Le premier a remporté le Nord et le second a remporté le Sud. Matteo Salvini et Luigi Di Maio, chefs de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles, ont réussi à former un gouvernement de coalition composé de deux partis antisystèmes, une première en Italie et en Europe. Tous deux nommés ministres, les deux hommes devront cohabiter alors que leurs parcours se révèlent très différents.
C’est un tremblement de terre dont l’Europe n’a pas fini de ressentir les secousses. Le 4 mars dernier, Matteo Salvini, leader du parti d’extrême-droite la Ligue, et Luigi Di Maio, chef de l’inclassable Mouvement 5 étoiles (M5S), sont ressortis grands vainqueurs des élections législatives italiennes. Tandis que le M5S se hissait à la première place du scrutin, avec un score historique de 32,7%, la Ligue obtenait 17,4% des voix au sein de la coalition de droite.
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Matteo Salvini, au Nord rien de nouveau
Des deux hommes, le chef de l’extrême-droite est le plus connu des Italiens, mais Matteo Salvini n’a pas toujours voulu en être le représentant. Adhérent à la Ligue du Nord depuis 1990, ce Milanais de naissance se voulait le défenseur de la Padanie, région imaginaire regroupant les régions du Nord de l’Italie qui estiment payer indûment pour le Mezzogiorno, le Sud délaissé et très en retard économiquement. Outre la défense des intérêts du Nord, Matteo Salvini propose alors qu’il travaille à la mairie de Milan de mettre en place la ségrégation raciale dans le métro.
Par rejet de l’Italie, il soutient la France à l’Euro 2000 de football puis l’Allemagne lors de la Coupe du Monde en 2006. Placé à la tête d’une Ligue du Nord affaiblie en décembre 2013, Matteo Salvini s’affranchit de ses mentors et fait prendre un virage drastique à sa formation afin d’élargir sa base : l’ennemi ne sera plus Rome mais Bruxelles, l’indolent ne sera plus le sudiste mais le migrant.
Lui qui en 2009 festoyait en chantant « Sens comme ça pue/Même les chiens s’enfuient/Les Napolitains arrivent » parle désormais de développer les hôpitaux du Sud et de garantir la continuité territoriale dans toute la Péninsule. Mais si la Ligue du Nord est devenue la Ligue, le cœur de son message reste la lutte contre les « clandestins » : le tout récent ministre de l’Intérieur vient ainsi de promettre l’expulsion de 500 000 migrants lors d’un premier déplacement en Sicile.
Luigi Di Maio, la caution du M5S
Cette personnalité explosive contraste avec la fadeur de l’autre vainqueur des élections législatives, Luigi Di Maio. Originaire de la banlieue de Naples, rejeton d’un militant de l’ancien parti néofasciste Mouvement social italien, le jeune homme adhère au M5S dès sa création en 2009 et devient, après un échec aux municipales, député et vice-président de l’Assemblée en 2013. Salué pour son sérieux dans l’enceinte du Parlement, Luigi Di Maio incarne l’aile droite du M5S, plus mesurée.
Ses adversaires ont beau pointer son jeune âge, 31 ans, sa vie d’éternel étudiant en droit, jamais diplômé, et son usage imparfait du subjonctif, Luigi Di Maio s’est employé avec succès à faire oublier les frasques de son mentor et prédécesseur, l’humoriste Beppe Grillo. Il a notamment atténué ses critiques envers l’Europe, défendu le Sud de la péninsule et demandé la création d’un « revenu de citoyenneté », tout en réussissant à faire parler de lui, en qualifiant de « taxis des mers » les ONG secourant les migrants en Méditerranée.
Un gouvernement à leur main mais aux idées opposées
Après des semaines de tractations, le gouvernement proposé par la Ligue et le M5S a finalement été accepté par le Président Sergio Mattarella, propulsant Matteo Salvini ministre de l’Intérieur et Luigi Di Maio ministre du Développement économique. Pour le poste de Président du Conseil, les deux hommes se sont accordés sur le nom de Giuseppe Conte, un juriste de 53 ans sans aucune expérience politique, dont beaucoup craignent qu’il ne soit qu’un homme lige. De quoi étendre encore leur influence sur la politique italienne.
Mais si la lutte contre l’immigration et la revalorisation des retraites ont été érigées en priorités du gouvernement Conte, les mesures les plus coûteuses des deux partis ont été repoussées à l’an prochain, car elles illustrent leurs profondes divergences de vues en économie. Tandis que le Nord, acquis à la Ligue, refuse de payer pour le « revenu de citoyenneté », le Sud, bastion du M5S, redoute la « flat tax » promise par la Ligue, qui entraînerait une baisse des dotations de l’Etat. Entre la politique libérale de la Ligue et celle, redistributive, du M5S, les dissensions pourraient surgir très vite. Et transformer en opposants les alliés d’un instant.
Credit photo : Wikimedia Commons et Flickr Creative Commons, Romain Cloff