Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (du 23 au 29 janvier)

Articles par Shana De Sousa, Laura De Almeida et Jérémy Balouka.

L’Union européenne impose un nouveau train de sanctions à l’encontre de Téhéran

Près de quatre mois depuis le début du mouvement de protestation en Iran causé par la mort de Mahsa Amini, les relations entre l’Iran et l’Union européenne n’ont eu de cesse de se détériorer ; ce lundi 23 janvier, les Ministres des Affaires étrangères européens se sont coordonnés avec les les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et ont imposé une série de sanctions au régime iranien, prolongeant les mesures restrictives préexistantes. 

Le Conseil a ainsi ajouté près de 18 individus et 19 entités iraniennes, dont des représentants du gouvernement et du Parlement iranien, à la liste des personnes visées par ces mesures de sanctions européennes, en réponse à « l’usage disproportionné de la force contre les manifestants pacifistes ayant suivi la mort de Mahsa Amini ». L’Union a dès lors imposé l’interdiction d’exportations d’équipements à Téhéran pouvant être utilisés à des fins de répression des manifestants, le gel des avoirs dans l’UE, l’interdiction d’octroi de visa et de recevoir des financements européens.

Si le Parlement européen avait approuvé une résolution – non-contraignante – demandant de placer le Corps des Gardiens de la Révolution islamique sur la liste des organisations terroristes, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a affirmé que les 27 n’étaient pas encore en mesure de prendre une telle décision, enflammant davantage le débat vis-à-vis de la question iranienne.

Quelques jours suivant la décision européenne, l’Iran a répliqué au travers de mesures réciproques. Dans un communiqué publié ce mardi 24 janvier, le Ministère des Affaires étrangères iranien a annoncé ajouter 25 personnalités et entités de l’Union européenne à la liste des personnes visées par les sanctions iraniennes, les accusant de « soutenir le terrorisme », « d’encourager la violence contre le peuple iranien » en sus de « disséminer de fausses informations sur l’Iran ».

 

Turquie : opposition à l’adhésion suédoise et finlandaise à l’OTAN

En mai 2022, la Suède et la Finlande avaient déposé leur candidature formelle afin d’entrer dans l’OTAN. La condition sine qua non pour que celle-ci soit validée, est que les 30 membres de l’alliance militaire doivent voter à l’unanimité l’entrée du pays en question. Depuis huit mois, la Turquie pose son veto à l’adhésion de ces deux pays nordiques. Cependant, cette semaine les tensions ont pris une tout autre tournure. En effet lors d’une manifestation en Suède, pour cette entrée dans l’OTAN, Rasmus Paludan, un extrémiste anti-islam, a brûlé un Coran à côté de l’ambassade turque. La réaction d’Ankara ne s’est pas fait attendre, le président Erdogan a répliqué que : “La Suède ne doit pas s’attendre à un soutien de notre part pour l’Otan. Si vous ne respectez pas les croyances religieuses de la République de Turquie ou des musulmans, vous ne recevrez aucun soutien de notre part”.

Le principal point de blocage turc est directement lié à la question kurde. Cette minorité qui fuit la Turquie, est poursuivie dans ce pays car vue comme terroriste. Le président Erdogan souhaite depuis plusieurs mois : “un durcissement de la politique de ces deux pays vis-à-vis de leur immigration kurde”. Cette condition est impossible à céder, notamment pour la Suède qui ne peut revenir sur sa tradition de l’asile.

Le contexte politique en Turquie rend d’autant plus compliqué l’apaisement des relations, les élections de mai approchant, Erdogan tente de renforcer son électorat. La situation avec la Suède lui permet de focaliser toute l’attention sur son rôle protecteur de l’islam, plutôt que sur les problèmes politiques et économiques que traverse actuellement le pays.

De son côté, la Finlande envisage de faire cavalier seul pour son adhésion, si l’entrée conjointe avec la Suède tire sur la longueur. Le ministre des affaires étrangères, Pekka Haavisto, a indiqué qu’il était trop tôt pour mettre en place cette option, toutefois, il a souligné : « nous devons évidemment évaluer la situation, si quelque chose s’est produit qui fait qu’à long terme la Suède ne peut plus avancer ».

 

La guerre en Ukraine, vers un réarmement de l’Europe ?

L’offensive initiée par la Russie le 24 février 2022 dans les oblasts de Lougansk et de Donetsk en Ukraine, s’enlise depuis près d’un an. Prévu par l’agresseur comme court, le conflit n’en débouche pas moins sur une réelle guerre, malgré l’appellation ‘Opération spéciale’. Les forces ukrainiennes sont largement soutenues par les puissances occidentales américaine, britannique, canadienne et européenne, qui, débutant par l’envoi de casques par Olaf Scholz, se tournent désormais vers la livraison de matériel de guerre. La République Tchèque et la Pologne livrent depuis quelques mois des chars de facture soviétique, mais ceux-ci sont vieux, dépérissent et ne permettent pas aux troupes ukrainiennes de faire la différence. Ce mercredi 25 janvier 2023, Washington et Berlin annoncent la livraison de dizaines de chars lourds à Kiev, suivis dans la foulée par le Canada et de nombreux pays de l’Union. Plus précisément, Berlin prévoit l’envoi de 14 chars Léopard II et autorise les alliés à livrer leur stock de Léopard II, ce qui est normalement interdit sans l’accord allemand.

Si, comme en 1941, des chars allemands se dirigent vers la Russie, cette fois-ci, l’espoir d’une Europe forte et unie peut transparaître. L’Allemagne, première puissance industrielle et économique de l’Union européenne, apparaît d’ordinaire timorée dans ses invectives sur la scène internationale et ce retournement drastique de politique étrangère depuis quelques semaines illustre la nécessité pour l’Union européenne d’établir un noyau européen politique crédible, par l’accord diplomatique d’un tandem franco-allemand, fort, grâce au développement d’une Europe de la défense, et uni, car l’intérêt de l’Europe ne se limite pas à la somme de ses intérêts particuliers.

Cependant, de nombreux nuages viennent assombrir ces espoirs. La guerre en Ukraine révèle la présence de l’OTAN qui retrouve alors une profonde raison d’être et met en perspective la dépendance de l’appareil de défense de l’Union européenne à l’armement et le système américain. Les Etats-Unis sont les premiers bénéficiaires de la guerre en Ukraine. La guerre permet aux Etats-Unis de réactiver l’endiguement russe, rappeler la centralité de leurs armes, vendre leur gaz naturel liquéfié et renforcer leur influence en Europe. Dans le contexte de l’Inflation Reduction Act (IRA) qui prévoit l’investissement de 330 milliards de dollars dans l’industrie américaine, l’Union doit rapidement et conjointement agir, au risque de devoir encaisser un profond retard militaire, géopolitique et industriel.

 

Asile et politique en Union européenne

Le durcissement des positions politiques de nombre de dirigeants de l’Union européenne à propos de la politique migratoire a été actée ce jeudi 26 janvier 2023 lors d’une réunion des ministres de l’intérieur à Stockholm. Si de nombreux dirigeants sont considérés comme à l’extrême droite de l’échiquier politique (Suède, Italie, Hongrie, etc.), l’obligation théorique de reconnaître le droit d’asile, clairement établi dans la Convention de Genève de 1951, doit permettre aux demandeurs d’asile de jouir d’une législation harmonisée dans l’Union européenne.

La réalité est plus complexe. D’abord parce que même lorsque l’asile est accordé, les droits corollaires ne suivent pas forcément. En Belgique, la justice tente de forcer l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil) à respecter l’obligation pour l’Etat de fournir un hébergement et un revenu dit ‘d’intégration’ aux personnes à qui est reconnu l’asile. Ensuite, parce que l’accord du droit d’asile lui-même est ambivalent. Ce lundi 23 janvier, trois Iraniens refusent d’embarquer dans un vol depuis Bruxelles à destination d’Istanbul, précisant qu’ils risquent d’être expulsés par la suite vers l’Iran, car la législation belge leur avait refusé l’asile politique. Ils affirment cependant avoir participé à des manifestations contre le régime et disent risquer de subir le même sort que les quatre manifestants pendus au cours de ces dernières semaines. Ce dernier argument contraint néanmoins la Belgique à surseoir l’expulsion. Cette situation, mise en parallèle avec les demandeurs d’asile ukrainiens qui disposent d’une protection temporaire, révèle la nature politique de l’accord de l’asile.

Les arrivées massives d’exilés engorgent les capacités d’accueil de nombreux pays, notamment l’Autriche, la Belgique, les Pays-Bas et la France, contraignant les Etats membres à choisir à qui accorder l’asile et les investissements dans les capacités d’accueil. Le positionnement politique européen qui se durcit, et la posture pro-ukrainienne qu’adopte l’Union européenne témoigne de la politisation de l’asile. Le Conseil européen exceptionnel du 9 et 10 février sera l’occasion d’éclaircir la position commune de l’Union sur ces sujets.

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