Écosse, vers un avenir européen ?
« La place de l’Écosse en tant qu’État indépendant est dans l’Union Européenne » a déclaré la Première Ministre écossaise Nicola Sturgeon en visite le 10 février à Bruxelles.
Dans son discours prononcé à l’European Policy Centre, Madame Sturgeon avance un argument de poids, “Le Royaume-Uni n’est pas un État unitaire. C’est une union volontaire de nations. Et l’une de ces nations, l’Écosse, renouvelle son souhait de rester dans l’Union européenne”.
Mais si l’Écosse veut rester dans l’Union européenne, alors la première étape sera d’organiser un nouveau référendum afin que le peuple écossais décide si le pays restera ou non au sein du Royaume-Uni. Seulement ensuite, l’Écosse pourra engager des négociations d’adhésion à l’Union européenne.
Cependant, ce référendum doit être organisé de façon légal et légitime. L’enjeu est de taille puisque la légalité du vote lui donnerait la légitimité nécessaire pour être reçu favorablement à échelon national et international. Mais alors, comment organisé un tel référendum lorsque l’on sait que le Premier Ministre britannique Boris Johnson s’y est déjà montré défavorable début 2020.
Une stratégie de sortie du Royaume-Uni qui s’affine ?
C’était symbolique, la première ministre d’Écosse et cheffe du parti national écossais (SNP), a choisi la capitale européenne, Bruxelles, pour son premier déplacement à l’étranger depuis le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne.
L’un des tours de force que madame Sturgeon devra réussir sera d’entretenir des relations suffisamment apaisées avec Londres afin d’éviter l’affrontement politique. Mais aussi, cette dernière devra faire preuve d’une certaine fermeté avec Londres dans son intention d’organiser un référendum. Le tout en envoyant des signaux positifs à l’Union européenne quant au bon déroulement de ces négociations de retrait en vue d’une adhésion pour doter à nouveau l’UE de 28 états membres. Il serait audacieux d’avancer quelconque échéance à ces réalisations. Mais dans cette optique stratégique, Nicola Sturgeon affirme à Bruxelles qu’elle compte travailler avec Londres sur tous les dossiers dans le cadre des accords à négocier avec l’UE. Par exemple, en matière de relation commerciale avec l’UE, elle veut maintenir les plus hauts standards. “Cela aidera à protéger nos standards environnementaux et les conditions de travail, de plus cela facilitera les exportations écossaises vers l’Union européenne“, insiste-t-elle dans son discours.
Mais en plus de jouer l’apaisement politique, le SNP adopte une conduite raisonnablement ferme, un beau cas d’école de la pratique de la négociation diplomatique. Le SNP semble vouloir dialoguer jusqu’à trouver un terrain d’entente, sans imposer sa volonté par la force mais sans exclure non plus une certaine forme de pression sur Londres. Ainsi, le Parti national écossais envisage des recours en justice contre le blocage britannique pour la tenue d’un référendum d’indépendance. « Boris Johnson devrait savoir que nous avons des options et que nous n’avons pas peur d’aller de l’avant » déclarait la députée SNP Joanna Cherry sur Twitter le 9 février.
Au sein du parti, il semblerait que l’on envisage d’organiser la tenue d’un référendum consultatif non contraignant. Il n’aurait pas de valeur juridique dans un premier temps. Il serait sans conséquence immédiate mais comporterait une valeur morale, symbolique ou politique qui forcerait la main de la justice britannique à statuer sur la légalité du vote.
Une sortie incertaine, une adhésion à l’UE qui semble encore lointaine
Il semble exister un premier bémol à la stratégie de négociation des autorités écossaises. En effet, Édimbourg souhaite négocier des accords entre Royaume-Uni et Union européenne qui iraient dans le sens d’une relation privilégiée. En revanche Londres semble favoriser une harmonisation a minima avec la législation européenne.
Étant donné les divergences de positions entre les capitales anglaise et écossaise à la veille des négociations, des relations apaisées semblent lointaines. Un revirement de monsieur Johnson quant à la tenue d’un référendum sur la question de l’indépendance écossaise et de la légalité de ce vote semble ainsi tout aussi lointain.
De plus, il est loin d’être évident de dégager des tendances d’opinion claire quant à l’issue probable d’un référendum d’indépendance en Écosse. Pour preuve, lors d’un premier vote sur l’indépendance écossaise s’étant tenu en 2014, 55 % des écossais avaient voté pour rester au sein du Royaume-Uni. En revanche, 62 % des Écossais avaient voté contre le Brexit en juin 2016. Difficile d’affirmer si les écossais envisageaient leur futur au sein des deux ensembles britannique et européen. La question est peut-être encore plus épineuse aujourd’hui.
Selon le Guardian, environ 45 % d’écossais se prononceraient en faveur d’une sortie de l’Écosse du Royaume-Uni tandis que le pourcentage de votes pour rester au sein du Royaume-Uni est le même. Ainsi, la bataille que le SNP et les unionistes (contre l’indépendance) se livreront pourrait bien être éminemment politicienne afin de convaincre les 10 pourcents d’écossais indécis d’opérer à un choix cornélien.
Reste à observer si l’affect, l’émotion ou la raison triomphera des débats au royaume d’Écosse.
Les Relations UE – Balkans occidentaux et la révision de procédure d’adhésion à l’UE
La Commission européenne a présenté ce mercredi 12 février des propositions afin de rendre les négociations d’adhésion de l’Albanie et la Macédoine du Nord à l’UE plus crédibles.
Pourquoi une révision de la procédure ?
D’abord parce que la Président de la République française Emmanuel Macron avait bloqué l’an dernier le lancement des discussions avec l’Albanie et la Macédoine du Nord en vue d’initier leur processus d’adhésion à l’Union européenne. Il avait indiqué en novembre 2019 être en faveur d’une refonte du système d’adhésion avant de procéder à d’autres élargissements européens.
Dans revue de presse d’octobre 2019, Eurosorbonne avait souligné que monsieur Macron souhaitait remettre du politique dans un processus d’élargissement qu’il jugeait trop technocratique.
Cependant il s’agissait alors de négocier au niveau européen pour que les acteurs qui poussent en faveur du processus d’élargissement, (Allemagne, les pays d’Europe centrale, Commission) et la France puissent parvenir à un accord satisfaisant pour toutes les parties. Les pays candidats des Balkans devant dans le même temps garder suffisamment confiance pour poursuivre leur entreprise.
Ce qui va changer
Jusqu’à présent, la Commission formulait des recommandations sur les chapitres de l’adhésion. Le Conseil de l’Union européenne décidant ensuite à l’unanimité d’ouvrir les négociations.
La procédure actuelle prévoit l’ouverture et la conclusion de 35 chapitres avant qu’un candidat intègre effectivement l’Union. La Commission souhaite mettre l’accent sur l’État de droit et le fonctionnement des institutions démocratiques. Une marche arrière dans les négociations est aussi envisageable si les réformes dans un pays ne progressent pas, une nouveauté. Un nouveau rapprochement vers Emmanuel Macron qui imaginait une procédure évoluant par validation d’étape.
Ce n’est pas tant le nombre de chapitres de la procédure ou les critères à remplir afin qu’un candidat intègre l’UE (dignité humaine, liberté, démocratie, État de droit, droits de l’homme…) qui changent mais bien la manière dont l’UE s’assure que l’acquis communautaire (soit l’ensemble des critères d’adhésion) soit bien respecté par le candidat. Cela renforce l’assurance pour l’Union qu’elle est en mesure d’accueillir un nouveau membre et pourrait garantir au candidat une viabilité d’intégration accrue via un système progressif.
Réceptions positives du projet de réforme de la Commission
Le Commissaire hongrois en charge de la politique d’élargissement, Olivér Várhelyi, indique qu’”Il est important de relancer l’ensemble du processus. J’aimerais convaincre tout le monde que cette procédure est positive et que l’Europe en a besoin“.
Du côté des pays candidats, la Macédoine du Nord s’est d’ores et déjà montrée en faveur de cette réforme du processus. Selon le ministre des Affaires étrangères macédonien, cette procédure apportera une dimension plus politique au processus d’adhésion dans la mesure où elle encourage les candidats à entreprendre des réformes pour parvenir à respecter et intégrer l’acquis communautaire. Dans ces nouvelles conditions qui devraient satisfaire les positions françaises, la Commission confirme sa volonté pour l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie.
Plus que de réelles avancées techniques concrètes, cette révision de la procédure d’adhésion semble être le fruit d’un consensus politique assez large. Un fait suffisamment rare ces derniers temps (sortie du Royaume-Uni, négociation du budget 2021-2027) pour être souligné.
Budget européen et Green Deal, il va falloir discuter, et beaucoup…
Le financement des politiques de l’UE se négocie dans le cadre du budget pluriannuel. Il s’agit notamment de définir son montant et les axes de financement prioritaires. Actuellement la politique agricole commune (PAC), la politique de cohésion et les politiques des nouvelles priorités de transition écologique, dépendantes les unes des autres, cristallisent les tensions entre les 27. Rappelons pourtant que l’UE souhaite devenir la première région du monde à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 grâce à son « Green Deal ».
Ursula Von der Leyen : « Si nous ne mettons pas de côté les fonds nécessaires pour soutenir les régions et les travailleurs les plus exposés aux conséquences économiques du changement climatique, nous allons tout bonnement échouer et l’Europe ne deviendra pas climatiquement neutre ».
L’un des points clés des négociations pour le budget pluriannuel 2021-2027 pourrait bien concerné les montants alloués à la politique de cohésion.
Cette politique vise à réduire les disparités socio-économiques existantes dans l’UE. Elle vise particulièrement les zones moins favorisées. Et si l’UE souhaite réaliser ses ambitions climatiques, c’est bien l’ensemble des états membres et surtout les pays qui bénéficient le plus de la politique de cohésion et dont souvent les économies sont les moins neutres climatiquement parlant qui doivent être accompagnés et concerné.
Nous l’avions décrit dans les actualités européennes de la première semaine de novembre, dans les négociations du budget européen 2021-27, il y a opposition entre :
-les États qui contribuent plus du budget européen et notamment la politique de cohésion (Allemagne, France, Italie, Autriche, Suède, Danemark), qu’ils n’en bénéficient : réticents à augmenter l’enveloppe du budget européen ;
– ceux qui sont des bénéficiaires nets du budget et de la politique de cohésion : ils bénéficient plus que ce qu’ils donnent (Pologne, la Grèce, la Hongrie ou la Roumanie). On notera que ce groupe s’étoffe puisqu’il était surtout composé du groupe de Visegrad et que 17 pays plaident maintenant pour une augmentation globale du budget (dont la cohésion des territoires).
Et les États membres campent sur leurs positions sur les deux sujets primordiaux du budget : son montant global, et les priorités qui devront être financées. Le montant à octroyer à la transition énergétique, la politique agricole commune et la cohésion des territoires cristallisant le plus les tensions.
Ursula von der Leyen souhaite un accord « dans un avenir proche » et signale aux 27 qu’il faut « être prêts à trouver un terrain d’entente ».
Cependant selon Toute l’Europe, les 27 devront s’accorder sur de très nombreux points de divergences : le montant de la contribution des États membres au budget global, la création de nouvelles ressources propres des états pour diminuer la charge qui pèsent sur eux, l’identification des politiques prioritaires, la création de nouvelles conditions d’attribution des fonds européens de cohésion.
Reste à observer si ces recommandations resteront ou non lettres mortes lors du Conseil européen du 20 février où les chefs d’États et de gouvernements de l’UE travailleront à apaiser leurs divergences.