L’état des lieux des élections européennes, le meurtre d’une journaliste nord-irlandaise, les derniers votes du Parlement européen, la protection des lanceurs d’alerte et l’élection de Volodymyr Zelensky en Ukraine : les actualités européennes de la semaine, par Clara Dassonville.
Élections européennes : l’état des lieux sur la campagne
En France, La République en marche et le Rassemblement National restent en tête des intentions de vote. Selon un sondage diffusé jeudi 18 avril, LREM récolterait 22% des voix, et le RN 21,5% des intentions de vote — alors que la campagne a été momentanément suspendue suite à l’incendie de Notre Dame le 15 avril dernier. Les thèmes de campagne des deux partis accusent le clivage national : à l’échelle de la France, les électeurs LREM se disent préoccupés par le climat social, le nombre de chômeurs et la place de la France dans le monde. Les sympathisants RN sont quant à eux mobilisés sur les questions du pouvoir d’achat, des inégalités sociale et de la sécurité. À l’échelle européenne, les électeurs LREM se disent concernés par la montée du populisme et les difficultés économiques des pays d’Europe ; tandis que le RN mise sur les thèmes de la crise migratoire et de la menace terroriste.
En troisième position, Les Républicains recueillent 13,5% des intentions de vote, accusant un retard conséquent par rapport aux deux partis de tête. La liste Écologie les Verts récolte 9% des intentions de vote, et la liste de la France Insoumise 7%. La liste Place Publique/PS/PND réunirait 6,5% des voix, dépassant le parti Debout La France, qui récolte 5% des intentions de vote.
Au Royaume-Uni, le Parti pour le Brexit arrive en tête des sondages. Il recueillerait 27% des voix, contre 22% pour le parti travailliste et 15% pour le parti conservateur. Assurément, les tumultueuses négociations pour le Brexit n’ont pas fini de polariser l’électorat britannique, et le « Brexit trahi » profite à l’extrême droite. Le 12 avril, Nigel Farrage a officiellement lancé son nouveau parti, et compte bien recueillir les votes des « déçus du Brexit ». Dénonçant la « trahison » des négociations, Nigel Farrage veut non seulement militer pour une sortie effective de l’UE, mais aussi pour mettre fin au système bipartite. Cette annonce laisse transparaitre la stratégie des plus fervents Brexiteers : se nourrir électoralement de l’échec des négociations de Theresa May, pour entrer au Parlement européen.
En Italie, le petit-fils de Mussolini se présente aux élections européennes au sein du parti post-fasciste Fratelli d’Italia. À 50 ans, l’arrière-petit-fils du Duce Caio Giulio Cesare Mussolini remportera-t-il le même succès qu’Alessandra Mussolini, eurodéputée avec Forza Italia, et que sa soeur Rachele Mussolini, élue au conseil municipal de Rome ? Pour de nombreux commentateurs européen, cette candidature inquiète, et est considérée comme l’illustration du basculement de l’Italie vers l’extrême-droite.
Deux individus interpellés dans l’enquête sur Lyra McKee, journaliste tuée à Londonderry
La police nord-irlandaise a annoncé samedi l’arrestation de deux hommes de 18 et 19 ans dans le cadre de l’enquête sur la mort de LyraMcKee, journaliste de 29 ans tuée par balle dans la nuit de jeudi à vendredi. La piste terroriste est privilégiée, et les suspects sont détenus en vertu de la législation anti-terroriste.
Cet assassinat est survenu dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, où les émeutes ont secoué Londonderry — ou Derry pour les Irlandais. Selon la police, un homme armé à tiré à plusieurs reprises contre les forces de l’ordre, tuant Lyra McKee. La journaliste est décédée à l’hôpital des suites de ses blessures.
Theresa May a présenté ses condoléances à la famille de la journaliste, qualifiant cette mort de « choquante et totalement insensée ». La Commission européenne a elle aussi condamné cette violence. La chef du parti unioniste nord-irlandais (DUP) relie cette évènement à la période des « Troubles » qui a déchiré l’Irlande et le Royaume-Uni entre les années 1970 à 1990. En effet, c’est à Londonderry que s’est déroulé le massacre du « Bloody Sunday » en janvier 1972. De plus, cet assassinat a eu lieu pendant la période d’anniversaire du « Good Friday Agreement » (les “accords du vendredi saint”) signés en 1998 pour mettre fin aux tensions dans le pays.
Pour en savoir plus : l’enquête de la police est toujours en cours, mais les journalistes d’investigations sont eux aussi mobilisés. Retrouvez ici l’enquête des journalistes de Bellingcat, qui travaillent grâce à l’open source. En recoupant les vidéos postées en ligne ce soir là, ils sont arrivés à retracer la chronologie des évènements.
Europe sociale, taxe sur les poids lourds : retour sur la dernière session plénière pour le Parlement avant les élections
Le jeudi 18 avril, le Parlement a voté une loi en faveur d’une législation qui contraindrait les camions neufs à baisser leurs émissions de dioxyde de carbone de 30% d’ci 2030. 474 voix pour, 47 contre et 11 abstentions : c’est une première majorité européenne sur le sujet de la règlementation des émissions de CO2. Selon Euronews, l’objectif de ce texte est d’amoindrir l’influence des poids lourds sur le changement climatique. Cette action est vivement contestée par les constructeurs automobiles, dont la mobilisation n’a pourtant pas été suffisante pour peser dans les négociations. Les ONG saluent ce texte, bien qu’elles ne le trouvent pas assez poussé et contraignant. Cette législation voit le jour alors que l’ancien PDG de Volkswagen Martin Winterkorn a été inculpé pour sa participation active au Dieselgate. Il risque jusqu’à dix ans de prison et des millions d’euros d’amende.
Le Parlement européen souhaite redynamiser l’Europe sociale. Lors de sa dernière session, le Parlement européen a adopté plusieurs textes en faveur des droits des travailleurs européen pour contrer le dumping social, rapportent nos confrères d’Euractiv. À Strasbourg, les eurodéputés se sont penchés sur les manières d’endiguer les effets de la crise de 2008 et de promouvoir une Europe plus égalitaire. Ces décisions interviennent quelques semaines avant les élections européennes, où les questions du pouvoir d’achat constituent un enjeu important.
Mardi 16 avril, les élus ont voté pour la création d’une Autorité européenne du travail d’ici 2019, afin de lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale entre travailleurs. De plus, cette agence aura pour responsabilité se superviser les contentieux des travailleurs transnationaux. L’UE veut aussi étendre les droits minimaux des travailleurs précaires, comme les employés des plateformes Uber ou Deliveroo.
Pour en savoir plus : chez Eurosorbonne, l’Europe sociale est un enjeu primordial. Retrouvez en fin d’article la nouvelle conversation européenne d’EuropaNova, où vous pourrez apprendre et échanger sur les défis de l’Europe sociale.
Les lanceurs d’alertes mieux protégés au sein de l’UE
Le 16 avril dernier, les députés européens ont approuvé à une majorité écrasante — à 591 voix pour sur 653 votants — un texte ayant pour objectif de « protéger et encourager le signalement d’infractions à la législation de l’UE » et qui entrera en vigueur d’ici deux ans.
Ce texte entre en vigueur après les nombreux scandales qui ont secoué l’Europe, comme les PanamaPapers, les LuxLeaks, le Dieselgate ou Cambridge Analytica — tous déclenchés par des lanceurs d’alerte. Pour la BBC, c’est la première fois que les lanceurs d’alerte bénéficient d’une protection unifiée à l’échelle européenne. Récemment, l’arrestation de Julian Assange le jeudi 11 avril à l’ambassade d’Équateur à Londres a encore une fois soulevé le débat sur la liberté de la presse et la protection des journalistes.
Cette décision amène l’UE à créer des « canaux sécurisés » afin que les lanceurs d’alerte puissent communiquer leurs découvertes directement avec les autorités, sans passer par leur hiérarchie et évitant ainsi les représailles. Les lanceurs d’alerte bénéficieraient alors d’une immunité civile et pénale, tandis que les personnes entravant leur travail seraient sanctionnés. Par cette législation, l’Europe souhaite envoyer un message fort : les lanceurs d’alerte sont des acteurs clés de la démocratie et du journalisme d’investigation.
Ukraine : le comédien Zelensky en tête du second tour de la présidentielle
Ce dimanche 21 avril, le comédien Volodymyr Zelensky est en tête des élections présidentielles en Ukraine, évinçant ainsi le président sortant Petro Porochenko.
À 41 ans, l’acteur et humoriste était le grand favori du scrutin : il avait été crédité de 70% des intentions de vote lors du second tour de la présidentielle. Basant sa campagne sur les réseaux sociaux — dont vous pouvez retrouver les principaux moments ici , Volodymyr Zelensky cherche à casser les codes de la politique. Ici, la fiction semble dépasser la réalité : issu d’une famille juive de Kryvy Rih, il commence comme acteur de la série télévisée « Serviteur du Peuple », où il incarne un professeur d’histoire arrivé subitement à la tête de l’Etat. Pourtant, son élection plonge l’Ukraine dans l’incertitude : ses détracteurs soulignent que bien qu’il se revendique comme libéral, son programme précis est toujours inconnu.
Surtout, Volodymyr Zelensky profite du climat de rejet des élites politiques et de la corruption généralisée. Son prédécesseur Petro Porochenko est certes crédité pour avoir rapproché l’Ukraine du camp occidental et d’avoir évité la faillite du pays, mais sa popularité a vite décliné face aux scandales de corruption. De plus, depuis la guerre civile qui a éclaté en 2014 et l’annexion de la Crimée par la Russie, le pays est toujours plongé dans un conflit, qui a fait jusqu’à présent 13.000 victimes dans l’est du pays. Le processus de pays entre les deux pays semble toujours dans l’impasse. Si le Kremlin se réjouit du départ de Petro Porochenko, l’imprévisibilité du nouveau président inquiète les autorités russes.
Si sa victoire est confirmée, le nouveau président sera très vite confronté aux principaux enjeux auxquels est confronté l’Ukraine : re-dynamiser l’économie, établir un nouveau rapport de force avec Moscou, et endiguer la corruption généralisée du pays.
À suivre cette semaine :
- Le documentaire d’Arte qui retrace les négociations sur le Brexit aux côtés de Michel Barnier, disponible ici en replay pendant une semaine.
- Jeudi 25 avril à partir de 19h, participez à la nouvelle conversation européenne d’EuropaNova sur le thème “L’Europe sociale, petits pas, grand saut ou gros mythe ?”. Inscription ici.