La République de Macédoine du Nord et l’UE : un amour impossible ?

Par Charles Pellé, Courrier d’Europe

Le 22 mars 2004 à Dublin, la Macédoine du Nord a déposé sa candidature d’adhésion à l’Union européenne. Ce petit pays des Balkans a vu sa demande être officialisée par la Commission européenne en novembre 2005. Un mois plus tard, le Conseil européen lui accordait officiellement le statut de candidat. Ce qui sonnait comme le début d’une idylle a pourtant vu la situation stagner puis s’embourber dans les méandres de l’administration institutionnelle. Retour sur un processus long par nature et rendu (trop ?) complexe par des intérêts nationaux divergents.

 

On compte au total sept périodes d’élargissement au cours de l’Histoire européenne : trois entre les années 70 et 90 qui ont vu entrer neuf pays au sein de l’Union, puis douze répartis en deux vagues – celles de 2004 et 2007. Le système d’élargissement communautaire est régi par l’Article 49 du Traité sur l’Union Européenne, plus communément appelé Traité de Maastricht et ratifié en 1992. Il édicte que « tout État européen respectant les principes fondamentaux de l’UE » énoncés au sein de son Article 2 – comportant notamment la liberté, la démocratie ou encore les droits de l’Homme ; peut demander à devenir membre de l’Union. La plupart du temps, une candidature est précédée d’un « accord d’association », qui prévoit la mise en place d’une zone de libre-échange avec les pays déjà membres. C’est le cas de la Macédoine du Nord, qui a vu cet accord ratifié par son Parlement le 12 avril 2001 et entré en vigueur trois ans plus tard, l’année de sa candidature. Nonobstant, le statu quo fût de mise depuis l’entrée dans la phase de « pré-adhésion » et jusqu’au 24 mars 2020, jour où le Conseil de l’Union Européenne a donné son aval pour entamer les négociations d’adhésion.

 

Un processus long et coûteux…

 

La première réelle avancée dans le dossier de candidature macédonien se manifeste à la fin de l’année 2006, au terme du premier bilan annuel concernant ce pays. La Commission annonce que la Macédoine du Nord est « en bonne voie pour respecter les critères politiques » et note des progrès économiques en vue d’être à même de faire face aux forces qui agissent au sein du marché intérieur. En 2009, elle obtient la suppression de l’obligation de visas pour ses citoyens entrant dans un des pays communautaires. Quatre ans plus tard, le Parlement demande avec l’appui de la Commission au Conseil Européen de se prononcer en faveur de l’ouverture des négociations. Pendant sept années, le dossier se voit bloqué pour plusieurs raisons.

 

Tout d’abord, un litige sur le nom du pays traîne depuis 1992. La Grèce estime en effet que le nom du pays sonne comme une provocation au vu de la région homonyme qui lui appartient. Au cours de l’année 2018, la Macédoine change donc de nom et devient la « République de Macédoine du Nord ». Quelques mois plus tard, durant une séance du Conseil européen, la France et les Pays-Bas s’opposent à l’ouverture de ces négociations ardemment désirées par l’ancien pays Yougoslave. Le Président Emmanuel Macron s’explique par la volonté d’un approfondissement de l’Union avant un nouvel élargissement. La situation ne se débloque que deux ans plus tard, le 26 mars 2020, date à laquelle le Conseil européen s’accorde sur le début des discussions.

 

… Encore loin de porter ses fruits

 

Selon un rapport de l’ONG américaine Freedom House, la Macédoine du Nord est le pays qui connaît le plus de progrès en termes de libertés sur l’année 2020. Malgré ces avancées notables couplées avec la levée du veto de la France et des Pays-Bas, c’est désormais la Bulgarie qui bloque le processus. Cette dernière évoque un conflit identitaire autour de la langue et de l’identité nationale macédonienne, tandis que le discours patriotique dérive de plus en plus vers l’autoritarisme à Sofia. Le pays exige de Skopje qu’elle « reconnaisse les racines bulgares » de son langage, de sa population mais également de son Histoire. Pourtant, « la Macédoine du Nord n’a cessé d’aller plus loin dans le compromis » avec la Bulgarie, comme l’a souligné Nadège Ragaru, directrice de recherches à Sciences Po. Le 15 décembre dernier, le ministre des Affaires Étrangères de la Macédoine du Nord dénonçait ses comportements déviants et incitait l’Union à agir contre le « chantage » dont il estimait son pays victime. Ce dernier a estimé que les « efforts d’entretenir de bonnes relations avec les voisins n’ont pas été récompensés » ; avant d’ajouter sa crainte de voir la situation se détériorer dans toute la région des Balkans si la Bulgarie n’acceptait pas d’assouplir ses positions. Après avoir accepté de changer de nom afin d’obtenir l’approbation grecque, les exigences bulgares apparaissent comme l’obstacle de trop pour cette néo-nation. Juste après que les négociations d’adhésions aient été ouvertes, le ministre tchèque des Affaires étrangères, Tomas Petricek, est apparu en médiateur face à ces tensions diplomatiques. Il a appelé à l’apaisement en affirmant vouloir atteindre un consensus dans les plus brefs délais : « L’UE doit conserver (…) le statut de partenaire fiable pour les pays qui mettent en œuvre des réformes et font leurs devoirs ». 

 

L’espoir de trouver un compromis avec la Bulgarie est donc le seul moyen pour la Macédoine du Nord de parvenir à l’adhésion à l’Union européenne. Cependant, après tous les efforts consentis, la situation reste en suspens tandis que Sofia ne semble pas vouloir adoucir ses positions. Le Conseil de l’Union européenne devra engager de réelles discussions pour que les deux parties puissent se rejoindre sur un terraind’entente commun. Mais combien de temps ce processus prendra-t-il ? 

 

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