C’est en 1992 lors du traité de Maastricht que la fonction de médiateur européen a été créée en prenant pour modèle l’expérience de plusieurs Etats membres. Après avoir été la première femme médiatrice dans son pays, l’Irlandaise Emily O’Reilly, élue par le Parlement européen, est depuis cinq ans la première femme également au poste de médiatrice européenne.
Son rôle est d’enquêter, soit de sa propre initiative, soit en réponse à des plaintes pour mauvaise administration déposées contre des institutions ou organes de l’Union européenne : par exemple sur le comportement abusif d’une institution, un abus de pouvoir, une absence ou un refus d’information, ou encore une procédure incorrecte. Il représente un moyen non juridictionnel (s’opposant donc ainsi à la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE]) à la disposition des citoyens européens pour défendre leurs droits face aux institutions. Si la possibilité d’intervention auprès de la CJUE est compliquée, le médiateur constitue une solution alternative.
Récemment, la médiatrice est intervenue par exemple auprès du comité d’éthique de la Commission européenne pour demander que soit réexaminé le cas de l’ancien président de ladite Commission José Manuel Barroso. Elle sera également impliquée dans l’affaire du “Selmayrgate” : plusieurs délégations, dont le PS français, ont saisi la médiatrice afin qu’elle mène une enquête pour “mauvaise administration”.
Un organe récent de contrôle des institutions au service des citoyens européens
Le médiateur européen est un organe récent à l’échelle de l’Union européenne et il ne fait pas juridiquement partie des sept institutions de l’Union européenne (Parlement, Conseil, Commission, Conseil européen, CJUE, Cour des comptes et Banque centrale européenne), mais il a tout de même le rôle important d’Ombudsman comme il est souvent appelé, c’est-à-dire le “défenseur des droits”. Emily O’Reilly est en quelques sortes la garante de l’éthique au sein de l’Union : “être médiatrice, c’est avant tout s’occuper des plaintes de citoyens qui s’estiment lésés par l’administration de l’UE” (La Croix).
Dans la plupart des cas, Emily O’Reilly est chargée de traiter des cas de mal administration : il y a “mauvaise administration” lorsqu’une institution ou un organe de l’Union n’agit pas conformément au droit communautaire, ne respecte pas les principes de bonne administration ou agit en violation des droits de l’Homme. Ce sont majoritairement des problèmes systémiques et parfois il suffit simplement d’en informer l’institution concernée. Et si ça ne suffit pas et que le problème persiste, le médiateur essaye de négocier un accord amiable pour remédier à la situation car sa décision n’est pas contraignante.
Emily O’Reilly est également en charge du traitement des ICE (initiatives citoyennes européennes). Il y a trois ans, la médiatrice a d’ailleurs formulé des propositions destinées à renforcer le rôle que jouent les initiatives citoyennes européennes au sein du débat politique et démocratique de l’Union, plaidant notamment pour que les organisateurs d’ICE soient mieux orientés ou pour plus d’implication de la part des institutions.
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La médiatrice a aussi fait de la coopération avec les médiateurs nationaux une de ses priorités. Ainsi, il existe aujourd’hui un réseau européen de médiateurs constitué de 90 bureaux dans 32 Etats européens qui coopèrent systématiquement pour assurer le transfert des plaintes, l’échange d’information à propos de la législation de l’UE et la diffusion des meilleures pratiques.
Une efficacité relative ?
Mais quelle est réellement l’efficacité de l’ombudsman ? Le bilan depuis 23 ans est-il positif ?
Depuis son entrée en fonction en 1995, on constate effectivement certains effets positifs. Par exemple, en réponse aux pressions du médiateur, la plupart des institutions et organes de l’Union ont mis en place des règles d’accès à l’information, la discrimination fondée sur l’âge pour les concours de recrutement a pris fin, et le droit fondamental à une bonne administration a été ajouté à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le médiateur a d’ailleurs rédigé le Code européen de bonne conduite administrative pour expliquer ce que ce droit signifie en pratique. La Parlement européen l’a adopté en 2001 et depuis, la plupart des institutions et organes ont adopté des codes similaires pour encadrer les relations entre les citoyens et l’administration.
L’administration de l’Union est aujourd’hui plus ouverte, plus responsable et plus orientée vers le service aux citoyens. En facilitant la participation citoyenne, on peut supposer que le médiateur permet aussi une plus grande confiance dans l’administration et avec elle une meilleure adhésion aux lois et aux politiques de l’Union européenne. L’ombudsman renforce la légitimité globale de l’Union.
Cependant, la décision du médiateur étant non contraignante, elle manque souvent d’efficacité. Ses moyens de pression restent assez faibles : même si, selon une porte-parole à Bruxelles, ses opinions sont tout de même suivies dans près de 90% des cas, pour certains autres cas pourtant importants, l’avis de la médiatrice semble ne pas changer grand-chose. En 2015 par exemple, après une enquête approfondie sur le mécanisme controversé du trilogue (des réunions informelles entre les trois grandes institutions de l’UE au cours du processus législatif), Emily O’Reilly avait présenté plusieurs suggestions pour tenter de rendre les trilogues plus transparents cependant, peu ont été suivies et les réunions continuent aujourd’hui de se tenir à huit clos et il est encore difficile de savoir ce qu’il s’y passe réellement.
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En outre, le défi aujourd’hui pour les médiateurs, aussi bien la médiatrice européenne que les médiateurs nationaux, est d’aider à faire primer les droits des citoyens dans le développement de l’Union : c’est pour cela que la médiatrice enquête sur des cas comme le trilogue et qu’elle cherche à améliorer certains outils comme l’initiative citoyenne européenne.