Le 06 octobre dernier, New Delhi accueillait l’Union européenne, marquant ainsi 55 ans de relations diplomatiques. Ce 14ème sommet était l’occasion pour l’Inde comme pour l’UE de redéfinir les objectifs communs et de réaffirmer leur volonté d’avancer ensemble.
Lors de la rencontre UE-Inde, ce sont donc les représentants européens, et notamment Jean-Claude Juncker, président de la Commission, Donald Tusk, président du Conseil et Federica Mogherini, Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères qui se sont entretenus avec le Premier ministre indien, Narendra Modi. Ensemble, ils ont abordé les enjeux d’une coopération entre deux entités représentant 1,8 milliard d’habitants.
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L’Inde, une amie de longue date
Mais l’idée n’est pas nouvelle et les tentatives ont été nombreuses jusqu’à maintenant. En 2007 déjà, la Commission européenne prévoyait la mise en place d’un accord de libre-échange, proposition reprise en 2008 et qui n’a toujours pas aboutit. Les relations entre l’Inde et l’Union européenne ne datent pas d’hier et se sont établies depuis le XXe siècle. Vieilles, oui, mais en évolution constante. Ce qui ne reposait alors que sur des rapports fondés sur le commerce et le développement s’est transformé, à travers les accords de coopération de 1994, en une coopération à tous les niveaux.
En témoigne notamment le sommet du 10 février 2012, et la discussion entre l’Inde et l’Union européenne sur un renforcement de cette coopération bilatérale dans les domaines de la sécurité, du commerce, de l’énergie, de la recherche et de l’innovation. Les enjeux d’une telle coopération sont évidents pour les deux partis. L’Union européenne s’affirme comme le principal partenaire commercial de l’Inde puisqu’elle représente 20% du total de ses échanges. Mais l’Europe bénéficie également de ces accords, le nouveau pays industrialisé demeurant son 8ème partenaire commercial.
L’enjeu du libre-échange
Lors de ce 14ème sommet, les objectifs étaient clairs : accroître cette collaboration, que Jean-Claude Juncker a défini lui-même comme « naturelle ». Ainsi, après pas moins de 16 pourparlers, c’est une nouvelle fois l’accord de libre-échange qui était au cœur du sujet. Dans cette logique, on a vu en juillet dernier le lancement d’un mécanisme de facilitation des investissements afin de favoriser les investissements de l’Union européenne en Inde et permettre le soutien des entreprises européennes qui souhaitent s’engager dans le pays. Alors que la République de l’Inde figure comme principale destination pour la délocalisation de développement de logiciels et de services informatiques, un accord de libre-échange risquerait d’accroître le phénomène du transfert des activités, des capitaux et des employés par les entreprises européennes.
Pour certains, comme l’affirme Frédéric Thomas, ces ALE (accords de libre-échange) « approfondissent les asymétries et figent les rapports économiques » entretenant un certain rapport de dépendance, les pays en voie de développement comme l’Inde étant ainsi cantonnés au rôle de « pourvoyeur de main d’œuvre », empêchant alors la diversification économique de ces pays. Ces accords de libre-échange ne tiendraient donc pas leur promesse d’un rapport gagnant-gagnant même si quelques rares réussites motivent la poursuite sur cette voie. Malgré les réticences, l’Inde semble y voir des avantages puisque Narendra Modi se rendait lui-même à Berlin, le 29 mai dernier, dans l’espoir de développer les investissements allemands dans son pays. L’Union européenne s’établit en fait comme le plus important investisseur étranger du pays, et les échanges bilatéraux représentaient en 2016 quelques 100 milliards d’euros.
Pour d’autres, en effet, la libéralisation des échanges reste au contraire bénéfique. Ces ALE permettent de garantir un accès effectif aux pays partenaires, en l’occurrence l’Inde, marqué par la nécessité d’assurer la compétitivité des entreprises et des débouchés pour la production. Ces accords apparaissent comme primordiaux pour la croissance et l’emploi de l’Union européenne. Mais les avantages ne se situeraient pas seulement du côté de l’Europe. Une étude affirme en effet qu’un accord de libre-échange avec l’Union européenne pourrait permettre d’accroître le PIB indien de 1,3% par an.
Les discussions durent pourtant depuis des années et aucune date officielle de reprise des négociations n’a été annoncée, d’autant plus que des divergences entre les deux partis freinent le processus. Par exemple, Bruxelles s’est montrée réticente aux propositions indiennes pour réduire les droits de douane alors que l’Inde refuse les propositions de l’Union européenne en matière d’accès de ses professionnels au marché européen.
Le poids du Brexit
Par un passé étroitement lié avec l’Inde et les relations spéciales que les deux pays ont entretenu, le Royaume-Uni a observé ce sommet de près et a vu à travers lui la déclaration d’une guerre commerciale avec l’Union européenne. L’Inde demeure aujourd’hui encore un partenaire stratégique pour le pays, soucieux de contrebalancer sa sortie de l’UE. C’est donc vers de nouveaux marchés que le Royaume-Uni doit se tourner. C’est plus particulièrement vers le Commonwealth qu’il s’oriente afin d’étendre ses partenariats avec les pays membres, en voulant signer de nouveaux accords commerciaux et douaniers. Dans cette idée, dès janvier 2017, la cheffe du gouvernement Theresa May évoquait des discussions avec l’Inde.
Coopérer davantage
Le partenariat qui lie l’Union européenne avec le sous-continent relève d’autres domaines que les questions économiques. En effet, les deux partis se sont accordés sur l’idée d’un développement responsable avec une responsabilité partagée. Le sommet du 6 octobre dernier a permis de confirmer les engagements de chacun pris dans le cadre des accords de Paris. Cette coopération se veut être de plus en plus étroite notamment en terme d’action pour le climat, mais aussi sur les questions de refroidissement écologique, de stockage d’énergie et d’énergie renouvelable.
La collaboration indo-européenne s’étend également au développement urbain ; le vice-président de la Banque européenne d’investissement, Andrew McDowell, a confirmé un prêt de 500 millions d’euros afin de financer la création d’une nouvelle ligne de métro à Bangalore. Enfin, parmi les sujets évoqués lors du sommet, l’Inde et l’Union européenne se sont accordées sur un partenariat en matière de paix et de sécurité, avec l’adoption d’une déclaration conjointe de lutte contre le terrorisme, mais aussi la piraterie et le cyber-terrorisme.
L’Inde comme l’Union européenne n’en sont pas à leur première tentative de coopérer avec l’international. De son côté, l’Inde a par exemple multiplié les accords régionaux, avec le Sri Lanka et Singapour, et internationaux, avec la Chili et l’Afrique australe, entre autres. Cette collaboration Inde-UE confirme un volonté commune d’atteindre une libéralisation du commerce international, mais qui tendrait à s’étendre vers plusieurs autres secteurs.
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