Les élections espagnoles du 20 décembre 2015, (20-D), ont abouti à la formation d’un Parlement très fragmenté avec l’avènement de deux nouveaux partis imposants sur la scène politique : Podemos, le parti anti-austérité, à la gauche du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), et Ciudadanos, placé au centre. Depuis le pays connaît un blocage politique sans précédent qui a fait abandonner au chef du gouvernement en fonctions, Mariano Rajoy, issu du Parti Populaire, l’idée de se présenter au vote d’investiture, n’ayant pas assez de soutiens. Le parti socialiste de Pedro Sánchez, arrivé en deuxième place lors des élections, a tenté alors à son tour de prendre les rennes du gouvernement. Le 4 mars dernier, le PSOE a exprimé pour la deuxième fois en 48 heures, la volonté de former un gouvernement, s’appuyant sur la coalition avec Albert Rivera, représentant de Ciudadanos. Le résultat a été le même que celui du 2 mars : 131 voix pour et 219 contre.
Deux nouveaux acteurs de poids : Podemos et Ciudadanos
Le 18 avril, les militants du parti Podemos ont voté contre un soutien à l’investiture d’un gouvernement socialiste. Ils avancent que Ciudadanos refuse de modifier le programme de gouvernement déjà signé avec les socialistes, le qualifiant de trop libéral. Le fait est que, depuis le 14 avril, sans réussir à trouver un accord suffisamment solide, le PSOE a tenté de nouer une alliance à trois, avec Podemos, qui est la troisième force politique du pays, et Ciudadanos, la quatrième, pour ainsi obtenir une majorité de 199 députés. Podemos, malgré le refus du 18 avril, ne bloque pas une possible coalition avec le PSOE, qui aboutirait au soutien de 159 députés, mais pour qu’un gouvernement de coalition entre ces deux partis ne soit investi, il aurait fallu l’appui de Ciudadanos, qui s’oppose de fait à ce que le parti anti-austérité n’accède au pouvoir, ou bien des indépendantistes catalans. Or, ces derniers exigent en échange de leur soutien la tenue d’un référendum d’autodétermination, ce qui est refusé par le parti socialiste. Le parti de Pablo Iglesias demande également l’ascension à d’importants ministères et la réalisation de référendums pour que les régions décident de leur continuité ou non en Espagne. Les militants de Podemos affirment dès lors préférer la tenue d’élections au lieu de soutenir un programme qui n’est pas le leur et un gouvernement duquel il serait exclu.
Un consensus difficile à trouver…
L’espoir d’un consensus s’envole à chaque échec et c’est désormais sur les élections que l’accent semble être mis. Celles-ci devraient être convoquées le 26 juin prochain. Les Espagnols ne sont pas favorables à de nouvelles élections. L’impression qui ressort de l’instabilité politique actuelle et de la difficulté pour trouver un consensus, c’est qu’il est question pour les partis de briguer le pouvoir et accéder au gouvernement à tout prix. Dans le cas où des élections auraient lieu, selon Sánchez Medero, les résultats seraient semblables à ceux de décembre dernier. Il se pourrait qu’une partie de l’électorat de Ciudadanos se tourne vers le Parti Populaire, ou bien que les Espagnols, mécontents de l’action du PSOE, décident de voter cette fois en faveur de Podemos. Néanmoins, d’après les sondages réalisés de plus en plus fréquemment en Espagne, l’arithmétique parlementaire ne serait pas profondément modifiée. Le blocage politique persisterait mais selon Ruiz Rodríguez, la balance semblerait peser en faveur des extrêmes plutôt que du centre : il avance que le Parti Populaire est devenu le martyr politique de cette instabilité et que lui ainsi Podemos ont tenté de préserver leurs positions tout au long des derniers mois. Dans tous les cas, aucun parti ne disposerait d’une majorité pour gouverner et il va falloir dans ce cas persister dans les négociations partidaires. On assisterait peut-être à un grand pacte entre les deux partis historiques, les PP et PSOE, étant donné qu’une coalition des partis de la gauche serait fragilisée par la majorité du Parti Populaire au sein du Sénat. Celle-ci pourrait bloquer chacune des lois approuvées au Congrès des Députés, mais cela semble impossible tant que Rajoy et Sánchez seront à la tête de leur parti respectif.
Quel avenir politique pour l’Espagne ?
La classe politique espagnole a désormais jusqu’au 3 mai prochain pour présenter une nouvelle proposition afin qu’un gouvernement soit formé, dans le cas contraire des élections générales auront lieu pour trouver un successeur à Mariano Rajoy. L’intransigeance à laquelle on a assisté jusqu’à aujourd’hui règne toujours dans le pays, et il paraît difficile que les négociations aboutissent à un accord. Ce mardi 26 avril, le roi Felipe VI a annoncé qu’aucun candidat ne disposait « d’appuis suffisants à la Chambre des députés » pour être investi Président du gouvernement. Selon la Constitution espagnole, ce constat entraîne la dissolution du Parlement et de nouvelles élections en juin.
Une chose est sûre : l’Espagne navigue vers une profonde crise politique à laquelle les dirigeants politiques semblent ne pas pouvoir remédier.
Joao Lobo