Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (du 1er au 7 janvier)

Articles par Clarent Gerard et Lila Salmi.

Attaques pirates en mer Rouge : le commerce maritime international perturbé

En décembre 2023, les Houthis, membres d’une organisation politique et religieuse armée fondée par Hussein Badreddine al-Houthi et ses frères, lancent des attaques au drone et roquettes sur des navires commerciaux internationaux en mer Rouge. L’organisation, qui voit le jour en tant que groupe armé depuis 2004, est principalement active au Yémen, mais aussi en Arabie Saoudite et en Israël. En conflit avec le Yémen, ils occupent aujourd’hui une partie du pays.

Dans le contexte du conflit israélo-palestinien et plus particulièrement à la suite des bombardements à Gaza, les Houthis revendiquent ces actes de piraterie en réponse aux actions israéliennes, et en soutien au Hamas. Ce mois dernier, des dizaines de bateaux commerciaux – notamment européens – considérés comme sympathisant d’Israël sont donc concernés. Tout bateau venant d’Israël ou s’y dirigeant est ainsi confronté à ces actes de piraterie maritime.

12% du commerce mondial, dont de grandes quantités de pétrole et de gaz, est en transit sur la mer Rouge, ce qui mène à un risque inévitable de perturbation du marché commercial international. Le détroit de Bab-el-Mandeb, situé entre l’Erythrée, Djibouti et le Yémen, est environ de 27 kilomètres de large, ce qui facilite les interceptions par les Houthis. Passage inévitable pour les navires en provenance de l’Arabie Saoudite ou d’Asie, les attaques forcent donc les navires à prendre un détour alternatif par le cap de Bonne-Espérance, prenant plusieurs jours voire semaines de plus, ce qui menace le marché d’une hausse de coûts et de retards conséquents. L’impact sur l’environnement de ces trajets bien plus longs est également important.

En réaction à ces actes de piraterie, les Etats-Unis ont lancé en décembre l’opération « Prosperity Guardian » afin de protéger les navires commerciaux de ces attaques des rebelles Houthis. Le chef du Pentagone, Lloyd Austin, mentionnait la présence d’au moins dix pays, dont le Royaume-Uni, la France, l’Italie, la Norvège, l’Espagne, et les Pays-Bas concernant les nations européennes.

Tandis que certains pays comme le Danemark, la Grèce et les Pays-Bas affirment leur soutien direct à l’opération américaine, la plupart des Etats de l’Union Européenne semblent rester réticents. La France et l’Italie parlent notamment d’opérations indépendantes, en dehors de l’opération des Etats-Unis. Néanmoins, certains experts et politiques de pays européens appellent à la mise en place d’un effort commun de l’UE dans la surveillance militaire en mer Rouge.

 

Décès de Jacques Delors, figure de la construction européenne  

Jacques Delors, figure emblématique de la scène politique française et européenne, est décédé le 2 décembre à l’âge de 98 ans. Incarnant une vision novatrice de l’intégration européenne, Jacques Delors a marqué l’histoire contemporaine en tant que ministre de l’Économie et des Finances en France avant de devenir un éminent Président de la Commission européenne de 1985 à 1995.  Sa pensée progressiste et sa capacité à forger des compromis ont joué un rôle essentiel dans la construction et le renforcement du projet européen, marquant ainsi l’histoire politique du continent.

Détenteur d’une licence de droit en économie politique, il commence sa carrière à la banque de France. Durant cette période, il entame une expérience de syndicalisme à la CFCT (Confédération française des travailleurs chrétiens). Il militera notamment pour des idées socialistes et démocratiques, cherchant à se dégager de la branche chrétienne du mouvement.

En 1979, date des premières élections législatives européennes au suffrage universel direct, Jacques Delors entame son engagement européen. Il est élu député européen à l’âge de 54 ans, où il préside la commission des affaires économiques et monétaires de l’Assemblée européenne durant deux ans. En 1981, il est nommé ministre de l’Économie, des Finances et du Budget dans le gouvernement de Pierre Mauroy. Au cours de ce mandat, il contribue à l’intégration de la politique économique française au système européen, encourageant notamment le maintien de la France dans le SME (Système monétaire européen), qui vise à stabiliser les monnaies européennes, et dont le bilan mènera à la mise en place de l’euro.

En 1985, Jacques Delors fait son retour au sein des institutions de l’Union européenne. Il est désigné président de la Commission des communautés européennes (actuelle Commission européenne), poste qu’il occupera pendant 10 ans. C’est durant ses trois mandats que Jacques Delors marque les esprits par de « grands chantiers qui structurent encore aujourd’hui l’identité de l’Europe. ». Il contribue notamment à la mise en place de l’Acte unique européen, qui donne l’objectif d’achever le marché intérieur de l’UE, et a également présidé le comité d’étude du projet d’Union économique et monétaire en 1988 qui construit une partie des fondations du traité de Maastricht de 1992.

A la fin de son mandat le 22 janvier 1995, Jacques Delors laisse ainsi derrière lui une Europe consolidée, tant sur le nombre de membres qu’au niveau institutionnel.

Peu après son décès, de nombreuses personnalités politiques françaises et européennes, de tous bords politiques, ont tenu à lui rendre hommage. Ursula Von Der Leyen, actuelle présidente de la Commission européenne, souligne sur X (anciennement Twitter) son caractère « visionnaire, qui a rendu notre Europe plus forte”. Vendredi 5 janvier 2024, un hommage national lui a été rendu dans la Cour des Invalides à Paris, présidé par Emmanuel Macron. 

Présidence de l’Union Européenne: la Belgique succède à l’Espagne

Ce 31 décembre marque la fin du mandat de l’Espagne qui présidait le conseil de l’Union Européenne depuis le 1er juillet 2023. La présence de Pedro Sanchez, Premier ministre espagnol réélu en 2023, à Kiev en soutien à l’Ukraine au nom de tous les pays membres a marqué le début de ce mandat. Ce dernier s’est achevé par un accord visant à entamer les négociations concernant l’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie à l’Union européenne. 

Cette présidence a été marquée par plusieurs autres dossiers importants. Parmi eux, on peut notamment compter un accord sur l’intelligence artificielle qui fait office de compromis. Cet accord établit un cadre juridique visant à prévenir les potentielles dérives de l’IA en protégeant les citoyens tout en garantissant la capacité d’innovation des entreprises européennes. En décembre dernier, un nouveau Pacte asile et migration a également été signé. Ce dernier a notamment pour but la mise en place d’une politique d’asile plus stricte. Les espagnols mettent aussi en avant des avancées sur le plan environnemental avec par exemple la loi sur la restauration de la nature qui attend encore d’être votée, mais ce bilan peut être nuancé en raison de grands reculs concernant la politique environnementale européenne. Des mesures phares du Pacte vert telles que l’interdiction du glyphosate ont notamment été abandonnées en novembre dernier et les objectifs de ce dernier sont revus à la baisse.

Ursula Von der Leyen et Alexander De Croo à côté du logo de la présidence belge sur le Mont des Art à Bruxelles vendredi 5 janvier

Depuis le 1er janvier 2024 la Belgique lui a donc succédé à la présidence tournante du conseil de l’UE. « Protéger les citoyens, renforcer l’économie, prévoir l’avenir de l’Europe », c’est ainsi que le premier ministre belge Alexander De Croo résume ses objectifs pour les six mois à venir. C’est la treizième fois que la Belgique assure cette responsabilité et à cette occasion elle définit six priorités pour les six prochains mois: défendre l’état de droit, la démocratie et l’unité; renforcer la compétitivité de l’UE; poursuivre une transition écologique juste; renforcer le programme social et sanitaire; protéger les individus et les frontières et promouvoir l’Europe mondiale.

L’UE fait déjà face à de nombreux défis (guerre en Ukraine, guerre dans la bande de Gaza, enjeux climatique et énergétique…). S’ajoute à cela le fait que la Hongrie, connue pour son euroscepticisme, succèdera à la Belgique au semestre prochain, ce qui accentue l’urgence de traiter certains dossiers constituant des enjeux majeurs pour l’avenir de l’UE. Elle devra donc prendre en charge des dossiers tels que le pacte de stabilité et de croissance, la révision du cadre financier pluriannuel qui comprend une aide à l’Ukraine ainsi qu’orienter les discussions autour de l’adhésion de nouveaux États. 

Au delà des plus de 150 dossiers qui sont à traiter, le mandat tournera en particulier autour des élections européennes de juin qui marqueront la fin de ce dernier, avec en parallèle la préparation des élections fédérales du pays qui tombent le même jour. La Belgique devra suite à ces élections fixer les objectifs pour la période 2024-2029.

Ursula Von der Leyen et Alexander De Croo à côté du logo de la présidence belge sur le Mont des Art à Bruxelles vendredi 5 janvier

La Bulgarie et la Roumanie intégreront partiellement l’espace Schengen le 31 mars prochain

Dans la nuit du 30 au 31 décembre, les membres de l’Union européenne se sont accordés sur l’intégration partielle de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espace Schengen. 

Cet espace de libre circulation des biens et des personnes a été créé en 1985 et comprend déjà 23 des 27 États membres ainsi que la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. 

Roberta Metsola, présidente maltaise du Parlement européen, a écrit sur son compte X que « Cette décision était attendue depuis longtemps. Elle rend notre Union plus forte et nos citoyens plus en sécurité. L’Europe s’unit. ». Franceinfo rapporte que selon la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, « Aujourd’hui marque un moment historique pour la Bulgarie et la Roumanie, et un jour de grande fierté pour les citoyens bulgares et roumains ». Ces deux pays sont membres de l’UE depuis 2007 et que c’est seulement suite à 12 années de négociation que ces derniers pourront partiellement intégrer cet espace.

Les deux pays ont dû faire face à de nombreux obstacles. Ils avaient échoué à intégrer la zone en 2022. Cet échec était en partie dû au veto posé par l’Autriche qui leur reprochait de soutenir une immigration clandestine. Ce veto a finalement été levé suite à un accord entre la Roumanie et l’Autriche le 27 décembre. Quelques semaines plus tôt, c’était le gouvernement néerlandais qui levait son objection à l’intégration de la Bulgarie suite à une enquête menée par la Commission européenne en Bulgarie assurant qu’il n’y avait aucune lacune au niveau des contrôles aux frontières dans le pays. Suite à cette enquête, le gouvernement néerlandais qui craignait une hausse des demandeurs d’asile suite à l’intégration du pays, est « arrivé à la conclusion que la Bulgarie remplit les conditions fixées pour adhérer à l’espace Schengen ». 

Le résultat de cet accord est néanmoins en demi-teinte pour les deux pays qui n’intègrent que l’espace maritime et l’espace aérien. Selon le communiqué du Conseil de l’Union européenne, les frontières terrestres restent fermées à ces deux pays. Interviewé par Euronews, l’eurodéputé libéral roumain Dragoș Tudorache explique que « C’est partiellement bon parce que cela permet enfin de sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvions depuis plus d’un an (…) Mais c’est aussi partiellement négatif dans le sens où une partie très importante de cette décision, à savoir les frontières terrestres où en fait le coût de ne pas (être) dans Schengen compte le plus à la fois pour les citoyens mais aussi pour les entreprises en Roumanie et en Bulgarie, reste toujours ouverte. ». 

Alors que la Commission a rappelé à cette occasion qu’elle considérait que ces deux pays étaient prêts à rejoindre l’espace Schengen depuis 2011, les pays membres de l’UE doivent encore fixer une date d’ouverture des frontières terrestres internes.

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