Les élections législatives de mars 2017 aux Pays-Bas ont accouché d’un Parlement particulièrement éclaté, rendant la formation d’une majorité gouvernementale très difficile. Et le temps presse car il ne reste plus qu’un mois avant la convocation d’élections anticipées.
Les élections législatives néerlandaises du 15 mars 2017 avaient constitué une importante surprise pour nombre de commentateurs. Le Parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders – eurosceptique, anti-islam et allié du Front national au Parlement européen – ne récoltait que 13,1% des voix, un score bien maigre pour un parti annoncé comme favori en début de campagne.
Le second enseignement de ces résultats était l’extraordinaire éclatement des résultats. Bien aidé par un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale, pas moins de 13 partis obtenaient des sièges à la Chambre des députés. Le Parti populaire libéral et démocrate (VVD) du Premier ministre sortant de centre-droit, Mark Rutte, obtenait 21,3% et seulement 33 sièges, bien loin de la majorité absolue dans cette assemblée de 150 députés. La constitution d’un nouveau gouvernement de coalition, rassemblant au moins quatre partis apparaissait alors comme la seule voie pour constituer une majorité.
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Plus de 150 jours plus tard, les différents partis politiques ont pour l’instant échoué à constituer cette majorité. Quatre mois après les élections, le Parlement n’est toujours pas entré en fonction et le gouvernement démissionnaire se borne à gérer les affaires courantes. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette incertitude.
La fin de la “grande coalition”
Le premier est l’affaissement de la social-démocratie. Jusqu’aux élections de mars dernier, le VVD de Mark Rutte gouvernait les Pays-Bas au sein d’un gouvernement de « grande coalition » avec le parti travailliste (PvdA). Le parti du premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, et du président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, était ainsi la deuxième force politique néerlandaise avec 38 députés sur 150.
Mais à l’image du Pasok grec, du PSOE espagnol, et désormais du PS français, l’incarnation de la social-démocratie aux Pays-Bas s’est effondrée au profit d’autres mouvements, notamment à la gauche de la gauche ou à l’écologie. Il n’a ainsi récolté en mars que 5,7% des voix et conservé seulement neuf députés. Mark Rutte dont le VVD a mieux résisté (il n’a perdu que huit députés) a alors été obligé de trouver de nouveaux appuis.
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Si le Premier ministre depuis 2010 peut compter sur un partenaire libéral (Démocrate 66/D66) et de centre-droit (l’Appel chrétien démocrate/CDA) relativement proches du VVD et récoltant chacun 19 sièges, ce bloc de trois partis représentant 73 députés reste minoritaire. Mark Rutte a donc été obligé de se tourner vers des partenaires plus éloignés de ses convictions politiques.
Le mariage de la carpe et du lapin ?
Des négociations ont d’abord débuté avec l’un des partis en forte progression à l’issu de ces élections : l’écologiste et europhile Gauche verte (GL) et ses 14 sièges. Après plusieurs échecs, les négociateurs du VVD se sont ensuite tournés vers le petit parti chrétien-conservateur de l’Union chrétienne (CU) et ses cinq députés. Mais ces différentes combinaisons ont échoué sur plusieurs enjeux révélant les fractures de la société néerlandaise.
C’est d’abord l’immigration qui a empêché un accord VVD-D66-CDA avec la Gauche verte en mai dernier. Alors que la Gauche verte et D66 prônaient un assouplissement de la politique migratoire néerlandaise, VVD et CDA cherchaient au contraire à la durcir. Désormais jugé infréquentable, le PVV de Geert Wilders réussit ainsi, à l’image de nombre de pays européens, a imposé ses thèmes de campagne. De facto, des partis de gouvernement plus classiques cherchent à adopter des politiques ouvertement restrictives sur l’immigration afin de limiter la fuite de leurs électeurs.
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En se tournant vers l’Union chrétienne (CU) à partir du mois de juin, ce sont cette fois les questions de société qui ont suscité de vives querelles. Les positions très libérales du D66 sur l’euthanasie, l’avortement ou la commercialisation du cannabis se marient extrêmement mal avec le conservatisme de la CU.
Un événement loin d’être rare
Une dernière solution pourrait être de constituer un gouvernement minoritaire qui, à l’image de l’Espagne depuis septembre 2016, devrait aller chercher les voix suffisantes sur chaque texte. Cette option n’est cependant pas synonyme de stabilité et peut condamner le gouvernement à l’immobilisme. La situation aux Pays-Bas est cependant loin d’être une première, à l’image de nombreux régimes parlementaires en Europe, habitués aux longues négociations et à la recherche, souvent difficile, de compromis. C’est ainsi la huitième fois depuis 1945 que la formation d’un gouvernement prend plus de cent jours.
Cette incertitude politique semble n’avoir que peu de conséquences sur la situation socio-économique du pays. Avec le 4e meilleur niveau d’indice de développement humain du monde, un taux de chômage inférieur à 5% et une croissance à 2,2% en 2016, les indicateurs sont plutôt très favorables, même si le taux de travailleurs pauvres est supérieur à celui de la France.
Toutefois, le gouvernement démissionnaire ne peut prendre aucune décision majeure et le temps presse. En effet, la présentation du budget 2018 le troisième mardi de septembre est considérée comme la date butoir. En cas d’échec des négociations, des élections anticipées seraient convoquées, un événement inédit dans l’histoire politique néerlandaise que tous les partis excluent pour le moment. Les négociations viennent justement de reprendre après une pause estivale de trois semaines, preuve peut-être que tout n’est pas perdu.