Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (Du 6 au 10 décembre 2021)

Par Laura Comte et Henri Fabbro.

Le discours d’Emmanuel Macron : des projets utopiques ? 

Lors de sa conférence de presse, jeudi, Emmanuel Macron a exprimé l’importance de la création d’enjeux de la présidence française du conseil de l’Union européenne (PFUE) pour le premier semestre de 2022. Tous les 13 ans, la France a pour responsabilité de mener à bien ses projets ambitieux, dans le but de s’insérer dans le collectif européen. A partir du 1er janvier 2022, la France sera donc présidente du conseil de l’Union Européenne et remplacera alors la Slovénie. Le Conseil de l’Union Européenne est un conseil réunissant les ministres des Etats membres, il permet de mettre en place des objectifs plus importants. 

Emmanuel Macron a alors affirmé, avec Clément Beaune, Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes, que la devise européenne serait : “la relance, la puissance et l’appartenance”. La puissance signifie d’après le président de la République Française qu’il fallait désormais passer d’une “Europe de coopération à une Europe souveraine”. En outre, le président veut réaffirmer l’unité politique de l’Union Européenne, qui n’a pas réellement évolué depuis le traité de Lisbonne de 2009. Principalement, Emmanuel Macron a affirmé vouloir réformer l’espace Schengen en installant une organisation politique avec des réunions régulières visant à renforcer la souveraineté européenne. 

Le chef de l’Etat a également soulevé l’importance de la mise en place d’un mécanisme de soutien d’urgence aux frontières en cas de crise, grâce à l’agence Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Le président français a également insisté sur le besoin d’améliorer la politique de défense européenne, en étant plus opérationnel au niveau de l’armement européen. Emmanuel Macron a également affirmé dans son discours vouloir renforcer ses relations avec l’Afrique, puisque cela fait partie des grands projets politiques et géopolitiques des décennies à venir”.

Le chef de l’État pense également que la crise sanitaire et économique que l’on vit actuellement est l’occasion pour l’Union Européenne de confectionner un nouveau modèle européen de croissance, en tous cas, de le moderniser et de s’éloigner du tabou des 3%. L’Europe de 2030​ sera fondée sur de nouveaux modèles, avec probablement un modèle de production, mais également de solidarité et de régulation​, avec des règles budgétaires et financières adaptées pour permettre les investissements. Il faudra aussi ajouter une dimension écologique dans le but de créer une Europe plus verte, qui “correspond à nos valeurs” d’après le président de la République française, notamment en obtenant la neutralité carbone d’ici 2050.

Une extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis possible d’après la justice britannique 

En première instance de jugement,  l’extradition du fondateur de WikiLeaks vers les Etats-Unis avait été refusée.  Mais, la Haute Cour de justice de Londres a annulé ce refus et ouvre la voie à une extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis. Il est poursuivi aux Etats-Unis pour espionnage après avoir publié des documents secrets.

Cette décision en appel de la Haute Cour de justice de Londres était particulièrement motivée par la santé mentale fortement dégradée de Julian Assange. Il était également exposé à un risque de suicide en raison de cette extradition. Finalement, en appel, le tribunal a été convaincu par les garanties apportées par le gouvernement américain qui affirmait que ce dernier ne serait pas détenu dans la prison de très haute sécurité de Florence, au Colorado. Le gouvernement américain a également assuré que Julian Assange recevrait des soins psychologiques adaptés en raison de son état dégradé. S’il devait être condamné, les garanties apportées par le gouvernement américain étaient qu’il pourrait demander à purger sa peine en Australie, qui est son pays natal. Toutefois, ces arguments avaient été majoritairement critiqués par les avocats et les soutiens de Julian Assange.

Selon la fiancée du fondateur de WikiLeaks, ce jugement est une “grave erreur judiciaire” et “une décision dangereuse”. De nombreuses ONG ont sévèrement dénoncé cette décision de la justice britannique qui ne défend pas les droits de Julian Assange, ce qui est perçu comme « une parodie de justice » d’après Nils Muižnieks, directeur Europe d’Amnesty International.

Néanmoins, cette décision de la justice britannique ne signe pas la fin de cette guerre judiciaire menée par l’équipe de Julian Assange. Ses avocats ont déjà annoncé leur volonté de porter la décision de ce 10 décembre devant la Cour suprême. En dernier recours, l’équipe juridique de Julian Assange pourrait probablement faire appel à la Cour européenne des droits de l’homme.

Chancellerie allemande : La relève Scholz

Ce mercredi 8 décembre, la chancelière Angela Merkel a cédé sa place à Olaf Scholz lors d’une passation de pouvoir teintée de sobriété. Durant cette cérémonie, celle qui a dirigé l’Allemagne pendant 16 ans a déclaré à son successeur : « Prenez possession de cette maison et travaillez pour le bien de notre pays. »

Olaf Scholz, qui était jusqu’alors ministre des finances et vice-chancelier, a répondu par ces mots : « Je souhaite que cette maison reste fidèle à la mentalité, si typique du nord-est de l’Allemagne, qui y a régné jusqu’ici. ». Ces propos s’inscrivent dès lors dans la promesse d’une continuité quant à la politique fédérale allemande.

Le nouveau dirigeant a marqué son entrée dans la scène européenne en se rendant vendredi dernier à Paris, afin de déjeuner avec le chef de l’Etat, puis a rencontré les dirigeants de l’Union européenne à Bruxelles. Cette visite a permis par la même occasion de préparer le sommet européen des 16 et 17 décembre et d’afficher ses aspirations quant au futur de l’Union. De nombreux sujets ont été discuté tel que la recrudescence de la pandémie de COVID-19, et les craintes quant à une potentielle invasion de l’Ukraine par la Russie. 

Néanmoins, le nouveau chancelier n’a pas pour prétention d’être le sosie de sa prédécesseure. Effectivement, la feuille de route qu’a élaborée Olaf Scholz avec ses alliés de la coalition des écologistes et des libéraux, manifeste de nouvelles ambitions concernant la politique européenne. A cet égard, la nouvelle cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock a déclaré « Que nous appelions cela autonomie stratégique ou souveraineté européenne, peu importe le titre, qui fait couler beaucoup d’encre. C’est l’idée derrière qui compte». Posture saluée par le président français qui plaidait lui aussi pour de profondes réformes communautaires, qu’Angela Merkel avait négligées.

Cette nouvelle chancellerie annonce également de nouveaux rapports avec la France, car Berlin a pour motivation de devenir “ l’évolution de l’Union européenne vers un État fédéral européen” comme l’avance Frank Baasner (directeur de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg). Autrement dit, progresser toujours plus dans la logique de décentralisation. Pour le chercheur c’est “ une approche différente, une ouverture de l’Allemagne vers la France”, afin de renforcer une cohésion européenne fortement endurée par la pandémie. 

 Néanmoins certains sujets pourraient dès à présent venir trahir l’amitié du couple franco-allemand. Tout d’abord, sur le nucléaire, Bruno Le Maire a notamment précisé : “Sur ce sujet, il ne sera pas évident de s’entendre“. En effet, comme cette source d’énergie ne produit pas de CO2 comme les énergies fossiles, la France souhaiterait que l’UE la classe parmi les énergies durables car elles peuvent bénéficier d’investissements européens. Mais l’Allemagne n’est pas de cet avis car selon elle la gestion des déchets reste problématique. Elle avait notamment fait le choix de mettre un terme à son programme de centrales nucléaires juste après la catastrophe japonaise, la dernière devant fermer en 2020 .

Par conséquent, rien ne garantit que la relation franco-allemande ne sera pas semée d’embûches.

Licences de pêche post-Brexit : une échéance encore repoussée 

Le jeudi 9 décembre, le Royaume-Uni a annoncé qu’il ne reconnaissait pas l’échéance du vendredi comme date butoir afin de régler le conflit l’opposant à la France, concernant les licences de pêches post-Brexit. 

Le porte-parole du premier ministre Boris Johnson a ainsi déclaré, « ils en ont fixé une mais ce n’est pas celle sur laquelle nous travaillons, Il y a un processus technique qui se poursuit, basé sur des preuves plutôt que sur des dates butoirs ». 

Il s’agit d’une affaire très délicate et encore non résolue depuis l’instauration du Brexit en Février 2020. Et tandis que les relations entre les deux Etats continuent de s’envenimer, notamment sur la gestion des flux migratoires dans la Manche, la perspective d’un consensus sur les licences accordées aux pêcheurs français ne semble pas se diriger vers une résolution  malgré l’intercession des organes européens.

Ce non-respect est pris très au sérieux par le gouvernement français,  la ministre de la Mer Annick Girardin a en conséquence prévenu lors d’une audition au Sénat que si toutes les licences n’étaient pas accordées avant vendredi soir, la France réclamerait une “ réunion du conseil de partenariat” censé garantir l’application de l’accord post-Brexit, en ajoutant : « C’est la Commission qui portera le contentieux et les mesures de rétorsion si elles devaient être mises en application”.

La France en a déjà reçu 1004, mais 104 manquent toujours à l’appel. Le nombre peut paraître faible mais la ministre a rappelé la nécessité d’une régularisation afin d’assurer la pérennité d’un secteur important pour la France : “ Ce n’est pas anecdotique, c’est capital : ce sont des pêcheurs, des familles. Un emploi en mer, c’est quatre emplois à terre”. On estime qu’environ un quart des prises françaises (hors Méditerranée) en volume proviennent des eaux britanniques, et sont à l’origine de 650 millions d’euros de ventes annuelles pour les pêcheurs européens.  

Cette bataille entre les deux pays est bien sûr la conséquence de la sortie du Royaume-Unis puisque l’accord final avait ainsi redéfini l’ensemble des zones de pêches autour de l’île. De plus, à partir de l’été 2026, tous les pêcheurs européens devront renoncer à 25% de leur prise. D’ici là, les britanniques sont dans l’obligation de fournir ces justificatifs aux pêcheurs français.

Et tandis que les accords concernant la pêche dans la zone économique exclusive (de 12 à 200 milles au large des côtes du Royaume-Uni) pour les grands bateaux ont été trouvés ; c’est la zone de 6 à 12 mille, la plus abondante en ressources halieutiques qui pose problème. 

Le Royaume-Unis tend à refuser la mise en place d’une procédure claire et rapide permettant d’accorder ces licences. De plus, de nouvelles conditions ont  été ajoutées à l’accord de commerce et de coopération. Par exemple, les britanniques exigent certaines preuves quant aux trajets des navires (par le biais d’une géolocalisation), mais ces dernières sont difficiles à fournir. Le comité national de pêches évalue le montant des pertes à environ 20 à 50% du chiffre d’affaires pour les propriétaires de ces bateaux.

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