Que s’est-il passé cette semaine ? (21/02 – 27/02)

En Ukraine, la guerre est déclarée…

Lundi, Vladimir Poutine reconnaissait de jure une situation en vigueur de facto depuis 2014 ; c’est-à-dire que les territoires du Donbass échappent au contrôle de Kiev. Mercredi, cette reconnaissance de la souveraineté des républiques populaires de Donetsk et Lougansk s’est révélée être la première étape pour annoncer une assistance militaire russe au Donbass. Les dirigeants et les médias occidentaux se questionnent sur une éventuelle “invasion limitée”, ou un “conflit gelé” comme en Géorgie. Jeudi, le monde entier se réveille sous le choc des bombardements russes dans toute l’Ukraine. Poutine prétend venir en aide aux populations du Donbass, victimes du régime de Kiev. L’intervention totale qu’il a déclenchée vise à “démilitariser” l’Ukraine, à la “dénazifier”. Le ton du président russe est martial, belliqueux ; il promet une “riposte immédiate et d’une ampleur jamais vue” à ceux qui se trouveraient sur sa route. Le régime ukrainien du président Zelensky est particulièrement menacé. Vendredi, l’armée russe est aux portes de Kiev. La situation évolue de jour en jour sinon d’heure en heure.

Les Occidentaux s’alarment d’une guerre en Europe. Boris Johnson qualifie Poutine de “dictateur”. Macron promet “une réponse sans faiblesse” et Biden dépoussière le costume de leader du monde libre. Le président Ukrainien Zelensky organise la résistance et essaie de former une “coalition anti-Poutine” avec les Européens et les Américains.

Côté économique, la bourse de Moscou s’effondre et l’inflation du rouble est déjà galopante. Pour une entreprise française comme Renault qui vend presque autant de voitures en Russie qu’en France c’est un désastre (-10% à la bourse de Paris : -11% pour la société générale – chiffres du 24février). Poutine mise sur la résilience des Russes qui seraient prêts à accepter de se serrer la ceinture pour le prestige extérieur de leur patrie. C’est le retour de la “puissance pauvre” (expression de G. Sokoloff).

 L’ordre mondial est à jamais bouleversé par Poutine. En Russie il existe un dicton qui dit “Celui qui ne regrette pas l’URSS n’a pas de cœur, celui qui souhaite son retour n’a pas de cerveau”.

 

Allongement du délai d’avortement en France

Mercredi 23 février, l’Assemblée nationale a adopté par 135 voix pour, 47 contre et 9 abstentions une loi sur le prolongement de la durée légale de l’IVG. Désormais les femmes peuvent recourir à l’Interruption volontaire de grossesse jusqu’à 14 semaines après être tombées enceinte au lieu de 12 semaines auparavant. 

La proposition permet aussi aux sages femmes de pratiquer l’IVG par voie instrumentale et non plus seulement par voie médicamenteuse. Cette nouvelle compétence reconnue aux sages femmes a pour but de faciliter l’accès à l’IVG. Le texte de loi permet aussi la création d’un répertoire de praticiens, avec cette même intention de faciliter l’accès à l’IVG. En effet, les praticiens sont de plus en plus rares et le recours à l’IVG peut rapidement devenir un parcours du combattant pour des dizaines (plutôt centaines) de milliers de femmes chaque année en France. Initialement, la proposition de loi comprenait la suppression de la “clause de conscience” qui permet aux médecins de refuser de pratiquer l’IVG – au final pour être votée à l’assemblée, la loi s’est allégée de l’article proposant de supprimer cette clause. Rappelons enfin que l’opposition à l’IVG reste un vieux débat et qu’une manifestation “pour la vie” a eu lieu le 16 janvier dernier.

Jacqueline Heinen, sociologue spécialisée dans le droit des femmes, résume bien les enjeux de cette loi : « Ce nouveau texte de loi va dans le bon sens. Car si la France reste un pays progressiste quant au droit à l’avortement, les conditions ne sont pas toujours réunies pour que les femmes qui veulent y recourir puissent le faire à temps. Entre le manque de praticiens et la fermeture progressive de centres d’IVG, le délai de douze semaines s’avère parfois trop court. Et bien des femmes sont contraintes de se rendre à l’étranger pour subir cette intervention. » 

Politiquement, la proposition de loi de la député d’opposition Albane Gaillot a obtenu le soutien de la majorité LREM qui a voté ce texte au nez et à la barbe d’un Emmanuel Macron réticent et d’une large partie de la droite. Cette indépendance du groupe LREM à l’Assemblée est assez rare.  Valérie Pécresse, candidate Les Républicains à l’élection présidentielle, a déploré “ une fuite en avant qui détourne le regard du vrai problème : l’accès aux centres d’IVG, l’absence de gynécologues et de sages-femme”.

 

Relance du débat lié au secret bancaire : la Suisse en mauvaise posture ? 

Un nouveau scandale fiscal vient d’éclater en Suisse, appelé “Suisse Secrets”, alors que cette dernière essuie déjà de nombreuses affaires frauduleuses au sujet de la fiscalité. 

La banque Crédit Suisse a été impliquée dans de nombreuses histoires de corruption en Russie, en Chine, et est également liée à des affaires de blanchiment d’argent avec la banque du Vatican. Elle a également favorisé selon Washington des transactions avec l’Iran ou le Soudan. 

Également, mi-février, elle a été poursuivie pénalement sur le territoire national en raison d’une affaire de blanchiment d’argent une nouvelle fois, mais cette fois-ci de drogue liée à un trafiquant bulgare. Mais le Crédit Suisse a toujours cherché à se justifier en affirmant que cela relevait du passé, que des leçons avaient été tirées, en bref, qu’il ne recommencerait pas. 

Toutefois, cet argument ne satisfait guère les spécialistes au sujet des questions fiscales et du secret bancaire. En effet, la plupart des comptes ayant été ouverts après 2010, on peut difficilement valider la thèse des histoires anciennes. D’autre part, l’expérience démontre que les banques qui essaient de mettre des scandales sur le compte d’erreurs du passé sont aussi celles qui font le moins d’efforts pour changer, et sont souvent celles qui sont rattrapées par des affaires à répétition, comme le prouve cette nouvelle affaire de “Suisse Secrets”.

Toutefois, cette appellation dénonce également l’ensemble du discours officiellement tenu par les autorités suisses ces dernières années qui affirme que c’est la  fin du secret bancaire suisse.  “À partir de 2017, la Suisse a commencé à signer des accords de partage automatique d’informations bancaires qui étaient des réels coups portés au principe du secret bancaire”, rappelle Christophe Farquet. Ces présumées “avancées” ont conduit la Suisse à être rayée des listes noires et grises des “juridictions fiscales non coopératives” de l’OCDE et de l’Europe en 2019. Les révélations de la Süddeutsche Zeitung interrogent sur la certitude que l’on peut avoir au sujet des efforts helvètes pour sortir des scandales autour des paradis fiscaux. 

La Suisse pourrait être à nouveau blacklistée en raison de ces nouvelles affaires qui ont éclaté. Le Parti populaire européen, principale formation politique au Parlement européen, a affirmé que ces révélations du “Suisse Secrets” pourraient conduire la Suisse à être sur la liste noire européenne des paradis fiscaux

 

Guerre en Ukraine : quelles conséquences économiques possibles ? 

Ce 24 février, Vladimir Poutine a annoncé qu’il déclarait la guerre à l’Ukraine, ainsi des sanctions économiques ont été infligées à la Russie. Cependant, ces sanctions économiques auront aussi des conséquences sur la vie des Européens. Pour limiter les dégâts collatéraux sur son économie, l’Europe a d’ailleurs évité, pour le moment, des sanctions sur les hydrocarbures russes, car ces dernières peuvent avoir des conséquences sans précédent sur le pouvoir d’achat notamment. Toutefois, des sanctions ont quand même été mises en place, même si elles sont parfois jugées minimes. 

Pour autant, l’impact macroéconomique de la guerre en Ukraine sera sûrement considérable. En effet, les prix du pétrole, de l’électricité et du gaz ne cessent d’augmenter. Gilles Moëc, chef économiste d’Axa, déclare d’ailleurs que l’inflation devrait augmenter d’un point supplémentaire. Cependant, cette inflation est une mauvaise inflation au sens de l’économiste Artus, car elle réduit drastiquement le pouvoir d’achat des ménages. D’après la banque UBS, un tel phénomène pourrait réduire la croissance mondiale d’un demi-point s’il dure pendant plus de deux trimestres. Toutefois, le cabinet Oxford Economics pencherait plus vers une diminution de 0,2 point de croissance mondiale en moins, mais environ 0,5 point en moins pour la zone euro, qui est plus exposée.

Les Etats-Unis l’avouent : ils ne sont pas en capacité de sanctionner les Russes au niveau des hydrocarbures, car cela aurait des conséquences terribles. En effet, Vladimir Poutine, dans ce cas, pourrait en vendre mais la moitié et ce, pour deux fois le prix. D’après les Etats-Unis, le président russe ne subirait toutefois pas les conséquences directement, ce qui serait donc inutile et dangereux pour l’économie américaine et européenne. D’ailleurs, les Occidentaux n’ont toujours pas osé retirer la Russie du système Swift.

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