Par Laura Comte et Marine Béguin.
Le boom de l’inflation post confinement lié au Covid-19 inquiète les Européens, qui peinent à trouver une réponse coordonnée
Morne depuis plusieurs années, l’inflation a fait un retour remarqué en 2021 dans le sillage de la pandémie. Cependant, ce phénomène reste assez flou et a besoin de précisions, pour être compris de tous.
Qu’est-ce que l’inflation ?
L’inflation est souvent perçue comme un mal : par les consommateurs notamment qui sont réticents à une hausse des prix, mais aussi parce que l’inflation quand elle dérape peut avoir de graves conséquences sociales comme en témoigne l’épisode de l’hyperinflation de la République de Weimar en 1923. A l’échelle macro-économique, l’inflation apparaît également comme néfaste car si l’inflation nationale est inférieure à l’inflation à l’étranger, alors on a une appréciation de la monnaie nationale qui conduit à une baisse des exportations. Toutefois, l’inflation n’est pas mauvaise pour tous : elle est en effet bénéfique pour certains agents économiques, notamment les agents endettés ou encore les entreprises. De plus, l’inflation forte pendant les périodes de croissance (les Trente Glorieuses avec 6 à 7 % d’inflation) est souvent une bonne chose pour l’économie. Il faut donc, selon Patrick Artus, distinguer justement la mauvaise inflation résultant d’une hausse des prix des biens importés, où la baisse du pouvoir d’achat des entreprises et des ménages a des conséquences négatives pour l’économie. Mais il existe également, selon cet économiste, la bonne inflation qui traduit des tensions sur le marché des biens et services et celui du travail qui est donc représentative d’un redémarrage de la croissance.
Le retour de l’inflation n’est pas anodin
Pourtant, il semblerait que ce boom de l’inflation post-Covid et post-confinement inquiète grandement les États européens. On pourrait voir l’inflation comme le moyen de diminuer les dettes européennes mais on le sait, les institutions européennes nées avec le traité de Maastricht de 1992 s’y opposent puisque le risque de dérapage hyperinflationniste est trop grand. D’ailleurs, la Banque Centrale Européenne (BCE) a toujours fait de l’inflation son ennemi public numéro un.
Pour comprendre cette peur de l’inflation, il faut se replacer dans les circonstances historiques du traité de Maastricht : l’Allemagne accepte de renoncer à sa monnaie, le Deutsche Mark, une fierté nationale, au profit d’une monnaie commune ; mais elle pose comme condition la lutte contre l’inflation. L’économiste Richebächer illustre bien la crainte des allemands face à l’inflation : « La stabilité n’est jamais acquise. L’inflation rode toujours au coin de la rue ».
Toutefois, il existe la bonne et la mauvaise inflation, selon Artus, et c’est pour cette raison que les avis divergent autour de ce retour de l’inflation post-covid. Sur un an, l’inflation a grimpé dans la zone euro de 4,1 % en octobre après une progression de 3,4 % en septembre. Début novembre, durant la réunion des ministres des finances de l’union monétaire à Bruxelles, l’inflation était le sujet principal car elle est la raison de nombreuses inquiétudes et mène à des débats.
En effet, certains s’inquiètent car la hausse généralisée des prix pourrait altérer la reprise après des longs mois de crise sanitaire. D’autres débattent au sujet de la politique monétaire qui devrait être mise en place pour lutter contre l’inflation.
Cependant, la raison principale pour laquelle ils ne s’accordent pas sur le resserrement de la politique monétaire est que cela pourrait compromettre le retour de la croissance en cette fin d’année, qui est pourtant le but recherché. Contrairement à l’Allemagne, qui en raison de son passé redoute l’inflation, la France, elle, défend une réforme du marché de l’énergie, jugé en grande partie responsable de l’actuelle accélération des prix. Mais l’Allemagne dénonce plutôt l’inaction de Christine Lagarde, et l’accuse d’appauvrir les épargnants et les retraités.
La présidente de la BCE affirme pourtant que ce phénomène devrait être temporaire et que l’inflation est uniquement liée au rebond de l’économie de cette fin d’année.
Alors, quelles prévisions pour l’inflation ?
Le pari risqué de Christine Lagarde sur une baisse de l’inflation fait vivement débat. Beaucoup remettent en cause cette perspective transitoire de l’inflation. Entre hausse des salaires minima pour certains pays, flambée du prix de l’or à prévoir et arrivée du nouveau variant Omicron, la menace de l’économie et de la bourse commence à peser.
En effet, le chroniqueur Marc Touati, économiste et président du cabinet ACDEFI l’annonce : l’arrivée du nouveau variant Omicron pourrait tout faire dégringoler à nouveau. Alors que la croissance mondiale, affectée par une inflation grandissante, laquelle pourrait dévier vers une stagflation comme le craignent certains économistes (économie qui souffre simultanément de forte inflation et de croissance économique faible), ne battait pas son plein (5,2 % en 2021 à 3,5 % pour 2022), une nouvelle vague pourrait faire reculer davantage cette estimation.
La France quant à elle connaît une hausse des prix moindre comparé à ses voisins de l’Union Européenne, mais on ne peut pas en dire autant de son voisin transatlantique. Le patron de la banque centrale américaine craint une inflation qui s’installe dans le temps et envisage de relever ses taux directeurs, ce qui augmenterait les taux d’intérêt et ralentirait la consommation.
Tous les voyants sont au rouge. Cette flambée inflationniste inédite pourrait bien durer dans le temps et ébranler fortement la stabilité économique mondiale. De nombreux secteurs restent encore très fragilisés d’une pandémie que l’on pensait sur le point de s’éteindre. Marc Touati est clair : “le monde et les marchés financiers sont désormais confrontés à un risque majeur de stagflation”. Début 2022 s’annonce donc quelque peu chaotique pour l’économie.