Alors que les Etats membres de l’union européenne doivent statuer le 9 novembre concernant la possible prolongation du glyphosate en Europe, les “Monsanto Papers” révèlent une campagne massive de désinformation.
Les experts du comité permanent sur les végétaux, les animaux, les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (PAFF) se sont réunis jeudi et vendredi 5 et 6 octobre, puis le 25 octobre, afin de débattre de l’autorisation de l’utilisation du glyphosate en Europe. Plusieurs fois reportée, la décision sur la prolongation ou non du glyphosate devrait être prise le 9 novembre par les Etats membres d l’Union européenne. Cet herbicide, qui rentre dans la composition du Roundup de Monsanto, est considéré comme dangereux par de nombreux scientifiques et défenseurs de l’environnement.
Le glyphosate : cancérigène ou non ?
Le CIRC (Centre international de recherche sur le Cancer, dépendant de l’Organisation mondiale de la santé) l’a déclaré “probablement cancérigène”. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), ainsi que l’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) ont estimé pour leur part que le glyphosate n’était pas du tout cancérigène. Mais les “Monsanto papers”, des documents que la firme a été obligée de fournir à la justice, révèlent une vaste campagne de désinformation, voire de corruption. Monsanto a fourni aux agences en sa faveur des rapports scientifiques produits au sein même de la firme, par des scientifiques de Monsanto.
Les dizaines de milliers de pages révèlent également que Monsanto a grassement payé des experts scientifiques reconnus pour qu’ils défendent le glyphosate. Les documents montrent que depuis 1983, la firme a recouru plusieurs fois au même processus : lorsqu’une équipe de scientifiques met à jour un risque de cancer, un expert indépendant est payé pour affirmer que les souris utilisées en laboratoires étaient déjà atteintes d’une infection cancéreuse non due au glyphosate.
Un vote décisif à venir
L’autorisation d’exploitation du glyphosate arrivait à expiration en 2016, mais incapable de se décider, la Commission européenne a reporté la fin de l’autorisation au 15 décembre 2017. Les 5 et 6 octobre, aucune décision définitive n’a été prise. Le 25 octobre, un vote aurait pu avoir lieu. Mais une fois encore, les experts ont décidé de reporter la prise de décision au 9 novembre. Ces multiples reports pourraient servir la Commission européenne, qui souhaite prolonger l’autorisation, et a profité du laps de temps qui lui était donné pour présenter un projet plus consensuel, de prolongation du glyphosate sur “cinq à sept ans”, plutôt que sur dix ans. Un projet qui pourrait obtenir l’adhésion de petits pays aux économies agricoles fragiles.
Le Parlement européen, pour sa part, est opposé à la firme multinationale. Monsanto a refusé d’assister à une audition, le 11 octobre, au cours de laquelle les députés souhaitaient interroger la compagnie sur les Monsanto Papers. Dans un courrier, Monsanto affirme “ne pas avoir le sentiment que la discussion telle que proposée est le forum approprié pour aborder de tels sujets”. Les chefs des groupes politiques du Parlement européen ont demandé à ce que les lobbyistes de firme soient interdits d’entrée au Parlement européen.
Quatre pays fondateurs de l’UE contre le glyphosate
Si les agriculteurs ont longuement manifesté, affirmant qu’une interdiction soudaine du Round Up aurait des effets immédiats et catastrophiques sur leur activité, le reste de la société civile s’est mobilisée contre Monsanto. En février 2017, une initiative citoyenne européenne a été lancée. Elle comptabilise actuellement plus de 1,3 millions de signatures, bien assez pour être examinée par la Commission européenne.
Si cette dernière semble apporter son soutien à Monsanto, plusieurs chef.fe.s d’Etats et de gouvernements européens ont d’ores et déjà déclaré vouloir en finir avec le glyphosate : la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche voteront contre le renouvellement. Récemment, la Belgique a aussi fait savoir qu’elle refuserait “des délais trop longs”. Cela sera suffisant pour bloquer la proposition de la Commission : il faudrait en effet que plus de 45% des États membres ou un groupe de quatre pays représentant au moins 35% de la population de l’Union votent contre cette proposition de reconduction pour constituer une minorité de blocage suffisante.
Mais cela ne représentera pas pour autant la fin du glyphosate souhaitée par les écologistes : de nombreux pays, au premier rang desquels la France, accepteront probablement une solution temporaire. Le glyphosate pourrait être prolongé pour une durée courte, et renouvelé tous les deux ou trois ans, tant qu’une solution alternative satisfaisant les agriculteurs n’aura pas été trouvée. Et avec l’arrêt des aides au maintien des agriculteurs bio en France, la valorisation de méthodes de culture alternatives ne semble pas au programme.