Par Laura De Almeida, ambassadrice numérique de l’UE pour Eurosorbonne
Le programme EU Digital Ambassador, c’est quoi ?
Ce programme a été mis en place par la direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies (DG CNECT) de la Commission européenne. Le but est de réunir des journalistes, influenceurs et éditeurs qui travaillent dans le champ du numérique. Il y a trois délégations : française, italienne et polonaise. Les ambassadeurs se réunissent une fois par mois. Pendant la réunion, un membre de l’équipe de communication de la DG CNECT fait un briefing sur un sujet “brûlant”, apportant des statistiques et informations inédites.
Qu’est-ce que la désinformation ?
Une information fausse ou trompeuse, vérifiable, créée, présentée et diffusée dans un but économique ou pour tromper intentionnellement le public, et qui peut causer un préjudice public.
C’est-à-dire que ce sont des menaces pour les processus démocratiques, la sécurité de l’UE, l’environnement et la santé des citoyens. En effet, la désinformation nuit à notre société en minant la confiance dans les institutions et les médias mettant en péril les élections, en empêchant les citoyens de prendre des décisions en connaissance de cause, en portant atteinte à la liberté d’expression. Toutefois, à moins qu’elle n’aggrave les problèmes de démocratie, elle n’est pas illégale.
La désinformation est une menace grandissante pour les démocraties européennes, grâce à des données de l’Eurobaromètre, nous pouvons voir que :
La lutte contre la désinformation est une responsabilité partagée par tous les acteurs concernés :
- les institutions de l’UE
- les États membres
- secteur privé/plateformes en ligne
- vérificateurs de faits
- société civile
- chercheurs
Qu’est-ce que le “Code de bonnes pratiques contre la désinformation” ? Quelles sont ses actions ?
Ce Code a été signé en septembre 2018, il a été notamment mis en pratique avant et après les élections européennes de 2019. Les grandes orientations du code ont été élaborées par la DG CONNECT, ses points les plus importants sont les suivants :
- perturber les incitations à la publicité et à la monétisation pour les pourvoyeurs de désinformation.
- assurer la transparence de la publicité politique et thématique
- garantir l’intégrité des services contre les comptes et les comportements inauthentiques
- responsabiliser les consommateurs et rendre le contenu vérifié plus visible et plus répandu
- coopérer avec les vérificateurs de faits et les chercheurs universitaires pour détecter et analyser les campagnes de désinformation.
Twitter, Facebook, Google, Mozilla, Microsoft, TikTok et les associations de marketing et de publicité ont signé des engagements concrets pour améliorer la transparence, la clarté et le suivi des contenus sur les plateformes en ligne.
Le code de bonnes pratiques est en cours de réécriture avec des engagements plus détaillés :
- une participation plus importante avec des engagements adaptés
- démonétiser la désinformation
- garantir l’intégrité des services
- donner aux utilisateurs les moyens de comprendre et de signaler la désinformation
- accroître la couverture de la vérification des faits et offrir aux chercheurs un meilleur accès aux données
- un cadre de suivi solide
Ce Code est tellement efficace, qu’aujourd’hui, les plateformes en ligne se transforment en un système de corégulation. Actuellement, le Parlement et le Conseil discutent des outils et méthodes pour renforcer ce système. De plus, un autre processus, cette fois législatif, est en cours, afin de permettre aux régulateurs d’imposer des limites monétaires aux plateformes qui ne se conforment pas à la réglementation.
Crise COVID-19 : le Code dans la pratique
Les plateformes qui ont signé le code (Google, FB, Twitter et Microsoft) ont pris des mesures solides pour lutter contre la propagation de la désinformation. Elles ont toutes mis en place des mesures visant à promouvoir le contenu provenant de sources faisant autorité, telles que l’Organisation mondiale de la santé, les autorités sanitaires et les médias. Ainsi, les utilisateurs disposent de panneaux, de pop-ups, de cartes et de notifications qui renvoient à des informations vérifiées et faisant autorité sur le virus. De plus, les plateformes ont multiplié les collaborations avec des vérificateurs de faits et investi dans des actions d’éducation aux médias.
L’Observatoire européen des médias numériques (EDMO)
L’un des piliers de la stratégie de l’Union européenne pour lutter contre la désinformation est la création d’une communauté multidisciplinaire européenne. Cette communauté regroupe les fact-checkers, des chercheurs universitaires, des praticiens des médias et des experts en éducation aux médias.
Les équipes d’experts ayant une connaissance spécifique des environnements d’information locaux pourront ainsi détecter et dénoncer les campagnes de désinformation sur les différents réseaux sociaux et médias numériques.
L’EDMO est une plateforme centrale opérationnelle depuis juin 2020 qui renforce la lutte contre la désinformation au niveau européen. Sa structure informatique est équipée d’une technologie de fact-checking et d’outils de recherche de pointe.
Ses missions seront entre autres de coordonner le fact-checking et la recherche, de dispenser des formations ou encore de soutenir les autorités publiques. De plus, à l’été 2021 ont été créés les “hubs nationaux” afin de couvrir les informations locales dans les États membres.
Les plateformes mèneront des recherches coordonnées de vérification des faits et des actions d’éducation aux médias. Cela permet de limiter l’impact de la désinformation au niveau national et européen. 8 hubs sont pour l’instant en fonction. Ils couvrent les pays suivants : Pays-Bas, Belgique, Irlande, Portugal, Espagne, Pologne, Slovaquie, Tchéquie, Danemark, Norvège, Suède, Finlande, Luxembourg et Italie.
L’EDMO cherche à conclure un accord avec les plateformes en ligne. Leur but est de leur donner accès à leurs données à des fins de recherche.
Désinformation et guerre en Ukraine
Le Code est très utile aujourd’hui pour lutter contre la désinformation russe grâce aux fact-checkers. La Commission européenne peut alors mettre en place des sanctions spécifiques contre la Russie. Elles amènent à l’arrêt de toutes les sources de revenus d’un acteur malveillant.
Les réseaux sociaux sont les plus visés par ce contrôle et les applications participent à la lutte contre la désinformation. Par exemple, Facebook travaille en collaboration avec de nombreux fact-checkers. Cela passe aussi par une transparence de l’algorithme, de cette manière, les sources fiables sont priorisées et recouvrent la désinformation.
Depuis plusieurs semaines, les agences d’État russes poussent des influenceurs d’autres régions à raconter des histoires fausses sur la guerre en Ukraine. Cette désinformation se développe rapidement et le but est de s’assurer que les associations russes ne sont pas exploitées.
La PFUE et la cybersécurité
En décembre 2021, grâce aux travaux de la Présidence slovène du Conseil, les ministres en charge du numérique et des communications électroniques ont convergé vers une position commune sur la révision de la directive portant sur un niveau commun élevé de cybersécurité (le NIS2). Cette révision élargit la liste des secteurs soumis à des obligations de cybersécurité.
Le 8 et 9 mars dernier, les ministres européens chargés du numérique et des communications électroniques se sont de nouveau réunis. Le but de la Présidence française est d’aboutir à un accord sur ce texte avec le Parlement européen.
Leur réunion informelle a été dédiée à la lutte contre la désinformation et la manipulation d’informations sur internet. Mais aussi à la sécurité des systèmes d’information et du socle minimal de cybersécurité à garantir en Europe.
Les ministres ont également discuté du projet Cyber Resilience Act, une initiative législative proposée en septembre 2021 par Ursula von Der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Enfin, face à la guerre en Ukraine, un fonds d’urgence en matière de cybersécurité a été débloqué.