Le 15 mars dernier, les Néerlandais ont voté pour réélire leurs 150 parlementaires, et ce n’était que la première élection d’une longue série en Europe pour 2017. Geert Wilders, le leader du Parti pour la liberté (PVV), un populiste proche de Marine Le Pen, était donné gagnant. Pourtant, il ne s’est classé que deuxième en nombre de sièges obtenus avec… 13% des voix. Coup d’arrêt dans une montée des populismes européens maintes fois annoncée ou simple erreur de parcours ?
C’est Mark Rutte, le premier ministre sortant, qui remporte les élections. Il sera très certainement à la tête du prochain gouvernement de coalition qui, plus de deux semaines après le vote, n’a toujours pas été formé. Mais, ce que M. Rutte oublie, alors qu’il fête sa victoire contre le populiste Geert Wilders, c’est que son parti, le Parti populaire libéral et démocrate (VVD) a perdu huit sièges par rapport à la législature précédente, alors que le PVV en a gagné cinq.
Des élections sous haute tension
Jusqu’à quelques semaines avant les élections, les sondages ont donné Geert Wilders gagnant. Et pourtant, il n’avait pas de programme clair, refusait de participer aux débats avec les autres candidats, et ses adversaires avaient clairement dit qu’ils n’accepteraient pas de former un gouvernement de coalition avec lui. Certainement parce qu’ils savaient qu’il n’avait aucune chance : le système proportionnel néerlandais crée une prolifération de partis qui se partagent donc les 150 sièges du Parlement. Se met ainsi en place une démocratie consensuelle faite de coalition rassemblant deux ou trois partis. Un effort de rassemblement qui prend souvent du temps. Deux semaines après les élections, les négociations sont toujours en cours. Mais il ne fait presque aucun doute que le prochain gouvernement qui se formera sera dirigé par Mark Rutte, le Premier ministre sortant, et sa formation politique libérale.
Cette fois-ci, la coalition devra sans doute compter cinq ou six partis, de taille moyenne, s’ils veulent obtenir la majorité au Parlement. Et la distance idéologique entre ces partis ne facilitera pas non plus la gouvernance du pays : le VVD et le parti vert ont par exemple peu en commun. La coalition qui se profile semble donc plutôt une coalition anti-Wilders. Et le PVV se fera une joie d’être le principal parti d’opposition, de critiquer le gouvernement et ceux qui le composent, mus par son unique objectif : prouver à quel point les politiciens classiques sont tous les mêmes, prêt à s’entendre pour empêcher des partis comme celui de Geert Wilders de prendre, démocratiquement, le pouvoir.
Les Pays-Bas, un cas isolé en Europe ?
Alors que Geert Wilders était présenté comme le Donald Trump européen, et que sa montée en puissance s’inscrivait dans une Europe où les populistes et les partis aux extrêmes connaissent leur heure de gloire, le résultat des élections semble inattendu. Sans prétendre pouvoir prédire les élections à venir dans les autres pays européens qui doivent voter en cette année 2017 – notamment la France et l’Allemagne –, il existe des similitudes. Partout, les partis mainstream, de droite comme de gauche, chancellent et sont affaiblis. Et partout, les petits partis qu’on croyait trop marginalisés pour gagner réservent des surprises.
>> Pour aller plus loin : Elections en Europe, enjeux et échéances de l’année 2017
Les autres pays européens devraient donc apprendre de la campagne électorale néerlandaise. Le temps n’est plus au flou programmatique, aux pas vers les extrêmes pour séduire leur électorat – n’entend-on pas souvent dire que les électeurs préfèrent l’original à la copie ? N’oublions pas que, même si marcher sur les plates bandes des populistes peut peut-être permettre d’engranger des victoires à court-terme, au lendemain de l’élection, il faudra gouverner, il faudra être capable de soutenir des projets qui recueillent la majorité. Se concentrer sur des propositions positives pourrait permettre aux candidats de battre leurs adversaires populistes, de ne pas les laisser dominer le débat électoral.
Mais l’élection néerlandaise est porteuse d’une leçon qu’on peut appliquer au reste de l’Europe : l’usage du mot « populisme » ne reflète pas toujours la réalité. Aujourd’hui, on s’en sert pour qualifier nombre de partis et de personnalités politiques bien différents les uns des autres. Une mise au point de la définition s’avère donc nécessaire : selon Cas Mudde dans un article du Huffington Post, le populisme est une idéologie qui considère la société comme étant séparée en deux groupes homogènes et antagonistes – le peuple pur et l’élite corrompue – affirmant que la politique devrait être l’expression de la volonté générale du peuple. On a donc tendance à rapprocher le populisme des extrêmes, aussi bien à gauche qu’à droite. Cas Mudde soutient que les observateurs ont donc tendance à oublier que les partis de l’establishment utilisent eux aussi une rhétorique populiste – Mark Rutte, le grand gagnant des élections néerlandaise le premier – et que le populisme ne suffit pas à qualifier les extrêmes.
Sa solution pour combattre ces partis et sauver la démocratie ? Ne pas mâcher ses mots quand on parle de ces partis outsiders qui montent en puissance depuis quelques années et sont aux portes du pouvoir dans plusieurs pays européens. Et rappeler à quel point les partis d’extrême-droite, à l’exemple du Parti pour la liberté de Geert Wilders, sont xénophobes et autoritaires. Un mois avant la présidentielle française, un conseil à garder en mémoire.