Les tensions russo-européennes : une Europe unie dans l’atlantisme ?

Russie, Valdimir poutine, relations internationales

Difficile d’ignorer, pour qui ouvre un journal de temps à autres, les vicissitudes des relations russo-européennes. D’aucuns y voient une nouvelle guerre froide et, sans tomber dans une quelconque exagération, il est vrai que les tensions entre la Russie et l’UE sont tangibles. Mais la rupture est-elle née des épisodes récents ? En vérité, les relations russo-européennes ont toujours connu des hauts et des bas.

À Saint-Pétersbourg en juin dernier, Jean-Claude Juncker déclarait que « la prochaine étape [était] claire : l’application complète de l’accord, ni plus ni moins. C’est le seul moyen de commencer notre conversation et le seul moyen de lever les sanctions économiques imposées ». Cette fermeté du Président de la Commission européenne traduit les vives tensions entre l’UE et la Russie.

L’Ukraine comme berceau des tensions

Le 18 mars 2014, la Douma vote l’intégration de la Crimée, jusqu’alors ukrainienne, à la Russie. L’hostilité européenne vis-à-vis du Kremlin explose, puisque depuis Euromaïdan, l’Ukraine et l’UE semblaient se rapprocher. Les institutions européennes décident l’instauration progressive d’un régime de sanctions à l’encontre de Moscou. Au début, les États membres s’entendent sur la suspension des négociations relatives à l’adhésion de la Russie à l’OCDE. Outre cette mesure diplomatique, 146 personnes et 37 entités – suspectées d’atteintes à l’intégrité et à la souveraineté ukrainiennes – voient leurs avoirs gelés et sont interdits d’entrer sur le territoire de l’UE. Des mesures économiques sont aussi décidées, telles que l’interdiction des importations en provenance de Crimée et de Sébastopol ou un embargo sur les exportations et les importations d’armes avec la Russie.

Cet arsenal de sanctions est en place depuis 2014, et a récemment été prorogé au moins jusqu’en 2017. Ces sanctions sont pourtant jugées par certains aussi inefficaces que dommageables à l’économie européenne. La Russie a en effet décidé d’un embargo sur les denrées alimentaires européennes qui fait souffrir le marché agricole européen. Le commerce russo-européen a d’ailleurs accusé une diminution de plus de 160 milliards d’euros entre 2013 et 2015, dont près de 5 milliards pour le seul secteur agricole.

Des voix s’élèvent en Europe contre les sanctions, et surtout contre la prorogation automatique si les accords de Minsk ne sont pas respectés par la Russie. Décidés en février 2015, ils regroupent 13 points à respecter, dont un cessez-le-feu et la restauration des frontières de l’Ukraine. En juin 2016, le Sénat français a voté une résolution prônant une sortie de crise avec la Russie qui passerait par un abandon progressif des sanctions. Il en est de même en Autriche, où le Parlement a voté en juin 2016 une proposition de diminution, permettant un allègement des sanctions en cas d’amélioration. Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères français, a par ailleurs déclaré en octobre que « la priorité n’est pas de rentrer dans un cycle de sanctions pour les sanctions ». Pourtant, l’ambassadeur américain en Ukraine, Geoffroy R. Pryatt, au nom du respect des valeurs européennes de liberté et de paix, appelle les Européens à maintenir le régime de sanctions à l’égard de Moscou. Mais l’élection de Donald Trump est en passe de faire évoluer les choses, tant il a évoqué un nécessaire rapprochement avec Vladimir Poutine.

Russie et UE : des relations en dents de scie

La Communauté européenne, dès sa genèse en 1957, était perçue par l’URSS comme la simple projection européenne des États-Unis symbolisant l’impérialisme capitaliste. D’ailleurs, Moscou n’entretenait pas de lien avec les institutions européennes, mais avec les États membres. Les relations se sont améliorées avec l’arrivée de Boris Eltsine au pouvoir, en 1991, lui-même espérant la dissolution de l’OTAN, pour rassembler Europe occidentale et orientale. Mais la lune de miel est de courte durée, et l’essor des nationalistes russes refroidit les envies européennes de se rapprocher de la Russie.

Un axe Paris-Berlin-Moscou est espéré lors de l’intervention américaine en Irak, mais c’est un vœu pieux. En effet, l’intégration des PECO dans l’UE a ignoré les intérêts russes, et provoqué un refroidissement des relations. Finalement, le pays avec lequel Moscou tente de s’immiscer en Europe, c’est la France. Mais pas n’importe laquelle, celle des conservateurs antiaméricains et opposés au Mariage Pour Tous, qui voient en Poutine l’homme providentiel. Ainsi les Le Pen, Fillon et de Villiers ne cessent de prôner le nécessaire rapprochement avec le Kremlin, pour libérer l’Europe d’une tutelle américaine qui l’oppresserait. Aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent pour dire que la Russie n’est pas notre ennemie. Au contraire, une alliance stratégique pourrait être nécessaire, suivant le fameux adage “l’union fait la force”.

Quentin Cornic

Étudiant en deuxième année de Master d'Études européennes, je m'intéresse notamment aux questions diplomatiques et économiques.

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