Migrants climatiques : l’inefficacité de l’Union européenne

Feu de forêt

Les catastrophes environnementales se décuplent et les discours des scientifiques se font de plus en plus alarmistes. Pourtant, la question des migrants environnementaux est souvent éludée, alors qu’elle est l’un des enjeux majeurs du XXIème siècle. Les migrants environnementaux ne constituent pas un phénomène nouveau, mais leur nombre ne cesse d’augmenter avec le réchauffement climatique. On estime entre 150 millions et 1 milliard de personnes seraient susceptibles de se déplacer d’ici 2050. Ce chiffre est d’autant plus spectaculaire que ces individus ne sont pas reconnus par le droit et ne bénéficient d’aucune protection spécifique. Comment expliquer l’inefficacité de l’Europe à prendre en compte dans son droit les migrations environnementales ? Pourquoi les initiatives restent-elles sans suite ?

 

« Migrants » ou « réfugiés » environnementaux ?

La question de la terminologie est centrale, c’est cela qui attribue ou non un statut et une reconnaissance à un groupe d’individus. Le terme de « migrant » est privilégié car celui de « réfugié » renvoie à une persécution intentionnelle qui ne peut s’appliquer en cas de catastrophes environnementales tels que les tsunamis, ouragans, sécheresses… Le Larousse définit « migrant » comme un individu « qui se déplace vers un autre lieu ». Même s’il possède de nombreux défauts (idée de migration volontaire, réduction de la responsabilité de la communauté internationale…), les migrants ont des droits reconnus par l’ONU et par l’Europe. A cet égard, on retiendra pour cet article le terme de migrants environnementaux.

 

La migration interne comme réponse aux changements climatiques

Le Vieux Continent est peu évoqué lorsque l’on aborde le thème des catastrophes environnementales et les risques sont méconnus mais pourtant potentiellement ravageurs. L’organisation Climate Central estime qu’un néerlandais sur deux sera contraint de migrer en raison de la montée des eaux, les habitants de Venise et de Londres sont également menacés par cette importante crue. Les pays du Sud tels que l’Italie et l’Espagne connaissent déjà, depuis quelques années, des sécheresses intenses et des stress hydriques qui obligent les individus à effectuer des déplacements internes. François Gemenne, spécialiste des migrations environnementales, montre que les inondations en Europe centrale, notamment en Hongrie et en Roumanie, ont déjà causé des déplacements de population. Quant à la France, la tempête Xynthia en 2010 a, elle, engendré des migrations en Vendée et en Charente-Maritime. Malgré la récurrence des ces catastrophes depuis une quinzaine d’années, il est encore compliqué de définir le nombre exact de déplacements liés aux aléas environnementaux.

Des initiatives européennes restées sans suite

Depuis le début des années 2000 le problème des migrations environnementales est souvent soulevé mais les propositions faites ne sont jamais suivies d’actes juridiques concrets. En 2008, la Commission européenne et le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) présentent les migrations environnementales comme dangereuse pour la sécurité internationale et invitent les pays à prendre cette menace au sérieux. Également en 2008, une euro-députée suédoise propose un texte de loi plaidant pour la création d’un « Conseil de l’Europe pour la reconnaissance d’un statut et l’octroi de droits aux migrants environnementaux ». Des projets alors restés sans suite.

Face à l’urgence climatique et à la nécessité d’agir, la Suisse et la Norvège lancent l’initiative Nansen en 2012. Ce processus intergouvernemental a pour but de dégager un consensus entre États intéressés sur la meilleure manière de répondre aux effets migratoires des « catastrophes naturelles lentes et soudaines ». Les discussions prennent fin en 2015 et n’ont permis aucune prise de décision effective au sein de l’Europe mais inscrivent indéniablement les migrations environnementales sur l’agenda politique européen.

Ces quelques initiatives régionales sont à relever mais n’ayant qu’une valeur déclarative, elles ne permettent pas d’actions immédiates et efficaces. Cette inaction peut s’expliquer par deux faits majeurs. D’abord, depuis la crise migratoire de 2015, le sujet de la migration est trop sensible en Europe pour pouvoir agir efficacement. D’autre part, les prévisions semblent montrer que la majorité des migrations environnementales se feront au niveau interne c’est-à-dire sans traverser de frontière. Une donnée qui complique la mise en place de dispositifs concrets. C’est pourquoi il parait fondamental de favoriser la coopération européenne à ce sujet. Par ailleurs, légiférer sur les migrations environnementales peut également être un moyen d’apporter de nouvelles pistes de réflexion concernant l’afflux de migrants en Europe.

Pour aller plus loin

Legoux, Luc. « Les migrants climatiques et l’accueil des réfugiés en France et en Europe », Revue Tiers Monde, vol. 204, no. 4, 2010, pp. 55-67.
Gemenne, François. « Migrations et climat. Quel enjeu pour l’Europe ? », Grande Europe n° 19, avril 2010 – La Documentation française © DILA

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