En Mer Noire, une nouvelle route migratoire semble s’ouvrir, mettant les autorités roumaines au défi de la gestion des flux de personnes déplacées se rendant en UE.
Chaque fermeture aux frontières de l’Union européenne implique nécessairement l’ouverture de nouvelles routes migratoires. On connaissait la route des Balkans, la mer Méditerranée, « théâtre de l’échec de l’Europe », selon les mots de Wolfgang Bauer, grand reporter allemand auteur du remarqué Crossing the sea with Syrians sorti l’an dernier, ou encore le détroit de Gibraltar. Depuis août 2017, les autorités roumaines ne cessent d’intercepter des embarcations de fortune en Mer Noire, avec à leur bord hommes, femmes et enfants fuyant les conflits du Moyen-Orient.
La Mer Noire : le nouvel essai des passeurs ?
Frontière maritime de la Bulgarie et de la Roumanie, la Mer Noire constitue une alternative à la Mer Méditerranée pour atteindre l’UE. En deux mois, les garde-côtes roumains ont intercepté une demi-douzaine d’embarcations de fortune, similaires à celles traversant la Méditerranée. Le nombre de personnes à bord va croissant : en août, une première embarcation transportant 69 personnes, dont 29 enfants, a été interceptée, puis une autre de 70 personnes dont 23 enfants. La tendance s’accélère depuis septembre, avec l’interception de quatre bateaux de pêche, où se trouvai(en)t (le sujet est ‘une centaine’ donc verbe au singulier ?) à chaque fois une centaine de personnes. Près d’un tiers étaient des enfants.
Cette augmentation soudaine d’arrivées en Roumanie laisse circuler l’idée que les passeurs tentent de nouvelles voies migratoires, toujours plus périlleuses, pour échapper aux opérations de Frontex.
La Roumanie face au phénomène migratoire
Alors que ses voisins butaient sur une réponse commune aux arrivées de personnes déplacées, la Roumanie n’avait jusqu’ici pas observé d’arrivées notables et soudaines de migrants sur son territoire.
Depuis début 2017, la plupart des pays européens recensent une diminution du nombre de demandes d’asile par rapport aux années précédentes. La Roumanie fait exception : 1995 demandes d’asile y ont été déposées depuis janvier 2017, bien plus que le total de demandes enregistrées en 2016, qui s’élevaient à 1295[5]. De même, les garde-frontières roumains déclarent avoir intercepté 2800 personnes sur les sept premiers mois de 2017, alors qu’elles n’étaient que 1600 sur toute l’année 2016.
Pays hors de l’espace Schengen, la Roumanie, dont le niveau de vie est très inférieur à la moyenne européenne, constituait davantage un point de passage vers d’autres pays européens qu’un lieu de refuge.
Toutefois, dans son récent discours sur l’état de l’Union, le Président Juncker a affirmé la nécessité d’ouvrir « des voies de migration légales », en intégrant la Roumanie et la Bulgarie dans l’espace Schengen de libre circulation, afin de « renforcer la protection [des] frontières extérieures ». Les arrivées de population déplacées, si elles se perpétuent, risqueraient de mettre en péril cet objectif.
Bientôt une opération Frontex en Mer Noire ?
Il peut sembler encore trop tôt pour conclure de ces nouvelles – mais fréquentes et croissantes – arrivées qu’elles ouvrent une autre route migratoire à laquelle à la fois passeurs et garde-frontières européens prêteraient attention. Toutefois, on peut deviner que l’augmentation des arrivées est susceptible de faire partie d’un effort plus large de la part des passeurs pour « tester » cette route, orientant alors les populations déplacées vers la Roumanie et non plus les îles grecques.
Bien qu’ayant revu sa position quant à l’accueil des demandeurs d’asile, la Roumanie avait d’abord refusé d’appliquer les quotas de réfugiés mis en place par Bruxelles fin 2015. Le pays se remet tout juste de l’instabilité politique qu’ont engendré les récentes manifestations contre le gouvernement, et la démission de celui-ci. Aussi les questions concernant la capacité de la Roumanie à réagir face à un afflux de personnes déplacées sur ses côtes restent-elles en suspens.