Les dernières élections européennes, en 2014, ont révélé une nouvelle victoire de l’absentéisme dans les bureaux de vote. Cette caractéristique persistante de ces élections est la cause de la réunion de plusieurs facteurs : le manque d’information, le manque d’enjeu réel pour les électeurs qui survalorisent les votes nationaux mais aussi le sentiment généralisé d’une mauvaise représentativité du Parlement européen.
La politique de ces dernières années, qu’elle soit nationale ou internationale, est marquée par une certaine crise de la représentation des élus. Cela se manifeste notamment dans un réel manque de pluralité de leurs profils, selon les dires des votants. Le Parlement européen est l’institution de l’Union censée représenter les citoyens des 28 États membres, mais elle connaît elle aussi une mauvaise représentativité. Une problématique à laquelle l’assemblée européenne tente tout de même de remédier, peut-être plus qu’au niveau national, sur certains aspects. Trois catégories sociales semblent particulièrement concernées par ce défaut de représentativité : les femmes, les jeunes et les minorités ethniques.
Amélioration de la parité : il faut persévérer
Depuis 1979, la part des femmes au Parlement européen a bien augmenté, passant de 16% pour les premières élections à 37% en 2014. La Suède et la Finlande sont les meilleurs élèves avec respectivement 55% et 53,9% d’élues. Avec 43,2% la France a une moyenne respectable.
Pourtant, en 2008, Chypre et Malte ne comptaient encore aucune députée européenne et sur les 15 présidents élus, les femmes n’ont accédé à la présidence de l’assemblée européenne qu’à deux reprises : avec Simone Veil de 1979 à 1982 et Nicole Fontaine de 1999 à 2002. Depuis 2013, les 28 États membres ont tous au moins une députée européenne.
Au niveau national, de bons progrès ont été réalisés, comme en France avec la loi sur la parité de 2000 et le système « fermeture éclair » qui prévoit une alternance des deux sexes sur les listes électorales. Aujourd’hui, sur les vingt commissions que compte le Parlement européen, huit sont présidées par des femmes. Et il faut tout de même noter que la présence féminine au Parlement européen est bien supérieure à celle que l’on peut observer au sein des institutions nationales, d’en moyenne 27% dans l’Union européenne. De plus, malgré les lois obligeant à la parité dans la composition des listes électorales, il reste rare qu’une femme soit à la tête de cette liste ou accède au poste de présidente.
Une jeunesse très peu présente
Les dernières élections européennes ont aussi révélé que les jeunes Européens sont de moins en moins présents dans les bureaux de vote, notamment à cause de ce manque de représentation. En France par exemple, les élus sont souvent des hommes, blancs, d’au moins 50 ans. Pour les élections de 2014, seule Marion Maréchal-Le Pen, députée du FN a moins de 30 ans, ce qui représente 0,35% du total des députés européens français mais 12% de la population française. Face à cela, 68% des députés ont au moins 50 ans. Étonnamment, la moyenne d’âge des députés n’a cessé d’augmenter alors que l’âge minimal requis pour être élu n’a lui pas arrêté de rajeunir.
Au sein du Parlement européen, on compte quand même 91 eurodéputés de moins de 40 ans pour la législature 2014-2020, soit 10%, un pourcentage en baisse par rapport à 2009-2014. Ils se réunissent dans un groupe parlementaire, le groupe EU40 dont le directeur général, Adam Mouchtar, remarque qu’ils représentent « le troisième plus grand groupe au Parlement européen ». Ces jeunes eurodéputés sont là pour servir les jeunes européens, ainsi qu’ils le disent eux-mêmes : des jeunes « qui ne comprennent pas ce que l’Europe peut faire pour eux concrètement » (Karima Delli, eurodéputée française de 35 ans).
En novembre dernier, l’ONU a lancé une campagne pour tenter de faire prendre conscience aux jeunes que « Yes they can », rappelant que 30% de la population mondiale a moins de 30 ans, mais que seuls 2% des élus partout dans le monde remplissent aussi ce critère.
Quelle place pour les minorités ?
Concernant les minorités ethniques, que ce soit au niveau national ou européen, les députés d’origine africaine, maghrébine ou asiatique se font rares. Pour des pays ayant beaucoup d’eurodéputés comme la France, seulement 7% d’entre eux environ semblent correspondre à cette catégorie. Mais elle fait mieux que son voisin allemand qui paraît n’en compter aucun. Cela semble contradictoire face à l’augmentation sensible du nombre de migrants dans le pays en provenance d’Afrique et plus encore d’Asie, et bien sûr, la très forte part des migrants du Proche-Orient ces dernières années, par rapport aux migrants venus d’autres pays de l’Union. Et aucune de ces minorités n’a jamais accédé au statut de président du Parlement européen.
Et le chiffre semble de moins en moins élevé. En 2010, le Parlement européen comptait moins de représentants de minorités ethniques qu’en 1999. Cela pose la double question de la représentation des aspirations des minorités et de savoir si les élus doivent être neutres, sans attachement à une ethnie ou une culture, ou doivent effectivement représenter une certaine part de la société. Pour Malika Benarab-Attou, députée européenne française d’origine algérienne lors de la législature 2009-2014, « la réalité de nos existences fait qu’on est inscrits dans une culture et dans une histoire qui ne peuvent pas être négligées » (dossier de l’ENAR : the European Network Against Racism, consacré à la participation et à la représentation politique des minorités ethniques). Elle ajoute aussi que si « la question du genre est fortement portée [au niveau européen], la question des minorités et des migrants est absente ».
Finalement, contrairement à ce que l’on peut penser, des progrès réels sont faits en matière de représentativité mais le chemin est encore long pour arriver à une assemblée européenne à l’image de la diversité croissante du continent. Implication des élus et prise de conscience collective doivent s’additionner pour donner à chacun l’envie de s’impliquer dans le débat public.