Que s’est-il passé en Europe cette semaine? (Du 20 au 26 novembre)

Articles par Clarent Gérard et Marjorie Cioco

 

Victoire de l’extrême droite aux législatives néerlandaises, quel avenir pour le pays ?

 

Ce mercredi 22 novembre 2023, le « parti pour la liberté » (PVV) d’extrême droite de Geert Wilders a remporté les élections législatives néerlandaises. Obtenant 37 sièges sur 150 à la seconde chambre des Etats généraux (chambre des représentants) des Pays-Bas, il devance largement la liste écologiste de gauche de Frans Timmermans et ses 25 sièges, suivi par le VDD de centre-droit (Parti populaire pour la liberté et la démocratie) avec 24 sièges.

Élu à la seconde chambre des Etats généraux des Pays-Bas depuis 1998, son parti (le PVV) prend de l’ampleur en 2010 où il devient le 3ème parti du pays, puis le second aux élections de 2017. Il prend position contre l’Islam dès 2004, assimilant notamment le Coran à Mein Kampf, et considère la religion comme « idéologie fasciste ». Il est notamment jugé pour incitation à la haine raciale en 2010 et 2014. Une forte partie de son programme est ainsi axée sur la lutte contre l’immigration et l’Islam, prenant également position contre l’Union européenne et le réchauffement climatique. 

Cette victoire de Geert Wilders marque un changement de cap politique aux Pays-Bas, signe d’un attrait populaire pour la politique migratoire, au cœur du programme du PVV. Sur X (anciennement Twitter), alors qu’Amnesty International évoque un échec pour les droits humains, Marine le Pen se réjouit de cette victoire, félicitant une « performance spectaculaire » de G. Wilders et son parti. Viktor Orban, Premier ministre Hongrois, salue l’arrivée des « vents du changement », sur X.

Une question subsiste pour Geert Wilders et le PVV : comment gouverner ?

Pour accéder au pouvoir, une coalition de 76 sièges sur 150 doit voir le jour. La question ne se pose pas pour Frans Timmermans et son parti écologiste qui refusent de répondre à cet appel, tout comme le parti travailliste. Le VDD de centre-droit refuse également de voir G. Wilders à la tête du gouvernement. Reste alors Pieter Omtzigt, à la tête du tout jeune parti NSC (Nouveau contrat social) de centre-droit, se disant « disponible ». Ses 20 sièges porteraient une coalition à un total de 57, encore largement insuffisant pour le leader du PVV. Le processus reste encore complexe pour arriver à gouverner, ce qui n’empêche pas G. Wilders de lancer un appel à la coalition, soulignant que son parti ne « peut plus être ignoré ».

 

Développement de technologies vertes « made in Europe » : un pas de plus dans le pacte vert de l’UE ?

 

Ce mardi 21 novembre 2023, le Parlement européen a voté le Net-Zero Industry act (règlement pour une industrie à zéro émission), dans le cadre du « Green deal » (pacte vert), présenté par l’Union Européenne dès 2019 puis lancé en juillet 2021. Ce pacte vert pour l’Europe a notamment pour objectif une réduction des émissions de CO2 de 55% d’ici 2030, ainsi que la neutralité carbone en 2050.

Avec le Net-Zero Industry Act, présenté en mars 2023, l’Union européenne établit une liste de 17 « technologies propres », parmi lesquelles figurent entre autres les technologies solaires photovoltaïques et thermiques ou les technologies durables de biogaz et biométhane. Le texte, qui doit encore passer par la négociation entre les États membres, pose un objectif de 40% de production européenne dans le secteur de l’industrie verte.

Cette démarche européenne fait écho à la loi IRA (Inflation Reduction Act) adoptée en 2022 par les Etats-Unis, prévoyant notamment un budget de 370 milliards de dollars en soutien à la politique industrielle verte américaine, dont 158 entièrement consacrés au développement d’une énergie propre. L’idée est également de commencer à se dégager progressivement d’un risque de dépendance aux technologies importées, notamment chinoises, qui dominent aujourd’hui le marché mondial avec près de 90% des investissements. Le Parlement désire ainsi assurer la souveraineté de l’Europe à travers ce projet de règlement.

Le nucléaire entre également en jeu, trouvant ici sa place au sein des technologies vertes proposées par le règlement, déjà présent lors de sa présentation en mars dernier. L’objectif étant de permettre à chaque État de puiser dans les ressources les plus adaptées à leurs besoins et leurs moyens, cette décision profite notamment à la France, mais aussi aux Pays-Bas ou à la Suède. Néanmoins, il se pourrait que le budget accordé à cette avancée industrielle dans le green deal puisse être insuffisant au regard des prétentions des Etats. De plus, le texte du Net-Zero Industry Act n’ayant pas encore été négocié, la totalité des technologies présentées n’ont donc pas encore une place assurée parmi les technologies vertes de l’UE.

 

Fermeture des frontières par la Finlande: la Russie accusée d’une pression migratoire

 

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les relations se sont détériorées entre la Finlande et la Russie. Son adhésion à l’OTAN n’a pas assouvi les tensions, amenant la Finlande à lancer un projet de clôture de sa frontière en 2022. Mercredi 22 novembre, la Finlande a décidé de fermer ses postes de contrôle aux frontières avec la Russie, n’en gardant qu’un seul d’ouvert. En effet, le pays accuse la Russie d’essayer de la déstabiliser en créant une pression migratoire, utilisant les migrants comme une arme. Depuis août, plus de 700 demandeurs d’asile sont entrés en Finlande sans visa par la Russie, nombre augmentant drastiquement dans une courte durée. Selon Helsinki, ce sont les autorités russes qui organisent les passages, faisant exprès d’amener cette crise migratoire. Les autorités russes ont rejeté les accusations finlandaises, critiquant le fait qu’ils utilisent la crise migratoire pour blâmer la Russie.

Lundi 20 novembre, les présidents polonais et finlandais se sont rencontrés à Varsovie pour discuter de la situation avec la Russie. La Pologne soutient la Finlande face à ses accusations envers la Russie, subissant elle-même une pression depuis 2021. « Nous soutenons la Finlande parce que nous sommes nous-mêmes confrontés à une telle situation à notre frontière avec la Biélorussie […] La Finlande peut compter sur notre soutien et sur le partage de notre expérience », a déclaré Andrzej Duda, président polonais.

Panneau montrant la fermeture de la frontière entre la Finlande et la Russie.

Depuis mercredi, des demandeurs d’asile sont bloqués à la frontière qui s’étale sur plus de 1300 kilomètres. Ils sont originaires du Proche-Orient et de l’Afrique, en particulier d’Irak, de Somalie et du Yémen. Ces migrants, qui campent sur place et qui attendent dans le froid, assurent qu’ils ont été amenés gratuitement depuis leur pays, ce qui renforce les accusations des autorités finlandaises. Selon le Premier ministre finlandais Petteri Orpo, utiliser la migration est une manière d’influencer la situation et la sécurité dans leur pays. Moscou affirme que la Finlande commet une erreur, empêchant beaucoup de binationaux vivant en Finlande et ayant des proches en Russie de rejoindre leurs familles. Une manifestation a donc eu lieu dans la semaine pour demander l’ouverture des frontières pour les fêtes. La Finlande a décidé de fermer ses frontières jusqu’au 23 décembre pour l’instant, afin que les proches puissent se retrouver pour la période des fêtes.

 

Hongrie et Union européenne: une nouvelle version du plan de relance sur fond de tensions

 

Jeudi 23 novembre, la Commission européenne a approuvé la nouvelle version du plan de relance de la Hongrie, visant à leur verser 920 millions d’euros sans condition. Cet argent sera lié à la réalisation de réformes pour la lutte contre la corruption et le renforcement d’indépendance judiciaire. Cela entre dans le cadre de RePowerEU, qui est un plan créé par l’UE visant à réduire les importations d’énergie fossile et répondre à la crise énergétique après le début de la guerre en Ukraine. La décision doit encore être approuvée par les membres de l’UE. Bruxelles avait pourtant suspendu ses versements vers Budapest depuis 2021, en sanctions contre la Hongrie et ses dérives en matière d’Etat de droit. Le plan de relance de la Hongrie ne commencera pas tant que le pays ne fera pas plus d’efforts de lutte contre la corruption, de renforcement d’indépendance judiciaire et de transparence.

Cette nouvelle décision peut susciter la controverse, car la Hongrie est visée depuis quelque temps par l’UE à cause de son recul démocratique. En effet, le premier ministre hongrois Viktor Orbán est proche de Poutine et il continue de provoquer l’Union européenne. Ce mercredi 22 novembre, il a déconseillé à la Suisse d’adhérer à l’UE, critiquant la structure “pleine de bureaucratie au lieu de politiciens”. De plus, son parti Fidesz mène depuis cette semaine une campagne publique contre Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Le gouvernement a placardé des affiches de la présidente au côté d’Alexander Soros, héritier du milliardaire George Soros, les accusant de s’immiscer dans la politique hongroise. Cette campagne entre dans la consultation nationale non-contraignante organisée par la Hongrie, demandant aux citoyens leurs avis sur les politiques de l’UE.

Cette semaine, le gouvernement hongrois a présenté un projet de loi pour la création d’un “bureau de protection de la souveraineté” ayant pour but d’enquêter sur l’utilisation de fonds étrangers dans les campagnes nationales et les activités des ONG. Encore une fois, ce projet attire les critiques de l’Union européenne, attisant une peur de répression des opposants politiques et de la société civile.

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