jeremy Corbyn, le leader du principal parti d’opposition, le parti Travailliste.
Theresa May dans la tourmente
Le relâchement des positions britanniques peut directement être imputé à l’affaiblissement de Theresa May. La Première ministre a perdu la majorité absolue dont elle disposait en voulant la remettre en jeu, pensant qu’elle en sortirait renforcée, avec une légitimité plus forte pour mener les négociations. Mauvais calcul pour celle qui devra maintenant obtenir le soutien des différentes forces de droite britanniques. Theresa May a également beaucoup de mal à gérer la crise profonde qui traverse le pays, endeuillé par de nombreux attentats et un incendie dramatique qui a causé la mort de 79 personnes.
Accusée depuis longtemps de ne pas prendre en considération les intérêts des plus faibles, et d’être tellement obnubilée par son Hard Brexit qu’elle en oublie le reste, Theresa May éprouve des difficultés à se relever et à former un gouvernement solide. La locataire du 10 Downing Street devra défendre sa position, et faire preuve de souplesse envers l’Union européenne. Ainsi, jeudi soir, elle a déclaré qu’aucun citoyen européen ayant habité le Royaume-Uni avant le Brexit ne serait forcé de quitter le pays. Une concession importante pour l’Union européenne, mais qui sera peut-être insuffisante pour redorer le blason de Theresa May. En effet, les Eurobaromètres indiquent que les citoyens européens ont de plus en plus d’intérêt pour l’Europe. L’on suspecte même la reine Elizabeth II d’avoir fait passer un discret message en faveur de l’Europe, en arborant un chapeau bleu décoré de fleurs au coeur jaune, lors de l’annonce du programme gouvernemental, le mercredi 21 juin.
Enfin, au cours de la journée de jeudi, Emmanuel Macron et Donald Tusk ont affirmé que tant que le Brexit n’était pas officialisé, un volte-face était possible, et que l’Europe accueillerait le Royaume-Uni “les bras ouverts”. Un message qui fait sens pour les 48,11% de Britanniques qui avaient fait le choix de l’Europe, le 23 juin 2016.