Alors que l’année 2016 a été riche en événements pour la politique européenne, la rédaction d’Eurosorbonne vous propose une sélection des dix personnalités politiques qui ont largement contribué à ce que cette année reste dans les mémoires.
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Dacian Cioloș
Asli Erdogan
Nigel Farage
Birgitta Jonsdottir
Guisi Nicolini
Vladimir Poutine
Martin Schulz
Nicola Sturgeon
Alexander Van der Bellen
Margarethe Vestager
Dacian Cioloș a peut-être quitté ses fonctions de Premier ministre roumain, après la victoire du Parti social-démocrate, en décembre dernier, mais durant ses deux années de mandat, cet européiste convaincu a essayé de faire sortir son pays de la pauvreté et de la corruption. En 2015, un incendie meurtrier dans une boîte de nuit de Bucarest révèle l’ampleur de la corruption en Roumanie. La population descend dans la rue pour dénoncer les arrangements des vieux partis et le Premier ministre, Victor Ponta, est obligé de démissionner. Le président Klaus Iohannis nomme alors Dacia Cioloș au poste de Premier Ministre. Ce brillant technocrate, qui a fait ses études en France a été Commissaire européen, en charge de l’Agriculture pour la Commission Barroso II, Ambassadeur de Roumanie au Conseil de l’Europe en 2007, puis conseiller pour la sécurité alimentaire de Jean-Claude Juncker. Résidant à Bruxelles, il a longtemps été maintenu loin des malversations en vigueur en Roumanie et est considéré comme un modèle d’intégrité. Il s’est entouré de discrets intellectuels et techniciens, qui se sont efforcés pendant deux ans d’améliorer la situation de la Roumanie. Procès pour corruption à l’encontre de personnalités politiques de premier rang, sensibilisation du public aux questions de bonne gouvernance, recensement des “arrangements” entre politiciens et meilleure intégration de la Roumanie au sein de l’Union européenne… Dacian Cioloș a un bilan positif. Pas assez cependant pour empêcher les partis traditionnels de reprendre le pouvoir en promettant des augmentations de salaires colossales. En quittant son poste, le 4 janvier dernier, il s’est peu exprimé sur son mandat mais plutôt sur les dix ans de l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne, dont il a déclaré “Ces dix années […] ont été synonymes pour la Roumanie de dix années de croissance, de développement et de consolidation de la démocratie”.
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On sait combien la population turque a été malmenée en cette année 2016 : un coup d’Etat avorté, une répression sans précédent, un régime toujours plus autoritaire et des emprisonnements arbitraires. Dans cette situation, le courage de quelques uns qui ont décidé de tenir tête au gouvernement de Recep Tayyip Erdogan pousse à l’admiration. Et parmi eux, Asli Erdogan, écrivaine turque qui a notamment collaboré avec Özgür Gündem, journal pro kurde. C’est justement pour ses chroniques dans ce journal qu’elle a été emprisonnée en juillet 2016, et qu’elle est actuellement en liberté conditionnelle en attente de son jugement. Le sort de cette femme, ferme défenseur de toutes les minorités (les Kurdes, les Arméniens, les femmes,…), interroge sur la route sur laquelle s’engage la Turquie, alors qu’une réforme constitutionnelle qui donnerait encore plus de pouvoirs au Président est actuellement en discussion au Parlement turc. Asli Erdogan nous rappelle combien il est important de se battre pour la démocratie, pour les droits de l’homme et les libertés, au premier chef desquelles la liberté de la presse. Son dernier livre Le silence même n’est plus à toi a été publié en France début janvier 2016. Il rassemble les chroniques qui lui ont valu son emprisonnement, des chroniques au ton dramatique et pessimiste qui traduisent la vision qu’Asli Erdogan a de sa Turquie : un pays où règne la peur et le silence. Ce livre est interdit en Turquie, signe de plus d’une liberté d’opinion bafouée par le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui comble de l’ironie, porte le même nom qu’elle.
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Nigel Farage est incontestablement l’acteur-clé de la victoire du Brexit. Longtemps considéré comme un outsider de la politique britannique, il nous a surpris, cette année, en contribuant à faire voter les Britanniques en faveur d’une sortie de l’Union européenne, le 23 juin dernier. Une réelle victoire pour le politicien, qui depuis 17 ans, n’a cessé de réclamer la mise en place d’une campagne pour faire sortir le Royaume-Uni de l’UE.
Leader de l’UKIP – bien qu’après avoir démissionné le 4 juillet dernier, estimant avoir accompli sa mission, il a repris ses fonctions après la démission de Diane James, sa successeuse en octobre dernier- Nigel Farage continue de dénoncer les agissements de l’Union européenne. Auréolé de sa victoire, il se porte rapidement en faveur de Donald Trump. Une victoire qu’il juge positive, considérant que 2017 sera « une heureuse année pour les partisans des Etats-nations d’Europe ». Mais par manque de chance – ou de succès – Nigel Farage décide, le 9 janvier dernier, de se tourner vers la radio, en animant sa propre émission quotidienne d’une heure sur LBC, la radio talk d’Angleterre.
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À 49 ans, Birgitta Jonsdottir est assurément la personnalité politique islandaise de l’année. Fondatrice du Parti pirate islandais en 2012, elle a réussi ce qu’aucun de ses homologues du même mouvement ailleurs en Europe (Allemagne et Europe du nord notamment) n’ont réalisé jusque-là : obtenir dix députés au parlement et imposer sa formation comme une force politique majeure lors des élections législatives d’octobre 2016. Cette activiste de longue date, ancienne collaboratrice de Julian Assange chez « Wikileaks » et partisane de la protection des libertés individuelles et des lanceurs d’alerte, détonne au sein du paysage politique feutré, à la fois en Islande et en Europe.
Habile communicante, celle qui se présente comme une poète punk au look travaillé est parfois taxée de populiste par ses adversaires. Sur l’Union européenne, un sujet épineux sur l’île, Mme Jonsdottir souhaite mettre en place un référendum dans le but de relancer les négociations d’adhésion.
Dans une Europe où l’opposition à la classe politique en place s’exprime actuellement par un recours croissant aux formations nationalistes, Birgitta Jondosttir et ses pirates se veulent les portes paroles d’une nouvelle manière de réellement faire de la politique autrement.
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Giusi Nicolini est maire de Lampedusa depuis 2012 où elle a su s’opposer au gouvernement italien et concrétiser l’accueil et l’aide aux migrants dans cette ville qui est au centre d’un des plus importants flux migratoires de l’Afrique vers l’Europe. En février dernier, elle a reçu le prix Simone de Beauvoir pour son engagement en faveur des réfugiés.
Pour Giusi Nicolini, les migrants ne doivent pas être un problème, mais bien une solution aux difficultés actuelles : la crise économique, le chômage, etc. Son objectif est de mobiliser les autorités nationales et européennes face à la catastrophe. Elle lutte pour la mise en place de “couloirs” qui garantissent la sûreté du passage en Europe pour les migrants et réclame pour eux de véritables droits. Elle a su gagner les éloges des organisations de défense des droits et le pape est venu lui rendre visite début 2016.
Mais aujourd’hui, Giusi Nicolini doit faire face à ces propres concitoyens selon lesquels la maire remet en cause la vie des habitants en mettant à mal le tourisme de l’île, et l’économie même de Lampedusa semble subir les conséquences de l’arrivée des réfugiés. Face à ce problème-là, la maire est aussi très engagée pour la mise en place d’un réseau de maires de frontières : les grandes capitales européennes ont certes un rôle important à jouer dans la crise migratoire, mais les petites communes ont aussi beaucoup à faire, notamment pour aider à la bonne répartition des réfugiés lorsqu’ils arrivent sur le territoire. Mais en attendant que cette répartition se fasse, l’avenir de Mme Nicolini en tant que maire de Lampedusa semble remis en cause.
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Homme fort de la Russie depuis 17 ans, Vladimir Poutine, alternativement Président puis Premier ministre ne cesse de faire parler de lui sur le continent européen. Tandis que certains l’admirent, d’autres voient en lui un intérêt économique. Mais ce sont principalement les partis politiques aux extrêmes qui semblent adhérer à ses idées, voyant en lui un homme fort et incarnant l’idée d’un Etat-nation souverain. Marine Le Pen, Nick Griffin, Viktor Orban, Alexis Tsipras,… le leader russe sait entretenir des relations privilégiées avec les politiques européens.
Alors que depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, la communauté internationale lui a imposé un régime de sanctions, le pays ne semble pourtant pas être véritablement affaibli. Certes, l’économie tourne au ralenti, mais Vladimir Poutine a réussi à surmonter les obstacles et à faire passer la Russie comme un acteur incontournable de la politique internationale. Ce tour de force passe par une politique étrangère agressive, notamment à travers des alliances. Citons celles qui ont le plus marqué 2016 : le président russe s’est rapproché du président turc, Recep Tayyip Erdogan ; il s’est engagé aux côtés de Bachar Al-Assad et joue désormais un rôle primordial dans le conflit syrien ; et l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis en novembre redessine les perspectives de la géopolitique mondiale en assurant à Vladimir Poutine un soutien de taille. Et même au sein des Etats européens, pourtant les premiers promoteurs des sanctions, la Russie semble attirer : le candidat d’extrême-droite qui a perdu les élections autrichiennes de décembre dernier, Norbert Hofer, a affirmé vouloir se rapprocher de la Russie, et le candidat des Républicains français pour l’élection présidentielle qui aura lieu dans les prochains mois, François Fillon, est très admiratif de Poutine. Force est de constater que les sanctions soutenues par l’UE à l’égard du voisin russe n’auront pas atteint leur objectif, et que Vladimir Poutine risque d’être encore en 2017 un acteur incontournable.
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Mardi 17 janvier, Martin Schulz ouvrira pour la dernière fois la séance plénière du Parlement européen. Député européen depuis 1994, chef du groupe socialiste et démocrate dès 2004, il accède à la Présidence du Parlement en 2012. Originaire d’Eschweiler, une ville d’Allemagne de l’ouest, cet autodidacte (il n’a jamais passé le bac) a d’abord été footballeur professionnel avant qu’une blessure ne le force à arrêter sa carrière. Il ouvre alors une librairie et grimpe doucement les échelons du pouvoir pour se retrouver au sommet du perchoir européen : conseiller municipal de la petite ville de Würselen à 28 ans, il devient le plus jeune bourgmestre d’Allemagne à 31 ans, en 1987. Il conservera ses fonctions jusqu’en 1998, malgré son premier mandat de député européen. Puis il sera de plus en plus populaire à chaque législature, devenant l’un des rares visages européens connus du public. À l’origine d’une grande coalition et de multiples accords avec le Parti populaire européen (de droite, et dont est issu Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne), il est critiqué par une frange des partis de gauche qui lui reprochent de désavouer ses convictions. Sa Présidence a été marquée par de vifs échanges avec des représentants politiques de toutes nationalités : Silvio Berlusconi qui lui propose de jouer un kapo dans une série, Jean-Marie Le Pen qui le compare à Lénine et à Hitler, Godfrey Bloom, un député Ukip, qui le traite d’undemocratic fascist… Mais malgré des rumeurs et des plaisanteries sur son mauvais caractère, Martin Schulz est apprécié dans l’hémicycle pour son franc-parler et sa volonté de faire comprendre et connaître l’organe démocratique de l’Union européenne. “Il faut parler sans ambages pour que les gens nous comprennent” affirme-t-il. C’est en novembre que Martin Schulz a finalement déjoué les pronostics en annonçant qu’il ne se présentait pas à sa propre succession : il quitte la politique européenne (à regrets, dit-il), pour se consacrer à la politique nationale. Candidat aux élections fédérales allemandes qui se tiendront d’août à octobre 2017, il a un temps été soupçonné de vouloir se présenter à la Chancellerie face à Angela Merkel. Mais il est plus probable que dans le cadre de la grande coalition avec les Chrétiens-Démocrates, il accède au poste de ministre des Affaires étrangères, aujourd’hui détenu par Frank-Walter Steinmeier, le prochain Président de la République fédérale d’Allemagne.
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S’il y a une Britannique pro-européenne qui mérite d’être mentionnée en cette année qui a vu le Royaume-Uni s’éloigner toujours plus de l’UE, c’est bien elle. Nicola Sturgeon, chef du Parti national écossais et première ministre de l’Ecosse depuis novembre 2014, a tenu tête au parti conservateur britannique, et plus généralement à toute la frange de la classe politique qui a soutenu le Brexit. L’Ecosse a toujours été très fortement européenne, et tout au long de la campagne sur le Brexit, la société civile écossaise a signifié sa volonté de continuer à lier son destin avec celui de l’UE. Et c’est d’ailleurs la nation qui a recueilli le plus de votes en faveur du « remain » le 23 juin dernier, affirmant une fois de plus son particularisme par rapport aux autres nations qui composent le Royaume-Uni. Alors qu’un premier référendum sur l’indépendance de l’Ecosse avait échoué en septembre 2015, Mme Sturgeon a remis l’idée à l’ordre du jour : puisque le Royaume-Uni a choisi de quitter l’Union européenne, les Écossais auront le droit de s’exprimer sur la possibilité de quitter le Royaume-Uni au profit d’un maintien dans l’UE. Plusieurs rencontres ont même été organisées entre Theresa May, nouvelle première ministre du Royaume-Uni après la démission de David Cameron début juillet dernier, et Nicola Sturgeon, alors que le Royaume-Uni devrait bientôt activer l’article 50 qui lui permettra de négocier sa sortie de l’UE. L’indépendantiste écossaise a donc fait preuve de courage politique en cette année 2016, il ne reste maintenant qu’à voir si les Écossais la suivront.
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Nouveau président autrichien depuis décembre 2016, Alexander Van der Bellen est apparu comme l’homme qui a empêché pour la première fois l’arrivée d’un dirigeant d’extrême-droite à la tête d’un Etat européen en la personne de Norbert Hofer (FPÖ). À 72 ans, cet ex-professeur d’université a dirigé pendant onze ans le parti écologiste avant de finalement se présenter en indépendant au poste de président. Enfant de réfugiés et européen convaincu, il a su rassembler bien au-delà du simple camp de la gauche en obtenant le soutien de personnalités politiques très diverses. Il prendra officiellement ses fonctions le 26 janvier prochain.
Si la fonction de président reste en grande partie honorifique en Autriche, il peut entre autres nommer les fonctionnaires sur proposition du gouvernement. Une prérogative dont aurait pu user Norbert Hofer pour étendre l’influence de son parti au sommet de l’Etat. Malgré tout, l’Autriche et l’Europe n’en ont pas fini avec le FPÖ, notamment dans la perspective des élections législatives de 2018. C’est en effet au président de désigner le chancelier (fonction actuellement occupée par Christian Kern du Parti social-démocrate), mais son choix est dicté par les résultats et la composition du Conseil national. Et à un peu plus d’un an de l’échéance, tout indique que l’arrivée du FPÖ au pouvoir l’an prochain est désormais une hypothèse plus que crédible.
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Margarethe Vestager est devenue en 2016 l’icone de la lutte contre le dumping fiscal entre les États-membres européens. Figure de l’échiquier politique danois, elle a été de 2007 à 2014 la présidente du parti social libéral danois, parti affilié au groupe ALDE au Parlement européen. Après avoir été ministre de l’Intérieur et de l’Economie, elle devient en 2014 Commissaire européenne à la concurrence dans la Commission Juncker. Le 31 août 2016, la Commission européenne, par la voix de sa Margarethe Vestager, ordonne à l’Irlande de réclamer à Apple la somme colossale de 13 milliards d’euros. Cette somme correspond aux avantages fiscaux accordés par l’Irlande à la firme californienne. En effet, l’Irlande aurait accordé à Apple des taux d’imposition extrêmement bas, ce qui fausse la libre concurrence sur le marché européen. Dans cette affaire, c’est bien l’Irlande, et non Apple, qui est accusée. La Commission l’accuse d’avoir accordé des aides d’Etat à Apple, ce qui est répréhensible en vertu de l’article 108 du TFUE. De son côté, l’Irlande a fait appel de cette décision, arguant que ces avantages fiscaux ne constituent en rien des entraves à la libre concurrence sur le marché unique et qu’elle était libre d’établir sa propre politique fiscale. La décision qui sera rendue en appel aura de lourdes conséquences sur l’harmonisation fiscale au niveau européen et pourrait initier une dynamique vers la fin du paradis fiscal irlandais pour les multinationales implantées en Irlande. « L’affaire Apple » n’est pas le premier grand coup de la Commissaire européenne. Elle s’est également faite remarquer en attaquant Google en 2015 pour non respect du droit européen de la concurrence. Ces coups d’éclats lui valent le surnom de « femme la plus puissante de la Commission » que lui donnent volontiers les médias.
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Corentin Gorin, Marie Heckenbenner, Maxime Souillard, Elena Blum, Noémie Chardon, Mathilde Ciulla