Au Sud de la Belgique, une région peuplée d’irréductibles Wallons résiste encore et toujours à l’envahisseur…
Cette région francophone avec ses 3,6 millions d’habitants, a fait échouer, le vendredi 21 octobre dernier, la signature du CETA alors que les négociations entre l’Union européenne et le Canada étaient pourtant quasiment bouclées. Après deux semaines de résistance, les Wallons sont enfin prêts à trouver un compromis pour la ratification du CETA.
Qu’est ce que le CETA ?
Le Comprehensive Economic and Trade Agreement, plus connu sous le nom de CETA, est un accord commercial entre le Canada et l’Union européenne. Ce traité, cousin du TAFTA, prévoit notamment la réduction des droits de douane entre l’Union européenne et le Canada pour les exportations et importations dans le but de dynamiser le commerce. La présence de quotas pour les exportations et importations seraient également révisée : une réduction de 36 à 3% de la part des exportations européennes soumises aux barrières non tarifaires est prévu avec le Canada. Des accords en matière de marché public, de mobilité professionnelle dans le domaine agricole et environnemental sont également discutés dans ce traité.
L’Union européenne et le Canada ont débuté les négociations du CETA en mai 2009 et se sont mis d’accord sur le contenu de sa stratégie un mois après. Signé en septembre 2014, le traité doit être ratifié par tous les pays de l’Union européenne. A ce stade, seule la Belgique bloque la ratification de ce traité. Le Sommet UE-Canada prévu le jeudi 28 octobre a donc été annulé faute d’accord : le premier ministre Canadien Justin Trudeau a dû reporter sa visite.
Pourquoi la Wallonie a-t-elle refusé ce traité ?
La particularité de la Belgique se situe dans ses parlements régionaux qui disposent des mêmes pouvoirs qu’un parlement national. Ainsi, l’assemblée wallonne a obtenu de la Belgique qu’elle demande un avis sur la conformité du mécanisme d’arbitrage à la Cour de justice de l’UE.
Paul Magnette, ministre-président de la région wallonne, membre du Parti socialiste belge, est devenu le porte-étendard de la cause anti-CETA : pour les Wallons, ce traité ne garantit pas les intérêts des agriculteurs face aux puissances multinationales. Autres inquiétudes : l’abaissement éventuel des normes sociales et environnementales, la destruction de nombreux emplois alors que les pro-CETA assurent la création d’emplois grâce à ce traité. Les agriculteurs craignent aussi que cet accord profite davantage aux multinationales américaines implantées au Canada qui auront, ainsi, une plus grande facilité d’accès au marché européen.
De plus, les Wallons s’opposent à la signature du CETA à cause de l’existence du tribunal permanent, en cas d’arbitrage d’un conflit entre une entreprise et un Etat. En effet, ce tribunal devait être composé de quinze juges professionnels (également répartis entre le Canada, l’UE et des pays tiers), ce qui inquiète sur de possibles conflits d’intérêt.
Du côté de Bruxelles, l’échec du CETA aurait de nombreuses conséquences pour la suite car de nombreuses négociations ont lieu en ce moment avec le Japon ou le Mexique. Mais surtout ce veto donne un mauvais pressentiment quant aux nouvelles négociations post-Brexit entre le Royaume-Uni et le reste de l’Union européenne ; c’est pourquoi les dirigeants européens tiennent absolument à la signature de ce traité.
Vers une sortie de l’impasse ?
Ce dimanche 30 octobre, le CETA a été signé entre l’Union européenne et le Canada. Il sera donc appliqué partiellement et provisoirement jusqu’à ce qu’il soit ratifié par l’ensemble des Parlements nationaux des États-membres de l’UE, ainsi que par le Canada. Cela pourrait donc prendre des années avant que le CETA ne soit officiellement mis en place.
Le gouvernement belge confirme que les différentes entités du Royaume garderont un droit de regard pendant la mise en place provisoire du traité, notamment en ce qui concerne les clauses liées à l’agriculture. Concernant le tribunal permanent, la Wallonie a obtenu des concessions, assurant que les litiges entre entreprises et Etats continueront d’être réglés au niveau de la juridiction nationale concernée.
Ce qu’il faut retenir, c’est que les parlements régionaux belges peuvent à nouveau interrompre les négociations, en informant le gouvernement fédéral de leur « décision définitive et permanente » de ne pas ratifier le CETA.
La campagne de promotion pour la ratification du CETA a déjà débuté. Robert Fico, premier ministre slovaque, qui assure la présidence tournante de l’UE pour le semestre en cours, a plaidé en faveur du traité ce dimanche : « c’est un accord moderne et progressiste, ouvrant la porte à de nouvelles opportunités, tout en protégeant les intérêts importants ». Il a également relevé son « potentiel de définir la voie à suivre pour les futurs accords commerciaux », alors qu’un autre accord transatlantique, plus ambitieux et contesté, le TTIP, est en négociation avec les États-Unis.
Joao Costa Lobo et Stefi Kurera