Articles par Shana De Sousa et Jérémy Balouka.
Non-respect de l’Etat de droit : la Commission européenne recommande le gel de fonds européens destinés à la Hongrie
La Commission européenne a proposé ce mercredi 28 novembre le gel de 13,3 milliards d’euros de fonds européens pour la Hongrie. Sur ces 13,3 milliards, 7,5 milliards d’euros de fonds structurels de cohésion ont été suspendus, soit près de 20% des fonds que Budapest devait recevoir dans le cadre du budget 2021-2027 de l’Union européenne. Bruxelles propose en outre d’adopter le plan de relance post-Covid-19 hongrois – à hauteur de 5,8 milliards d’euros – à condition du respect de 27 conditions liées à l’indépendance de la justice et à la lutte contre la corruption.
Bruxelles a dès lors appliqué sa procédure dite de conditionnalité, en vigueur depuis décembre 2020, mécanisme qui conditionne les fonds européens au respect de l’Etat de droit. Si Budapest s’était engagée en septembre dernier à mener tout un train de réformes visant à corriger les problèmes de corruption, de défaillances en matière de poursuites judiciaires et d’attributions de marchés publics, ces dernières ont été jugées insuffisantes par l’exécutif européen. La Commission estime en effet que les réformes menées par la Hongrie n’ont pas suffisamment progressé à la date butoir du 19 novembre : « aucun versement de fonds n’aura lieu tant que ces conditions essentielles ne seront pas correctement remplies », a déclaré Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif de la Commission, lors d’une conférence de presse.
La Hongrie a en effet été épinglée de manière répétée par l’Union pour son caractère illibéral et antidémocratique ; le régime est caractérisé par une corruption endémique et par d’importantes défaillances en matière de justice. Son président, Viktor Orbán, dispose par le biais de sa majorité de deux tiers au sein du Parlement hongrois d’une mainmise autoritaire sur le pays. En outre, le blocage de Budapest quant à l’octroi d’un plan d’aide de près de 18 milliards d’euros à l’Ukraine en sus de son refus de ratifier l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN ont conduit l’exécutif européen à demeurer ferme et à envisager le rapport de force comme seule solution face aux velléités du dirigeant hongrois.
La Hongrie est nonobstant en proie à une forte crise économique : elle est confrontée à un record d’inflation – près de 21,1% en octobre dernier – les produits alimentaires étant quant à eux sujets à une hausse de près de 43%. Dès lors, le pays peut difficilement envisager de se passer de ces subventions communautaires, qui constituent près de 10% de son PIB. Budapest a réagi aux recommandations de la Commission européenne au travers de son négociateur, Tibor Navracsics, qui a assuré devant la presse que la Hongrie « [allait] mettre en place les mesures supplémentaires exigées et en 2023, [elle] ne [doute] pas qu’[elle parviendra] à convaincre la Commission ».
Les ministres de l’Economie et des Finances de l’ensemble des Etats-membres de l’Union européenne sont dès lors supposés se réunir le 6 décembre afin de discuter des recommandations de la Commission européenne vis-à-vis de ce gel des fonds destinés à la Hongrie. Si les pays du Benelux et de la péninsule scandinave sont généralement plus fermes vis-à-vis des violations de l’Etat de droit, les pays du Sud et de l’Est de l’Europe pourraient se révéler plus perplexes à la perspective d’un gel des fonds. Les Etats-membres de l’Union européenne ont de surcroît jusqu’au 19 décembre pour se prononcer à la majorité qualifiée – 15 pays sur 27, soit près de 65% de la population de l’Union européenne – quant à cette suspension d’octroi de fonds de cohésion.
Diplomatie : Visite d’Etat du Président Emmanuel Macron aux Etats-Unis
Le Président français Emmanuel Macron s’est envolé ce mardi 27 novembre pour les Etats-Unis, entamant trois jours de visite d’Etat de Washington à la Nouvelle-Orléans. Ce voyage diplomatique intervient près d’un an suivant la crise diplomatique des sous-marins australiens et l’annulation par Canberra du contrat de fourniture de sous-marins au profit d’un partenariat impliquant Londres et Washington. Il s’est dès lors agit de renforcer la coopération bilatérale des deux pays, ainsi que de clarifier les positions des deux Etats sur le plan commercial comme sur les orientations futures de l’Europe et des Etats-Unis.
Emmanuel Macron a dans ce cadre entamé une série de visites, de réunions et de conférences de presse au sein desquelles une variété de sujets ont été évoqués : questions énergétiques et amélioration de la coopération nucléaire, partenariat bilatéral dans le domaine spatial en présence de la vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, réaffirmation du soutiens à l’Ukraine, mais également transparence et renforcement de la modération des contenus lors d’une rencontre surprise avec Elon Musk, nouveau propriétaire de Twitter.
Le Président américain Joe Biden a en outre reçu son homologue français à la Maison Blanche ce jeudi 1er décembre, dans un contexte où Emmanuel Macron a vivement dénoncé le protectionnisme américain et déploré « l’agressivité » de l’Inflation reduction act américain, une loi votée par l’administration Biden en août 2022, prévoyant plus de 430 milliards de dollars d’investissements, dont 370 au soutiens des industries américaines, pénalisant dès lors les importations européennes et menaçant d’accroître la désindustrialisation en Europe.
Lors d’un déjeuner avec des élus du Congrès des Etats-Unis, le Président français a déploré ce plan en affirmant que « les choix qui sont faits sont des choix qui vont fragmenter l’Occident », craignant en outre que « l’Europe, et donc la France, deviennent une sorte de variable d’ajustement » de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis. Cette rencontre fut l’occasion pour Washington de rassurer les Européens : Joe Biden s’est notamment engagé à ce que les créations d’emplois aux Etats-Unis impliquées par l’Inflation reduction act ne s’opèrent pas aux dépens de l’Europe.
Cette visite française aux Etats-Unis souligne l’importance de l’alliance franco-américaine et transatlantique, mettant en évidence la relation entre les Etats-Unis et l’Europe dans un contexte de crise climatique et d’invasion russe en Ukraine : Paris apparaît ainsi aujourd’hui comme le premier interlocuteur européen pour Washington en matière de politique de sécurité et semble désormais jouer un rôle clé au sein de l’Union européenne depuis le Brexit.
L’embargo des 27, vers un lumbago russe ?
Après d’âpres négociations entre membres de l’Union européenne dans la matinée du vendredi 2 décembre 2022, un accord est trouvé sur la limitation du prix des barils de pétrole russes. Cet accord, qui entrera en vigueur à partir du lundi 5 décembre, prévoit un blocus sur tout baril vendu à un prix plus élevé que 60 dollars. La Pologne, dernier pays réticent au montant de 60 dollars qu’elle juge trop timoré, s’est finalement rangée du côté de ses pairs. En effet, le cours du baril de pétrole russe (brut de l’Oural) fluctue actuellement autour de 65 dollars, ce qui signifie une différence de 5 dollars par baril. Il est peu probable que cet accord soit un réel frein à court terme, mais les pertes structurelles qu’il engendrerait pourraient contraindre la Russie à diminuer les fonds qu’elle alloue à la guerre en Ukraine – d’autant plus que les prix mondiaux peuvent être amenés à croître très vite.
Plus tard, dans la même journée du 2 décembre, le G7 et l’Australie déclarent dans un communiqué commun qu’ils appliqueront eux aussi le plafonnement de 60 dollars. Le levier de contrainte des 27 et du G7 sont les entreprises qui assurent les services permettant le transport maritime comme les assurances, les entreprises de fret, …
Il est prévu que l’embargo touche directement les deux tiers des achats de l’UE de pétrole brut russe ; couplé à l’arrêt total des importations allemandes et polonaises via les oléoducs, les membres de l’Union estiment que les importations russes seront touchées à plus de 90%.
Cette décision a la prétention de s’imposer aux livraisons destinées au reste du monde, à condition qu’elles soient effectuées par voie maritime. En effet, l’UE est un acteur majeur du fret maritime et les prestations d’assurance d’entreprises des pays du G7 fournissent 90 % des cargaisons mondiales. Le but étant de limiter les recettes russes, il faut aussi pour les 27 imposer leur décision aux importateurs indien et chinois.
Les réactions des autres gros exportateurs, comme l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), seront aussi déterminantes pour la réussite de ce blocus. L’OPEP se réunira par ailleurs dimanche, à Vienne, pour discuter de la marche à suivre.
La Russie a annoncé samedi 3 décembre à 13h22, qu’elle “n’acceptera pas” cet accord.
La suppression des vols courts est validée par la Commission européenne
Le houleux débat sur le trafic aérien qui a soulevé la France durant des mois a trouvé une réponse à l’échelle européenne le 1er décembre 2022. La Commission européenne a accepté la mesure qui vise à supprimer les vols en avion lorsqu’une alternative en train de moins de deux heures et demie existe, en y ajoutant la nécessité d’appliquer cette mesure aussi aux vols de correspondance. Les principales liaisons touchées seront Paris-Lyon, Paris-Nantes et Paris-Bordeaux. Cette décision “pionnière’’ selon Clément Beaune, ministre français aux transports, était une mesure phare de la loi climat de 2021. Après plus d’un an d’analyse de la part de la Commission européenne, elle est enfin validée, selon une décision publiée au Journal officiel de l’Union européenne.
Cette mesure a mis du temps à être validée, car l’Union des aéroports français (UAF) solidairement avec la branche européenne du Conseil international des aéroports (ACI Europe) avaient contesté ce projet, entraînant ainsi la Commission à mener une ‘’analyse approfondie’’ de la loi afin de s’assurer qu’elle réponde à la législation européenne en matière de concurrence et de transport. Il est prévu dans les règlements européens qu’un État membre peut, “lorsqu’il existe des problèmes graves en matière d’environnement (…), limiter ou refuser l’exercice des droits de trafic, notamment lorsque d’autres modes de transport fournissent un service satisfaisant”. A condition néanmoins que ces mesures doivent être “non discriminatoires”, ne pas provoquer “de distorsion de la concurrence entre les transporteurs aériens”, ne pas être “plus restrictives que nécessaire” et avoir “une durée de validité limitée, ne dépassant pas trois ans, à l’issue de laquelle elles sont réexaminées”. En effet, cette mesure pouvait être a priori discriminatoire pour certaines compagnies aériennes « dont le modèle économique n’est pas axé sur les passagers en correspondance », ce qui aurait entraîné une distorsion de concurrence.
Le précédent que crée cette disposition pourrait amener d’autres pays européens à suivre la France dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, voire à un règlement à l’échelle européenne. Cependant, les liaisons aériennes avec une alternative en train de moins de deux heures et demie sont plus nombreuses entre deux pays de l’Union qu’à l’intérieur de chaque pays. Il revient donc à l’Union d’arriver à légiférer sur la question, pour que la mesure prenne tout son sens.