Loi sur la liberté des médias (Media Freedom Act) : protéger le pluralisme et l’indépendance des médias dans l’UE

Article par Laura De Almeida


Contexte : le MFA inclut dans un “packaging” de lois pour des services numériques plus sûrs

La loi sur la liberté des médias est une initiative historique annoncée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen dans son discours sur l’état de l’Union parut en 2021.

La Commission indique dans son communiqué de presse sur le MFA que, “Les médias indépendants jouent un rôle d’observateur critique, constituent une des clefs de voûte de la démocratie et sont un élément important et dynamique de notre économie. Ils contribuent de manière essentielle à faire vivre la sphère publique, à façonner l’opinion publique et à responsabiliser les instances de pouvoir. L’Union européenne reste un bastion de la liberté et de l’indépendance des médias dans le monde.”

Cette loi vient compléter celle sur les services numériques (DSA), entrée en vigueur le 16 novembre dernier, à travers l’obligation faite aux plateformes d’avertir les médias quand elles souhaitent retirer leur contenu. Un autre grand volet de la loi MFA prévoit de lutter contre l’ingérence politique des gouvernements dans les médias, comme on a pu le voir en Hongrie, en Pologne ou en Slovénie. L’objectif est de protéger l’indépendance des journalistes et de renforcer la transparence sur la propriété des médias.

Le règlement proposé prévoit, entre autres, des garde-fous contre les ingérences politiques dans les décisions éditoriales et contre les pratiques de surveillance. Il met l’accent sur l’indépendance et le financement stable des médias de service public, ainsi que sur la transparence de la propriété des médias et de l’attribution de la publicité d’État. Enfin, la législation proposée aborde la question des concentrations dans le secteur des médias et instaure un nouveau comité européen pour les services de médias, instance indépendante composée d’autorités nationales chargées des médias. La Commission a également adopté une recommandation complémentaire pour promouvoir les garde-fous internes destinés à préserver l’indépendance éditoriale. 

 

Enjeux et débats : la place des métiers journalistiques face aux actionnaires

Cette proposition législative n’est pas du goût des associations européennes d’éditeurs de journaux ou de magazines. Ils craignent qu’en laissant la responsabilité éditoriale au rédacteur en chef seul,  celle-ci ne rentre en opposition avec la responsabilité pénale de l’éditeur. Toutefois, Bruxelles observe que l’ingérence des actionnaires est bien une réalité observée dans une vingtaine de pays et qu’il faut diminuer leur poids dans l’orientation de la production journalistique.

La Commission suit de près l’ensemble de ces évolutions dans le cadre du rapport sur l’état de droit et à l’aide d’autres outils tels que l’instrument de surveillance du pluralisme des médias. Ceux-ci ont permis de mettre en lumière différents enjeux et de lancer, ainsi, des initiatives comme la recommandation sur la sécurité des journalistes et des mesures visant à lutter contre les poursuites abusives qui altèrent le débat public (poursuites-bâillons ou «SLAPP»).

Mme Věra Jourová, vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence, a déclaré que, “Chaque jour, nous voyons que des gouvernements ou des groupes privés tentent de faire pression sur les médias. Il est grand temps de convenir de garanties communes au niveau de l’UE pour protéger l’indépendance et le pluralisme des médias, afin que les journalistes puissent faire leur travail et informer les citoyens sans crainte ni faveur. Nous procéderons à des consultations générales au cours des prochains mois afin de proposer les meilleures solutions.”

 

Sur quelles bases se développe cette loi ?

Cette législation s’appuie sur différents rapports et législations : 

Cette législation sur la liberté des médias s’élabore également en partenariat avec les initiatives relatives à la viabilité, à la résilience et à la transformation numérique dans le cadre du plan d’action pour les médias et l’audiovisuel, et les règles relatives au droit d’auteur révisées

 

Une intégration des citoyens européens dans le projet

Toutes les parties prenantes ont été invitées à participer à un appel à contributions publié sur le portail «Donnez votre avis» dans toutes les langues de l’UE. Ils peuvent exprimer leur point de vue sur la description de l’initiative par la Commission et expliquer pourquoi elle est nécessaire et ce qu’elle vise à réaliser. Cet appel à contributions a été suivi d’une consultation publique ouverte. De plus, cette loi s’inscrit également dans le cadre des efforts déployés par l’UE pour renforcer la démocratie, dans le cadre du plan d’action pour la démocratie européenne.

 

 

Mot d’ordre : pas d’ingérence politique, pas d’espionnage et stabilité du financement

Grâce au MFA, les médias – publics et privés – pourront exercer plus facilement d’un pays à l’autre au sein du marché intérieur de l’UE, sans subir de pressions indues et en s’adaptant à la transformation numérique de l’espace médiatique. 

Protection de l’indépendance éditoriale : les fournisseurs de services de médias devront assurer une transparence de la propriété en divulguant les informations pertinentes et prendre des mesures visant à garantir l’indépendance des décisions éditoriales individuelles.

Pas de logiciels espions utilisés contre les médias : solides garde-fous pour empêcher l’utilisation de logiciels espions contre les médias, les journalistes et leurs familles.

Indépendance des médias de service public : le financement doit être adéquat et stable, la direction et le conseil d’administration des médias de service public devront être nommés de manière transparente, ouverte et non discriminatoire. Les fournisseurs de médias de service public communiqueront des informations et des opinions diverses de manière impartiale.

Tests de pluralisme des médias : les États membres doivent évaluer l’incidence sur le pluralisme et l’indépendance éditoriale des concentrations sur les marchés des médias. Toute mesure législative, réglementaire ou administrative prise par un État membre et susceptible d’influencer les médias doit être dûment justifiée et proportionnée.

Transparence de la publicité d’État : nouvelles exigences concernant l’attribution de la publicité d’État aux médias, qui devra se faire de manière transparente et non discriminatoire. La législation renforcera également la transparence et l’objectivité des systèmes de mesure d’audience, qui ont une incidence sur les recettes publicitaires, notamment celles des médias en ligne.

Protection des contenus médiatiques en ligne : dans les situations ne présentant pas de risque systémique (désinformation), les très grandes plateformes en ligne ayant l’intention de supprimer certains contenus de médias licites, qu’elles jugent contraires à leur politique, devront communiquer les raisons de cette décision aux fournisseurs de services de médias en amont. Toute plainte déposée par des fournisseurs de services de médias devra être traitée en priorité par ces plateformes.

Nouveau droit pour l’utilisateur de personnaliser l’offre de médias : il permettra aux utilisateurs d’en modifier les paramètres par défaut en fonction de leurs propres préférences.

 

Un gendarme européen pour la liberté des médias

Pour mieux encadrer la mise en place de la MFA, la Commission souhaite créer un nouveau comité européen pour les services de médias. Ce sera une instance indépendante composée d’autorités nationales chargées des médias. Ce comité devra aider à l’application effective et cohérente du cadre législatif de l’UE sur les médias, notamment en assistant la Commission dans l’élaboration de lignes directrices concernant la réglementation des médias. Dans une moindre mesure, le comité peut émettre des avis à propos des mesures et décisions nationales et des concentrations sur les marchés des médias qui influencent ces marchés.

Le second objectif de ce comité est de conjuguer les mesures nationales avec celles des médias de pays tiers qui peuvent représenter un risque pour la sécurité publique. Ainsi, ces médias ne pourront pas éviter les règles en vigueur dans l’Union. Le comité pourra, par exemple, organiser des dialogues entre les grandes plateformes en ligne et les médias afin de diversifier le secteur médiatique tout en contrôlant le respect, par les plateformes, des différentes mesures, comme celle du code de bonnes pratiques de l’UE contre la désinformation.

Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, a expliqué quant à lui que, « L’Union européenne est le plus grand marché unique démocratique au monde. Les entreprises de médias y jouent un rôle essentiel mais elles doivent faire face à une baisse des recettes, à des menaces ciblant la liberté et le pluralisme des médias, à l’émergence de très grandes plateformes en ligne et à un patchwork de règles nationales. La législation européenne sur la liberté des médias prévoit des garde-fous communs au niveau de l’UE pour garantir que toutes les voix puissent se faire entendre et que nos médias puissent exercer à l’abri de toute ingérence, privée ou publique. Un nouveau gendarme européen encouragera l’application effective de ces nouvelles règles en matière de liberté des médias et veillera à ce que les concentrations dans le secteur ne fassent pas obstacle au pluralisme. »

 

 

 

 

Par la suite, la Commission soutiendra les discussions, notamment au sein du Forum européen des médias d’information, sur l’application volontaire de pratiques par les entreprises de médias, en lien avec la recommandation qui accompagne le règlement.

 

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