Les négociations de la COP 27, une COP de plus pour des résultats à minima ?

Article par Zacharie Schaerlinger

 

Les négociations de la Com 27, ou Conference of the Parties en langage onusien, sont les conférences internationales autour des questions que la communauté internationale juge importante de traiter. Étant donné l’importance croissante des questions environnementales et du changement climatique, les Cop autour des questions climatiques ont gagné en visibilité, visibilité qui n’est pas sans être colporteuse de nombreuses critiques, tant les reproches à destination des décideurs politiques sont grandes. 

Les CoP sur le climat ont beau se succéder, sommet de la Terre à Rio en 1992, protocole de Kyoto de 1997, accords de Paris en 2012 et jusqu’à il y a quelque jour, la Cop 27 à Sharm El-Sheikh en Egypte, rien ne semble, aux yeux de la communauté scientifique, suffisamment concret pour enrayer le changement climatique.

 

Les Cop, un lieu de rencontre et quelques décisions

Les Conférences de Parties ne sont pas des instances de décisions internationales, autorité  -qui  vraisemblement  autorité du bon sens, tel que l’on se l’imagine. Dans l’imaginaire collectif, les Cop viendraient donner aux États une marche à suivre afin d’atteindre des buts jugés majeurs pour la sauvegarde de l’environnement, qui se traduisent par  la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou encore, l’objectif des 1,5°C des accords de Paris. En effet, les Cop sont uniquement des arènes de dialogues entre États où le sujet de discussion est connu d’avance mais dont les résultats ne sont pas forcément adaptés aux enjeux du moment. 

Les Cop, en accentuant le trait, peuvent en partie se résumer à un dialogue de divorce entre deux amants, l’un étant sourd aux injonctions de l’autre partie et vice-versa. La mécanique est bien connue pour les praticiens des organisations internationales:  parler de sujets graves qui n’épargnent aucune partie sur Terre oui, mais ces discussions gagneraient en qualité si chaque États négocierait sur un pied d’égalité. Or tel n’est pas le cas. De plus, le principal désaccord entre les États  ne porte pas sur la constatation des bouleversements climatiques, ni sur quelles mesures apporter pour y remédier, mais bien sur la responsabilité de ces causes et le degré d’investissement attendu pour faire amende honorable. 

L’ordre international étant fondamentalement anarchique par nature, les forts imposent aux autres leurs vues. C’est d’ailleurs cet état de fait qui à permis aux États-Unis de Donald Trump de quitter les accords de Paris le 1er juin 2017 en attendant le rétropédalage de son successeur, Joe Biden.

 

Une réalité scientifique, des objectifs politiques

Les déclarations des Cop n’ont pas de valeurs contraignantes. Les scientifiques et experts proposent des textes et mécanismes afin de lutter efficacement contre le réchauffement climatique, tel fut le résultat du protocole de Kyoto avec le mécanisme de marché de permis d’émission. C’est une victoire en demi-teinte, pour plusieurs raisons . La réalité du marché d’émission est basé sur l’idée du signal prix, c’est-à-dire l’atteinte d’un prix, au moyen de mécanisme de marché dans lequel tous les acteurs de l’économie payeraient un coût supplémentaire pour X-tonnes de CO2 émisent. Cela est le cas, mais la tonne de CO2 est payée à un prix dérisoire, voire n’engendre pas de coût supplémentaire puisque certains quotas carbones sont gratuitement alloués par la Commission européenne

De plus, si certains secteurs ne sont pas couverts par le marché carbone, d’autres risquent une double imposition. C’est  le cas pour le secteur de la sidérurgie qui voit son activité régulée par un prix carbone, mais qui étant de fait dépendant d’input énergétiques, paye plus cher l’achat de son énergie puisque ce dernier étant également soumis au marché carbone. Il en résulte, selon certains, de l’émergence d’un prix caché susceptible de fausser le jeu de la libre concurrence, puisque le marché carbone européen n’a pas de prérogatives extraterritoriales, il ne s’applique pas aux producteurs/importateurs étasuniens et chinois. 

L’impératif économique semble donc primer dans cette course où les problèmes actuels peuvent -encore- être reportés à demain. Les décideurs politiques sont frileux à prendre des mesures comme une taxe carbone ou généraliser le système d’échange des quotas puisqu’ils risquent de jouer contre leurs intérêts, sans que leur voisin fasse de même pour réduire leurs émissions. Ce dilemme du prisonnier à somme nulle, brouille les intentions et la communication entre États, qui sans contrainte supérieure, mènent leur affaire comme ils entendent le faire.

 

Un mode de gouvernance à remettre en question ?

Le mode de gouvernance de ces CoP pose problème et à plus d’un titre. D’une part, le savoir scientifique ne débouche pas forcément sur des politiques publiques suffisamment ambitieuses alors que d’autre part, certains États se servent de ces espaces de rencontre comme des tribunes pour incriminer la responsabilité d’États,  “du Nord”, industrialisés plus rapidement, et de s’abstenir de tout effort contre le changement climatique.

Il suffit d’observer l’article 12 de la Déclaration de Rio de 1992 : “Les Etats devraient coopérer pour promouvoir un système économique international ouvert et favorable, propre à engendrer une croissance économique et un développement durable dans tous les pays” […] “Les mesures de politique commerciale motivées par des considérations relatives à l’environnement ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, ni une restriction déguisée aux échanges internationaux”. Voici donc une contradiction essentielle d’un droit international sur l’environnement : il doit allier développement économique et développement durable, la sauvegarde de la nature étant toujours subsidiaire au développement des pays. Cette antinomie intrinsèque à la Convention de Rio se résume assez bien par l’objectif des pays en développement d’atteindre une espérance de vie de 76 ans, comme cela est le cas en moyenne pour les pays du Nord, via des politiques carbonées. Et qui pourrait bien leur en tenir rigueur ? Le problème est comme évoqué plus haut, la sauvegarde de notre planète, qui doit passer par des efforts collectifs.

Enfin, la communauté scientifique, et plus largement une opinion publique internationale aussi composite soit-elle, peut prendre part aux élaborations des certaines politiques, mais leur inclusion ne doit pas se limiter uniquement aux sommets sur l’environnement. L’urgence de la situation porte à croire que ces communautés mobilisés mais sans étiquette de Partie dans la terminologie onusienne, devraient pouvoir s’exprimer aussi longtemps que possible sur de grands rassemblements internationaux comme ceux du G7 et G20 ou encore des forums internationaux avec l’exemple de Davos. Cette présence semble être un vœu pieu irréaliste mais est rendue nécessaire de par la gravité de la situation et de la nécessité d’inclure par le dialogue le plus grand nombre.

 

Des solutions laborieuses mais nécessaires

Les solutions ne manquent pas et leur application à un niveau suffisamment disruptif relève de l’exploit. Commençons donc par en énumérer quelques-unes. Un premier pas positif pourrait se trouver dans une nouvelle intermédiation bancaire verte, c’est-à-dire émettre des produits financiers subissant un malus si engagé dans une opération carboné ou un bonus si engagé dans une opération décarboné. Cela afin d’attirer une épargne dormante des pays riches à destination de secteurs à forte potentialité de décarbonation bénéfique à la croissance des pays du Sud. 

Aussi, pour aider les pays du Sud, un nécessaire transfert de technologie doit pouvoir être possible afin d’aider ces pays dans leur transition et réduire autant que possible leur empreinte sur l’environnement. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, ces technologies nécessitent un apprentissage et leur réussite n’est pas assurée. Toutefois, la perspective d’un meilleur optimum de développement pour les pays du Sud en accord avec leur engagement climatiques devrait suffire à lancer des politiques allant dans ce domaine. 

Enfin, la Cop 27 a permis l’établissement d’un mécanisme de perte et dommages à destination des pays subissant les dommages du réchauffement climatique. António Guterres a salué cet accord  « cette COP a fait un pas important vers la justice. Je salue la décision de créer un fonds pour les pertes et dommages et de le rendre opérationnel dans la période à venir ». Ce mécanisme permettrait de réaliser des transferts financiers sans obligation par rapport aux créanciers, comme cela était le cas avec les Plans d’ajustements structurels du FMI. À savoir que l’Union européenne s’est dite favorable à l’instauration d’un tel mécanisme que la Chine et les États-Unis n’ont pas encore commenté. Douze pays, dont la France, l’Ecosse, la Belgique, l’Allemagne ou encore le Canada, se sont engagés à financer ce mécanisme aux pays en première ligne face au réchauffement climatique. Toutefois, l’enveloppe n’a recueilli que 300 millions de dollars actuellement ce qui est très faible face à un chiffre compris entre 290 et 580 milliards de dollars par an d’ici à 2030 et uniquement à destination des pays du Sud selon les experts.

Il n’existe pas de solution séparée mais bien une constellation de possibilités. Il ne reste qu’à les organiser de concert afin d’en tirer le meilleur et de réduire autant que faire se peut la dérégulation du climat qui menace à terme l’avenir de l’Homme sur Terre.

 

Articles recommandés