Jeudi dernier, le 6 octobre, la Maison du Barreau de Paris a organisé une conférence avec un invité d’exception : le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Eurosorbonne y était et vous en fait le résumé.
Le thème de la conférence s’articulait autour de la question « L’Europe peut-elle tout maîtriser ? ». Après une courte introduction où il développe le concept de coopération loyale, rappelant que les Etats membres doivent agir conformément aux engagements pris au sein de l’Union européenne, M. Juncker répond à la question par un « non » franc et direct.
L’Europe ne peut pas tout maîtriser mais elle apporte une valeur ajoutée
Cette réponse est rapidement relativisée par le Président de la Commission européenne qui précise que, si l’UE ne peut pas tout maîtriser, elle peut en revanche maîtriser des enjeux que les Etats membres pris séparément ne pourraient pas. Il développe donc quelques uns des domaines dans lesquels l’existence de l’UE apporte une valeur ajoutée.
Tout d’abord, Jean-Claude Juncker évoque ce qu’il définit comme une des plus grandes réussites de la construction européenne : le marché commun. En effet, il précise que l’UE constitue le plus grand marché intérieur au monde, grâce à l’intégration de 500 millions de consommateurs, qui sont aussi des citoyens, nous rappelle-t-il. Il s’intéresse ensuite à la monnaie unique, qui, bien que très fortement critiquée dernièrement par certains des Etats membres, a permis d’éviter une guerre monétaire entre pays au moment de la crise économique et financière de la dernière décennie. Enfin, il s’arrête sur les différents élargissements qu’a connu l’UE au fil des années, rappelant qu’ils sont la preuve d’une volonté de réconcilier l’histoire et la géographie de l’Europe.
M. Juncker résume ses propos dans une phrase qui nous a semblé emblématique de sa tentative d’unification des Etats membres depuis qu’il est à la tête de la Commission européenne : « L’Europe est capable de grandes choses lorsqu’elle sait unir ses forces et ses énergies ».
Une exigence pour l’UE : se concentrer sur l’essentiel
Jean-Claude Juncker déclare ensuite qu’il est important de faire preuve de retenue sur les petits sujets quotidiens, et que l’UE aurait tort de vouloir légiférer sur toute matière. Il lui faut donc se concentrer sur ce qui est essentiel, et c’est dans cette perspective que M. Juncker rappelle l’effort de la Commission européenne pour retirer 400 textes législatifs depuis le début de son mandat. C’est au nom des principes de subsidiarité et de proportionnalité, qui veulent que les questions soient traitées par le niveau (local, national ou supranational) qui y est le plus adapté.
C’est ainsi que M. Juncker détaille une série de compétences et de questions pour lesquelles il pense que l’UE doit agir. Il cite en premier lieu le dumping social et les directives sur le détachement des travailleurs qui permettent de l’éviter. Il s’intéresse ensuite au dumping fiscal et rappelle la nécessité que les entreprises payent leurs impôts là où sont perçus les bénéfices, en référence implicite à la décision en rapport à Apple et à l’Irlande. Le Président de la Commission européenne s’arrête enfin sur le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC), grand sujet de division entre les Etats membres dernièrement, et insiste sur les principes d’intégration et de flexibilité : le PSC doit absolument, selon lui, tenir compte des cycles économiques qui se succèdent et des spécificités nationales.
Il finit son discours en rappelant quelques chiffres qui expliquent la nécessité d’approfondir l’intégration européenne. En effet, alors que l’UE représente aujourd’hui 25% du PIB mondial, les prévisions indiquent que dans 15 ans, elle ne sera plus que 15% du PIB mondial, et aucun pays européen ne fera plus partie du G7, le groupe rassemblant les sept premières économies mondiales.
Il enjoint ainsi les Etats membres à travailler ensemble et non les uns contre les autres, afin de rendre l’Union européenne véritablement unie, puisque, selon lui, « l’Europe ne peut pas se faire contre les Etats ». Ses derniers mots sont un appel à l’unification des Etats membres, malgré la situation internationale peu favorable : « L’heure est au regroupement des meilleurs talents européens, l’Europe a une obligation envers les sociétés : (…) faire preuve de patience, d’endurance et d’ambition ».
Mathilde Ciulla