Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (15.12-22.12.19)

Cette semaine nous nous retrouvons à Madrid où s’est clôturée la 25ème Conférence des Parties le 15 décembre dernier, avant de partir vers Budapest où quatre maires d’Europe de l’Est ont choisi de s’unir face aux gouvernements populistes. Enfin nous atterrirons à Malte où une enquête sur l’assassinat d’une journaliste ébranle le pouvoir politique en place. Une nouvelle revue de presse rédigée par Clara Paris.

COP25 : l’énième échec de la communauté internationale face au changement climatique

La 25ème Conférence des parties (COP) présidée par le Chili s’est achevée dimanche 15 décembre, après deux semaines de négociations harassantes. Les 197 pays présents à Madrid n’ont pas réussi à s’entendre sur le point essentiel des discussions : l’encadrement des marchés carbones. Mais dans ce chaos général, l’Union européenne (UE) a su se distinguer et prendre le leadership de la diplomatie environnementale

Un rendez-vous géopolitique manqué

L’issue de la COP25 est décevante. Les 197 pays n’ont pas réussi à conclure un accord ambitieux et reportent une nouvelle fois la question des règles du marché du carbone. En effet, le protocole de Kyoto a crée, en 1997, un marché d’émissions de CO2, c’est-à-dire qu’il permet aux pays qui polluent le moins de revendre les crédits aux pays qui polluent le plus. Or la régulation de ce marché a été sujette à d’âpres négociations lors de la COP25. En effet, l’Australie, la Chine, l’Arabie Saoudite, l’Inde et le Brésil revendiquent le « double comptage » des crédits carbone.  Cela a pour effet de comptabiliser deux fois les réductions d’émissions de CO2 ce qui fausse nettement les résultats.  C’est sur ce point crucial que les pays n’ont pas réussi à s’entendre alors même que les objectifs de 2020 de l’accord de Paris en dépendaient. Seulement 80 pays, représentant 10,5% des émissions de gaz à effet de serre, ont réussi à conclure un accord a minima mais qui ne permet pas de limiter le réchauffement à 2 degrés. Une nouvelle occasion manquée pour la communauté internationale d’endiguer le dérèglement climatique.

Le rôle incontournable de l’Union européenne dans la diplomatie environnementale

Dans cet imbroglio diplomatique, l’Union européenne s’est positionnée en tant que leader. En effet, en s’alliant avec les États insulaires et les pays moins développés, l’Union a permis de décrocher un accord inespéré quoique peu ambitieux. Elle s’est imposée alors comme un acteur incontournable en matière de diplomatie environnementale. Une posture qui s’est vue renforcée à l’annonce du Green Deal par la Commission européenne le 11 décembre. L’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 affiché par l’Europe est ambitieux mais envoie un signal fort à la communauté internationale. Pourtant, il est encore nécessaire que ces annonces soient suivies d’actions concrètes afin de se montrer à la hauteur des espoirs qu’elles suscitent.

Quatre capitales d’Europe de l’Est unies contre la percée populiste

Ce lundi 16 décembre les quatre capitales du groupe Visegràd ont signé un « Pacte des villes libres » à Budapest. Une alliance qui espère devenir une alternative aux gouvernements populistes et « illibéraux » en place dans ces pays d’Europe de l’Est. Varsovie, Prague, Bratislava et Budapest entendent promouvoir les valeurs de liberté et de démocratie, un moyen pour ces capitales de resserrer les liens avec l’Union européenne.

L’union fait la force

Le pacte paraphé par les quatre maires est un moyen de contrecarrer les dérives populistes des pays du groupe Visegràd. Gergely Karácsony (Budapest), Zdeněk Hřib (Prague), Rafał Trzaskowski (Varsovie) et Matúš Vallo (Bratislava) entendent faire souffler un vent de liberté et de tolérance sur leurs capitales. Ce pacte doit envoyer un message fort à l’Europe en montrant qu’il y a un courant libéral, social et écologique au sein de ce groupe Visegràd. En effet, le nouveau maire de Budapest  voit en cette alliance une alternative aux entorses faites aux libertés et aux droits : « Nos voix ne peuvent être tues plus longtemps, ni chez nous, ni en Europe. Si l’un de nous est réduit au silence, les autres élèveront la voix pour lui ». Depuis la victoire de l’opposition hongroise en octobre à Budapest, Orban a multiplié les actes législatifs renforçant le pouvoir central sur la capitale, limitant de facto l’indépendance de Gergely Karácsony. Le groupe Visegràd est connu pour son refus des valeurs européennes et ses multiples manquements à l’Etat de droit. A tel point que l’Union européenne a enclenché, en 2017 et 2018, une procédure à l’encontre de la Pologne et de la Hongrie pour violation de l’Etat de droit. 

« Nos villes resteront européennes »

Le signal envoyé par ces maires progressistes et européens n’est pas seulement symbolique. Ils souhaitent voir les fonds européens directement alloués aux municipalités afin d’éviter les détournements d’argent public. En effet, ces maires accusent les gouvernements de ne pas verser les subventions aux villes en raison des positionnements politiques des municipalités. Un acte de bonne foi que les maires espèrent voir récompenser par Bruxelles en subventionnant directement les municipalités. Ce pacte creuse le fossé entre les administrations centrales illibérales et les capitales progressistes. Une initiative controversée qui ne plait guère aux pouvoirs centraux. En effet, l’agence de presse hongroise contrôlée par le gouvernement n’a pas fait mention de cette alliance dans ses brèves.  Ces capitales apparaissent comme un « ilot de liberté » au coeur des ces pays populistes. 

Malte dans la tourmente d’un scandale d’Etat

Mercredi 18 décembre, le Parlement européen a condamné par une résolution l’état de la justice maltaise. Joseph Muscat, Premier ministre de Malte, est accusé d’entrave à l’enquête menée depuis 2017 sur l’assassinat à la voiture piégée de la journaliste Daphne Caruana Galizia. Les eurodéputés s’inquiètent de la crédibilité des enquêtes puisque plusieurs proches du chef du gouvernement ont été mis en cause dans la mort de la journaliste d’investigation.

L’affaire de l’assassinat de Daphne Caruana Galizia

Le 19 novembre dernier, le richissime homme d’affaires Yorgen Fenech a été arrêté par la police. Il est soupçonné d’avoir commandité l’assassinat de Daphne Caruana Galizia. En effet, la journaliste était sur le point de dévoiler des affaires de corruption impliquant plusieurs hommes d’affaires et des politiques dans le cadre des révélations des Panama Papers. Lors de son audition, l’homme d’affaires affirme que l’entourage proche du Premier ministre serait également impliqué dans l’assassinat. Le chef de cabinet de Joseph Muscat est accusé d’avoir financé et commandité le meurtre. Un nouveau rebondissement qui oblige ce dernier à démissionner de ses fonctions le 26 novembre. Après deux ans d’enquête, les révélations faites par Yorgen Fenech permettent de faire avancer l’affaire qui touche désormais le sommet de l’Etat.  Pourtant, le Premier ministre nie toujours avoir une quelconque responsabilité dans la mort de Daphne Caruana Galizia. Mais ces affirmations ne convainquent ni les maltais ni le Parlement européen.  Un scandale d’Etat qui devrait pousser Joseph Muscat à la démission selon certaines sources.

Malte sanctionné par l’Union européenne

Le Parlement européen s’inquiète de voir l’Etat de droit violé à Malte. C’est pourquoi les eurodéputés ont voté à 581 voix pour une résolution qui demande à Malte à ce que « tout soit mis en œuvre pour prévenir tout risque d’entrave aux enquêtes » et que ce risque est avéré « tant que le Premier ministre restera en fonction » En effet, cela fait plusieurs années que la liberté de la presse, l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs sont bafoués sur l’île maltaise. C’est à ce titre qu’une délégation européenne s’est rendue sur place les 3 et 4 décembre, afin d’évaluer l’état de la situation. Un rapport devrait être rendu en 2020 ce qui permettrait d’engager un débat au Parlement européen sur les libertés civiles effectives à Malte. En attendant nombreux sont les députés à appeler le Premier ministre à démissionner. François-Xavier Bellamy (LR-PPE) a déclaré que « le Premier ministre maltais doit démissionner maintenant, car dans cet intervalle de temps il peut détruire des preuves, il peut freiner une enquête ».  D’autres élus vont plus loin en affirmant qu’il serait souhaitable de déclencher l’article 7 du Traité sur l’Union européenne en raison des multiples atteintes à l’Etat de droit. Un dossier brulant qui met en émoi non seulement les maltais hostiles au Premier ministre mais également les eurodéputés.

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