Comment Polisario, vestige de la guerre froide, tente de faire entendre sa voix

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Depuis 2015, les relations entre l’Union européenne et le Maroc sont dans l’impasse. Et les indépendantistes du Front Polisario, qui revendiquent le Sahara occidental, en sont responsables.

Depuis l’annexion du Sahara occidental, vaste territoire d’un demi-million d’habitants, en 1975 par le Maroc, les deux partis se livrent une bataille, au début diplomatique, puis armée. En 1991, l’ONU décide de lancer une opération permettant l’organisation d’un référendum d’autodétermination de ce territoire. Le Maroc propose au Sahara occidental une grande autonomie sous sa souveraineté, tandis que le mouvement indépendantiste Polisario est intraitable sur sa volonté d’indépendance. Et les différentes médiations de l’ONU ne sont pas efficaces.

Le Front Polisario fait annuler l’accord agricole Maroc/UE

C’est une grande première pour le front Polisario. Il y a presque un an, le 10 décembre dernier, l’organisation a réussi à faire annuler l’accord agricole signé en 2012 entre le Maroc et l’UE. En effet, la justice a tranché en faveur des indépendantistes estimant que cet accord, contesté par le territoire du Sahara occidental, violait le droit international ainsi que les engagements de l’Europe. Le texte portait essentiellement sur les produits agricoles entre le royaume du Maroc et l’Union européenne.

La décision de l’Union européenne est marquante dans cette bataille diplomatique que se livrent le Maroc et le front Polisario depuis des années, et la Cour a prévu de rendre sa décision finale dans deux mois environ. Dans un plaidoyer du 13 septembre dernier, l’avocat général de la Cour européenne de justice a annoncé que « le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc, et que partant, contrairement à ce qui a été constaté par le Tribunal dans sa décision du 10 décembre 2015, ni l’accord d’association UE-Maroc ni l’accord de libéralisation ne lui sont applicables ».

Mais les désaccords au sein de l’UE sont nombreux, et les opinions européennes, concernant l’indépendance du front Polisario, divergent. En effet, en janvier dernier, la Suède a annoncé ne pas vouloir reconnaître l’indépendance du Sahara occidental : elle a affirmé que « le Maroc est un pays influent dans le monde arabe et (souhaite) voir une reprise dans les relations économiques et les échanges commerciaux ». Mais les divergences se ressentent aussi au sein des institutions européennes : le 22 novembre dernier, à Bruxelles, une cinquantaine de députés européens, opposés à l’importation d’énergie renouvelable en provenance du Sahara occidental et à l’implication de l’UE dans la réalisation des projets marocains sur ce territoire occupé, ont demandé à la Commission européenne et au Secrétaire général de l’ONU de « faire respecter le principe de la souveraineté permanente des peuples sur leurs ressources naturelles quand elle sont sous occupation étrangère ».

Polisario veut porter plainte contre l’ex-roi d’Espagne, Juan Carlos

L’Espagne et le Front Polisario entretiennent d’étroites relations depuis de nombreuses années. En effet, le retrait de l’Espagne du Sahara espagnol, qui a été sous domination de l’Espagne de 1884 à 1945 a déclenché cette guerre opposant le Maroc et les indépendantistes. Et c’est lors des accords de Madrid, signés en 1975, que l’Espagne a convenu de céder ces terres au Maroc et à la Mauritanie.

Mais ces derniers temps, d’importantes tensions sont apparues entre le front Polisario et le gouvernement de Madrid. Alors qu’il y a deux mois, le roi Felipe VI avait présenté une plaidoirie devant l’Assemblée générale de l’ONU en faveur de « l’autodétermination du peuple du Sahara occidental en vertu des dispositions compatibles avec les buts et les principes de la charte des Nations Unies », Polisario prévoit maintenant de porter plainte contre Juan Carlos, l’ex-roi espagnol, devant le tribunal européen des droits de l’Homme. Le mouvement indépendantiste accuse Juan Carlos de « génocide sur la population sahraouie » et d’avoir « empêché d’accorder l’autodétermination » au Sahara occidental. Cette décision a été prise en représailles à l’annonce par la justice espagnole de la réouverture du dossier de poursuites contre l’actuel chef du front Polisario pour « génocide et crime contre l’humanité ». Actuellement, une équipe d’avocats européens serait chargée de présenter le dossier devant la juridiction.

Aujourd’hui, le conflit semble stagner. Même si les différents groupes européens se mobilisent de plus en plus pour le Polisario, la commission des Affaires étrangères du Parlement européen, a, pour l’instant, rejeté toutes les propositions faites.

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