Maike Schmoch : « Il ne faut pas germaniser toute la politique européenne »

Maike Schmoch

Maike Schmoch a 27 ans et vient de Mainz, en Allemagne. Elle a vécu quelques mois en Espagne avant de faire sa licence en anthropologie culturelle et sciences politiques à Francfort. Après cela, elle a travaillé quelques mois pour une ONG allemande pour reprendre ensuite un master en Développement International à Wageningen, aux Pays-Bas, dans une ambiance des plus internationales. Son sujet phare est le développement urbain lié à l’agriculture urbaine. Sa thèse porte sur la résilience des jardins partagés aux Pays-Bas. Elle est actuellement stagiaire communication à URBACT, à Paris, et nous livre son regard d’Allemande sur les futures élections à venir dans son pays.

Que penses-tu de l’argument majeur d’Angela Merkel pour gagner les élections, qui est de promettre un plein-emploi d’ici à 2025 ?

Je pense que c’est n’importe quoi, et que tout le monde le sait. J’y pensais justement l’autre jour. Tout le monde est au courant qu’il ne s’agit que de fausses statistiques et qu’elle les fait parler selon son intérêt propre. Je me disais, pourquoi ils continuent à faire cela ? Je veux dire par là qu’il y a énormément de personnes qu’ils ne « comptent » pas dans les statistiques de chômage. Par exemple, on a ces « boulots à 1€ » en Allemagne. C’est fou, c’est vraiment complétement fou.

Il s’agit d’emplois où on travaille pour 1€ de l’heure, mais en quoi cela consiste précisément ?

Quand quelqu’un est sans emploi, il va auprès d’une agence, qui peut l’appeler à n’importe quel moment en disant « nous avons ce boulot à 1€, et si tu ne le prends pas, nous réduisons tes aides sociales de 30% ». Donc ils reçoivent de l’argent de cette agence, mais ne sont plus comptés parmi les chômeurs, puisqu’ils ont ce boulot à 1€.

Il y a également les femmes au foyer qui ne sont pas comptabilisées comme chômeuses. Ou encore des personnes qui suivent des formations pour améliorer ou développer leurs compétences. C’est un élément de plus qui n’est pas pris en compte dans la balance. Donc ils retirent tous ces éléments de leurs statistiques. Et c’est ainsi qu’ils réussissent à obtenir ce merveilleux et bas taux de chômage. Mais je pense qu’il s’agit surtout d’un effet psychologique pour permettre aux gens de se sentir en sécurité en Allemagne…

Et que penses-tu de la relation Allemagne – Union Européenne aujourd’hui ?

Hm, c’est assez complexe selon moi. Parce qu’il n’y a aucun autre pays qui a la même position que l’Allemagne aujourd’hui. Ce que Merkel fait avec l’Union Européenne, c’est qu’elle essaie de protéger les autres pays. Parce que dès qu’il y a de l’argent quelque part, les voisins autour veulent en bénéficier, ce qui est normal comme réaction. Mais d’un autre côté sa politique n’est pas du tout coordonnée avec les autres membres de l’UE. Par exemple, si tu prends la crise migratoire, elle a ouvert les frontières pour de bonnes raisons. Ces personnes ne peuvent pas rester dans leur pays d’origine parce que ce qu’il s’y passe est horrible. Elle n’a pas fait cela en ayant des arrières pensées évidemment. Mais elle n’en a pas discuté avec l’Italie, qui est aussi submergée. Elle n’en a parlé avec personne. Et cela représente bien sa politique. C’est important pour moi, que le/la prochaine Chancelier/lièrre, fasse en sorte qu’il y ait un accord de base avec les autres pays. Et je pense que cela peut détruire l’Union Européenne à terme si on continue à agir seul sans regarder à gauche ou à droite ce qu’il se passe.

Il ne faut pas germaniser toute la politique européenne. Et en voyant Emmanuel Macron aujourd’hui qui est arrivé au pouvoir, je pense que les Allemands veulent vraiment garder la relation que nous avons avec la France, cette amitié est importante pour nous aussi, et on veut vraiment continuer d’améliorer cela.

Et quel candidat(e) est en meilleure position pour réaliser cette image idéale que tu dépeins là à ton avis ?

Hm, je vais encore parler de Merkel là. Je suis bien plus d’accord avec la politique et les ambitions de Schulz, mais je n’aime ni le personnage ni la façon qu’il a de faire de la politique.

Pourquoi ?

Et bien, au vu de la situation actuelle, du chaos ambiant qui règne depuis des années et de toutes les choses qu’on ne contrôle plus, Merkel représente une certaine forme de stabilité pour le pays. Et les Allemands ont besoin de cette stabilité, c’est presque dans nos gênes. On a eu Helmut Kohl qui est resté Chancelier pendant seize ans. Ce n’est donc pas la première fois que cela se passe et que Merkel a tant de chances de remporter ces élections. La stabilité, beaucoup de personnes aiment ça, c’est normal non ? Lors des dernières élections si je me souviens bien, la CDU, le parti d’Angela Merkel, n’avait même pas de réel programme il me semble. Sur les affiches de campagne il y avait simplement sa photo et « Vous me connaissez » en dessous. Et c’était tout. Et ils ont gagné ces élections comme ça, c’est ridicule.

Et elle a encore ses chances grâce à cela. Je ne dis pas que les gens sont tous entièrement d’accord avec sa politique, mais la stabilité qu’elle représente, aucun autre candidat ne bénéficie de cela. Elle est calme, elle réfléchit avant d’agir, et elle est prévisible dans ce chaos dont je parlais. Et Schulz ne peut pas remplacer là. Il ne fait que parler, il prend tout très à cœur, il n’est pas très stratégique.

Mais les gens ne le connaissent pas du tout en Allemagne ? Il est pourtant actif politiquement depuis un moment

Non, il s’est fait connaître grâce à la politique européenne et il ne s’est jamais vraiment engagé pour les causes allemandes. Son parti, le SPD, était très populaire à l’époque, mais c’est vite passé de mode…

Et à ton avis quel est son point fort pour ces élections ?

Il se bat pour les bonnes causes. C’est ça son atout, il a des positions pour des choses qu’il faut changer. Mais il parle beaucoup trop et ne donne pas réellement d’actions à mettre en place, et ça aussi c’est son point faible.

Anais De Muret

Étudiante en Master 2 Études européennes, stagiaire chez URBACT, toujours en quête d’actions vertes et passionnée par la complexité et la diversité des villes européennes.

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