Articles par Éva Mic et Laetitia Rambour Mertens

27/02 – Aide humanitaire européenne de l’UE à la région de la Grande Corne de l’Afrique

 

Alors que l’ONU dénonçait le 7 novembre 2022 la “catastrophe humanitaire” que subissent les habitants de la Corne de l’Afrique, son invisibilisation et l’inaction demeurent sur la scène médiatique internationale. Pourtant, la région est en proie à des fléaux qui se multiplient et se nourrissent mutuellement : épidémies, famines, conflits, déplacement de population, phénomènes climatiques…

Le mois dernier, le 31 janvier 2024, 72 millions d’euros de fonds ont déjà été alloués au Soudan lors de la visite de Janez Lenarčič, commissaire européen de la gestion des crises. 

Ces fonds répondent au conflit entre le commandant des forces paramilitaires Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemetti » et l’armée régulière soudanaise sous l’égide Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane.

Ce mercredi 27 février, 171 millions d’euros supplémentaires ont été débloqués. Ils permettront également d’aider les populations les plus vulnérables de la Grande Corne d’Afrique, alors qu’environ 65 millions de personnes ont besoin d’une aide immédiate” selon la Commission européenne. 

Parmi cette somme, 49,5 millions d’euros sont alloués au Soudan du Sud, qui subit notamment les conséquences du conflit soudanais. D’autres 38 millions sont destinés à l’Éthiopie, dont la population subit toujours le choc de la guerre civile du Tigré (2020-2022). De plus, la révélation du détournement d’aides humanitaires par les autorités éthiopiennes en juin 2023 a poussé le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (PAM) et l’agence de développement américaine Usaid à suspendre leur contribution jusqu’en décembre, malgré les besoins d’aide urgents.

Ajoutons à cela que l’Ethiopie a été particulièrement touchée par la sécheresse d’abord, puis par des crues d’ampleur à la fin de l’année 2023. Cette situation, accentuée par le phénomène El Niño, touche aussi ses pays voisins, le Kenya et la Somalie.  C’est pourquoi l’UE leur débloque respectivement 11,5 et 37 millions d’euros.  Ainsi, les inondations auraient fait plus de 260 morts et un million de déplacés dans ces trois pays

La Commission est particulièrement consciente du nombre important et de l’impact des populations déplacées et des conditions précaires des réfugiés, et oriente la majorité de son aide humanitaire vers ces personnes. Notamment en Ouganda, où les 27,5 millions d’euros accordés devront permettre en priorité de répondre aux besoins fondamentaux des 1,6 million de réfugiés du pays. Dans un tel  contexte, il est difficile de séparer la solidarité de l’UE de sa politique migratoire, qui cherche à dissuader les migrants de venir sur le sol européen “à la source”.

Cependant, l’aide humanitaire ne vise pas que des objectifs court-termistes. Selon Janez Lenarčič, “l’enveloppe annoncée aujourd’hui […] vise à sauver des vies, tout en aidant les communautés confrontées à des crises récurrentes à renforcer leur résilience.

En effet, 7 millions d’euros supplémentaires seront accordés à des programmes de préparation aux catastrophes dans la région. De plus, l’UE s’engage à protéger et à scolariser les enfants déplacés, notamment au Soudan où ils sont 3 millions.

 

29/02 : La Pologne, à nouveau un État de droit ? 

Le 23 février, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen annonçait à Varsovie que “deux décisions vont être prises la semaine prochaine concernant les fonds européens

Une annonce porteuse d’espoirs pour la Pologne, qui subit des restrictions financières depuis décembre 2017 pour ses réformes judiciaires allant à l’encontre du droit et des valeurs de l’Union européenne (UE), suivant l’article 7 du traité de l’Union européenne (TUE). 

En effet, le parti nationaliste populiste Droit et justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski, au pouvoir depuis 2015, a décousu l’état de droit polonais au profit de la poursuite de ses propres intérêts politiques. Ainsi, il a mené nombre de réformes du système judiciaire, dont certaines étaient inconstitutionnelles. Parmi elles, la réforme du Conseil national de la magistrature, qui a depuis nommé plus de 2000 juges au statut douteux. 

Or, l’élection en décembre dernier du Premier ministre de centre-droit Donald Tusk constitue un tournant majeur en la matière. L’ancien président du conseil européen avait orienté sa campagne autour de la promesse d’un retour à une normalité européenne. Et pour ce faire,  la première étape est de défaire les réformes populistes du PiS afin de rétablir l’état de droit en Pologne.

Avec sa coalition libérale, Donald Tusk s’attache à cet objectif avec force et retentissement. D’abord en limogeant les dirigeants des médias publics, en particulier ceux de télévision TVP Info qui était devenue un outil de propagande du PiS, le 21 décembre 2023. Puis par l’arrestation de l’ancien ministre de l’intérieur Mariusz Kaminski et de son adjoint Maciej Wasik, deux semaines plus tard. Ces mesures choc sont accompagnées de réformes judiciaires plus profondes. 

Mais cette tâche n’est pas facile, d’autant plus que les membres du PiS le contestent avec virulence, en organisant notamment des manifestations. Et elle est mise à l’épreuve en particulier par le président Andrzej Duda, membre du PiS, qui accuse “la tyrannie de l’Etat de droit” et use abondamment de son véto pour bloquer les réformes libérales.

Cependant, les efforts de la législation polonaise se sont avérés fructueux. Ainsi le jeudi 29 février dernier, la Commission a admis que la Pologne avait franchi deux «super jalons» vers la réforme de son état de droit, à savoir la réforme du régime disciplinaire applicable aux juges et l’utilisation d’Arachne, un outil informatique qui permet de pouvoir contrôler les États-membres afin de prévenir notamment les fraudes. S’il reste des failles, elle salue le plan d’action sur l’état de droit que la Pologne a annoncé le 20 février dernier, qui reprend de nombreuses recommandations de la Commission, comme la primauté du droit de l’UE et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le droit national polonais. 

La Commission a donc dévoilé par la même occasion les deux décisions promises par Ursula von der Leyen : 

  • le déblocage des 76,5 milliards d’euros de fonds de cohésion de 2021-2027, sous condition de respect de la charte des droits fondamentaux de l’UE.
  • S’ajoutent à cela des aides sous forme de subventions (25.3 milliards) et de prêts à taux bonifiés (34,5 milliards), qui correspondent au plan de relance européen lancé en réponse à la pandémie de Covid-19 en juillet 2020. 

Ces fonds permettront, selon la Commission, une “croissance compétitive, innovante et durable du pays” : la Pologne pourra mettre en œuvre la transition écologique et numérique chère à l’UE, soutenir la santé et la mobilité propre, mais aussi l’inclusion sociale et l’intégration sur le marché du travail. La Pologne aimerait également investir dans l’agriculture, notamment grâce aux 6.3 milliards d’euros nets de préfinancement qui seront débloqués dans les semaines à venir. 

Malgré ces perspectives optimistes, l’eurodéputé Vert Daniel Freund met en garde contre une réaction de soutien trop rapide au gouvernement de Donald Tusk : « Ce que le PiS a détruit en huit ans, on ne peut pas le réparer en quelques semaines ». En effet, beaucoup de choses restent à faire en Pologne pour qu’elle soit véritablement un état de droit au sens de l’Union européenne, et les avancées devront être vérifiées. 

 

29/02 : A cent jours des élections européennes. Où en est-on  ?

 

La campagne électorale pour les élections européennes du 6 au 9 juin est bien lancée mais elle reste bien incertaine sur plusieurs plans dont deux principaux : l’engagement des européens et la hausse de l’extrême droite. 

Un engagement des Européens ? 

  • Dans la plupart des pays de l’Union européenne, la participation s’établit à 50,66% en 2019 soit +8,06 points par rapport à 2014 ce qui pourrait être le signe d’un engagement et d’un intérêt plus marqué pour l’Union européenne ou d’une campagne davantage engagée des partis et organisations. 
  • Finalement, c’est une question qui restera incertaine jusqu’en juin 2024 où l’on pourra considérer que les campagnes de mobilisation ont fonctionné, notamment à l’égard de la jeunesse (initié en France par le Conseil économique, social et environnemental, CESE) 

Une hausse de l’extrême droite ?

En effet, le parti du Rassemblement National obtient 3 sièges supplémentaires par rapport aux projections faites en janvier ce qui confirme une plus large progression du parti depuis 2019 selon Euractiv. Il passe de 22 à 29 sièges. 

De fait, le RN représentait le 28 février dernier, 28,5% des intentions de vote selon « toute l’Europe ». 

  • En Italie, la baisse de la Lega, parti de Matteo Salvini, profite à celui des Frères d’Italie de la Première ministre Giorgia Meloni, affilié au CRE (conservateurs et réformistes européens qui promeut entre autres la diminution de l’immigration et l’affaiblissement de l’UE).

 Ils devraient obtenir 25 sièges soit deux de plus que dans les projections de fin janvier. 

  • En Pologne, la victoire du pro européen Donald Tusk, ancien président du Conseil de l’Europe invite peut-être à penser à des relations moins tendues avec Bruxelles. 

Les conservateurs et eurosceptiques du PiS (parti ultra conservateur polonais) conservent, avec 35% des voix, une place importante dans l’opposition maintenant. Ce qui implique l’apparition de thèmes de l’immigration et de la souveraineté dans les débats. 

  • En Hongrie de même, ces deux thèmes sont au cœur des discussions. 

Le Premier ministre Viktor Orban distribuait en janvier dernier un formulaire de consultation nationale en 11 questions « Défendre la souveraineté nationale face à Bruxelles », le 12e en 12 ans. Dans lequel, il cible les « technocrates de Bruxelles » avec des questions orientées comme « Bruxelles veut créer des ghettos de migrants dans notre pays. Êtes-vous d’accord ? ». 

Finalement, le CRE gagne 3 nouveaux sièges en intégrant le parti français Reconquête!, passant à 83 sièges et 11% des intentions de vote. Les deux thèmes des campagnes de l’extrême droite sont l’immigration et la préservation des intérêts nationaux. 

 

En conclusion…

Les débats autour des élections européennes sont aussi l’occasion de soulever des enjeux concernant la légitimité de l’Europe et d’évaluer – ou non – l’implication des européens. 


1/02 : Les obsèques d’Alexei Navalny, un symbole de résistance 

Vendredi 1er mars se déroulaient les obsèques d’Alexeï Navalny, principal opposant à Vladimir Poutine. Décédé le 16 février dernier dans une colonie pénitentiaire « à régime spécial » où il purgeait une peine pour « extrémisme »

Sa mort a suscité des soupçons et des allégations d’empoisonnement, niées par les autorités russes. En effet, ses proches n’ont par exemple pas été autorisés à voir le corps ni à le récupérer une fois le décès confirmé mais 3 jours plus tard. Surtout, l’équipe d’Alexeï Navalny a affirmé lundi qu’un accord était « en cours et dans sa phase finale » pour le libérer dans la semaine. Les circonstances de sa mort restent floues, il serait mort d’un soudain malaise suite à une promenade. Beaucoup ont accusé Vladimir Poutine d’être responsable et de finir ce qu’il avait commencé en 2020 – un empoisonnement qui avait failli coûter la vie à l’opposant russe. Concernant la mort de l’opposant, le président semble rester silencieux et n’a toujours pas réagi. 

Les obsèques se sont tenues dans la capitale russe et 128 personnes se sont fait arrêter parmi les milliers présentes dont les ambassadeurs russes. Elles se sont déroulées dans une église, autorisées par le Kremlin mais encadrées par les forces de l’ordre. On note donc une mobilisation importante malgré les risques concrets encourus par les participants en raison des nombreuses caméras de surveillance et systèmes de reconnaissance faciale. Les forces de l’ordre se sont mobilisées en grand nombre avec près de 20 000 agents déployés. Finalement, cet événement soulevait des craintes de confrontations entre les manifestants et les forces de sécurité, reflétant ainsi la polarisation politique et la répression du dissentiment en Russie. 

Les funérailles représentaient un moment crucial pour l’opposition russe notamment en temps de guerre. Il symbolise un « martyr » pour la lutte pour la démocratie face à un régime autoritaire. C’est donc aussi l’occasion de renforcer la solidarité au sein de l’opposition et de montrer leur persistance malgré les risques. 

Enfin, les funérailles attirent l’attention de la communauté internationale entre une couverture médiatique mondiale et des réactions de la part de dirigeants étrangers. Les pays occidentaux et les organisations internationales comme Amnesty International expriment leur préoccupation concernant les droits de l’homme en Russie et appellent à une enquête plus approfondie sur la mort de Navalny. Finalement, les réactions internationales pourraient avoir des impacts sur les relations diplomatiques avec la Russie notamment par des appels à sanction. Des relations déjà détériorées par la guerre en Ukraine. 




 

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