Renouveau économique et social-démocratie : l’exception portugaise

Portugal

Au bord de la faillite il y a quelques années, le Portugal connaît désormais une situation économique à faire rougir bien d’autres États européens. Dirigé depuis l’automne 2015 par une coalition de gauche, le pays semble fonctionner à rebours des politiques européennes traditionnelles.

L’horizon économique du Portugal s’est éclairci ces derniers mois. Les indices macroéconomiques sont en effet encourageants, la croissance attendue pour 2017 s’élevant à 2,8 %. Le chômage, après avoir atteint le taux record de 18 % en 2013/2014, devrait s’établir à la fin de l’année à 9,9 %. De même, le déficit public s’est établi à 2% du PIB en 2016 et devrait être de 1,5% à la fin de l’année. Une évolution économique si favorable qu’en mai dernier, la Commission européenne a décidé de sortir Lisbonne de la procédure de déficit excessif, après plusieurs années de rigueur.

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En 2008, en pleine crise mondiale, le Portugal était dans une situation très inconfortable. La dette publique atteignait un très haut niveau et la croissance était atone. En 2010, le déficit public atteignait 11,17%, poussant le pays à réclamer une aide extérieure. Dès lors, l’Union européenne et le FMI ont versé, en 2011, 78 milliards d’euros au plus petit État ibérique, conditionnant cette aide à l’adoption de réformes structurelles par la nouvelle coalition de droite de Pedro Passos Coelho.

Plan international d’aide financière et mesures austérité

Des mesures d’austérité sont alors mises en œuvres. Le gouvernement adopte une réforme des impôts des particuliers, une diminution de l’impôt sur les sociétés (23 %), une augmentation de l’âge de départ à la retraite (66 ans) et un plan de privatisations à hauteur de 10 milliards d’euros. Les conséquences s’avèrent difficiles, mais le Portugal est fréquemment présenté comme le bon élève de l’Union européenne en matière de réformes courageuses.

L’austérité a cependant connu un discrédit croissant, et la poursuite des réformes a été ralentie. Toutefois, la politique de soutien monétaire massif de la BCE décidée en 2012 par Mario Draghi a permis à Lisbonne de se financer plus facilement. Cela n’a néanmoins pas permis au parti de Pedro Passos Coelho, pourtant arrivé en tête des élections de novembre 2015, de reformer la coalition victorieuse de 2011.

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À l’issue des législatives de 2015, le Parti socialiste, soutenu par des communistes et d’autres mouvements de gauche, a réussi à former un gouvernement, confié à António Costa. S’est alors opéré un revirement de la politique économique, même si la fenêtre de tir semblait étroite entre les exigences européennes et le contrat de gouvernement.

Le virage économique de la nouvelle coalition de gauche

Les réformes engagées ont visé à desserrer la pression sur les ménages. Les surtaxes sur l’impôt sur le revenu ont été abrogées, le salaire minimum et les retraites ont été revalorisés et le temps de travail hebdomadaire dans la fonction publique a été ramené à 35 heures. Les contreparties ont toutefois été une baisse de 30 % des investissements publics, ainsi qu’une hausse de l’impôt sur les sociétés et de la fiscalité indirecte (immobilier, carburants).

De telles mesures ont permis à l’économie portugaise de retrouver le chemin de la prospérité, satisfaisant les exigences budgétaires. Le gouvernement ambitionne d’atteindre l’équilibre en 2020, en contrôlant la dépense publique. De même, la compétitivité connaît une amélioration, passant en 2017 de la 46è à la 42ème place, selon Global Competitiveness Report du Forum économique mondial. La seule ombre au tableau reste le niveau de la dette publique, qui s’élève à 130,4 % du PIB.

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L’économie du pays bénéficie également du boom du tourisme et de l’immobilier. Les recettes du secteur du tourisme ont atteint 12,47 milliards d’euros en 2016, avec 11,4 millions de visiteurs. Le gouvernement a d’ailleurs adopté, en septembre 2017, une stratégie pour le tourisme. Cette dernière pose des objectifs ambitieux sur dix ans, en prévoyant pour 2027 des recettes s’élevant à 27 milliards d’euros et une augmentation conséquente du nombre d’emplois dans ce domaine.

Au vu des résultats des élections municipales d’octobre 2017, l’action de la coalition de gauche semble être soutenue par la population portugaise. Le Parti socialiste d’António Costa a en effet remporté une large victoire en recueillant 38 % des suffrages, son record pour une élection locale. À l’inverse, le parti de droite de Pedro Passos Coelho a obtenu l’un des plus mauvais résultats de son histoire. Dans un paysage politique européen tournant le dos à la social-démocratie, le Portugal fait ainsi plus que jamais figure d’exception.

Quentin Cornic

Étudiant en deuxième année de Master d'Études européennes, je m'intéresse notamment aux questions diplomatiques et économiques.

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