Que s’est-il passé en Europe cette semaine? (Du 20 au 26 mars)

Articles par Garance TURPIN, Laura DE ALMEIDA et Helena SARKIS

 

Pékin-Moscou : un sommet stratégique attendu pour certains, redouté pour d’autres

Ce lundi 20 mars, le président chinois Xi Jinping était attendu à Moscou par son homologue russe, Vladimir Poutine. Cette visite d’État, signe d’un approfondissement des liens entre les deux pays, est venue rassurer et soutenir Moscou qui se trouve de plus en plus isolé sur la scène internationale. En effet, 48 heures plus tôt, le président russe est devenu le premier chef d’État d’un pays membre du Conseil de sécurité de l’ONU à être visé par un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale.

Avant cette rencontre, les deux chefs d’État avaient chacun publié un article à propos de ce sommet, Xi Jinping le décrivant comme un « Voyage d’amitié, de coopération et de paix » lorsque Poutine vantait cette liaison sino-russe comme « supérieure à celle des unions politiques et militaires au temps de la Guerre froide ».

Un an après le début de l’invasion de l’Ukraine, il semble donc que la Russie soit plus dépendante que jamais de la Chine, tant sur le plan diplomatique qu’économique. Vladimir Poutine a toutefois tenté de dédramatiser cette situation en affirmant voir “des possibilités illimitées” dans la coopération russo-chinoise, en préambule d’un dîner organisé au Kremlin avec son homologue chinois.

Ces trois jours de rencontre ont donc été l’occasion de discuter « du plan chinois pour régler le conflit en Ukraine » ainsi que d’une coopération économique plus étroite, Pékin étant le premier partenaire commercial de Moscou à ce jour. En ce sens, les deux puissances ont conclu un accord ambitieux sur le projet de gazoduc Force de Sibérie 2 qui présente des opportunités économiques conséquentes.

Les deux partis se sont également accordés pour qu’aucune guerre nucléaire ne soit déclenchée, ayant affirmé conjointement « qu’il ne peut y avoir de vainqueurs » à cette issue. La Chine serait en effet plus disposée à un « règlement pacifique » de ce conflit russo-ukrainien, ayant ainsi proposé un plan de paix à Moscou.

De leur côté, les américains ont surveillés cette rencontre de près et continuent de critiquer cette relation, craignant notamment que la Chine s’immisce dans le conflit en fournissant une aide militaire à la Russie, ce que dément Pékin.

 

Réforme des retraites : la visite du Roi Charles III en France finalement reportée

“Shocking !”. Le vendredi 24 mars, l’Élysée a annoncé reporter la visite du Roi Charles III qui devait venir passer plusieurs jours en France à compter de ce dimanche. Prévue depuis plusieurs mois, cette visite d’État n’aurait pu se dérouler convenablement en raison d’un contexte politique français sous haute tension.

La décision a été « prise par les gouvernements français et britannique, après un échange téléphonique entre le Président de la République et le Roi » vendredi, a écrit la présidence française dans un communiqué, promettant une reprogrammation de la visite « dans les meilleurs délais ». C’est donc un revirement de situation alors que jeudi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait pourtant assuré que la France était prête à accueillir le souverain britannique « dans d’excellentes conditions ». Néanmoins différentes versions circulent à propos de l’annulation de cette venue car, d’après Downing Street, c’est Emmanuel Macron qui a fait cette demande au gouvernement britannique.

Cette annonce survient en réalité au lendemain d’une 9e journée de manifestation dans toute la France contre la réforme phare du chef de l’État, marquée par une très forte mobilisation et une multiplication des violences dans les cortèges. L’Élysée, en évaluant la situation, a donc considéré qu’il était préférable de prendre cette décision « compte tenu de l’annonce d’une nouvelle journée d’action nationale contre la réforme des retraites » mardi 28 mars.

« La réunion des rois à Versailles dispersée par la censure populaire », a tout de suite ironisé Jean-Luc Mélenchon, le leader le France Insoumise (LFI), sur Twitter.

Pour certains, le symbole et l’image que représentait cette visite n’aurait pu coller avec le contexte actuel en France. « On va avoir Emmanuel Macron, le monarque républicain, qui va recevoir Charles III, qui va descendre les Champs-Elysées, qui va aller dîner à Versailles, pendant que le peuple est en train de manifester », a notamment dénoncé Sandrine Rousseau, élue de la NUPES, sur RMC et BFMTV.

« Cela aura été une décision difficile. Mais compréhensible. Les visites d’État sont un temps pour la célébration et ce n’était pas le moment », a donc déclaré Peter Ricketts, l’ambassadeur du Royaume-Uni en France. Du côté de Buckingham Palace, le roi Charles et Camilla ont exprimé leur enthousiasme à l’idée de se rendre en France « dès que des dates pourront être trouvées ».

 

Adhésion à l’OTAN : la Finlande plus proche que la Suède

En mai dernier, la Finlande et la Suède lançaient leur adhésion conjointe à l’organisation de l’OTAN. Lors d’une demande d’adhésion, chaque État membre du Pacte atlantique doit faire voter cette adhésion par son Parlement national. Toutefois, en ce qui concerne l’adhésion des deux pays nordiques, depuis 10 mois, deux pays sur les trente n’ont toujours pas votés et ratifiés les adhésions : la Hongrie et la Turquie. Du côté de la Finlande, le Parlement a approuvé la candidature avec 184 voix contre 7. Pour ce qui est de la Suède, les députés ont également, mercredi dernier, voté cette adhésion à la quasi-totalité.

Dans le courant de la semaine des évolutions ont enfin eu lieu. En effet, le Parlement hongrois a annoncé prévoir un vote à la fin du mois, mais dans le cas de la Finlande, celui-ci a même été avancé au 27 mars. Tandis que le président turc Erdogan, est également plus favorable à la Finlande, avec un vote prévu pour début avril, et une rencontre avec le Président Sauli Niinisto. Il reste cependant sur sa position de ne pas avancer les discussions avec la Suède. En cause, les autorités suédoises n’ont toujours pas accepté l’extradition de personnalités kurdes, qui sont opposées au régime actuel. À cela s’ajoute, le refus par le gouvernement de condamner fermement toute personne brûlant un Coran, ce qui c’était passé lors d’une manifestation face à l’ambassade turque, par un militant d’extrême-droite. 

Toutefois, la Suède est toujours soutenue, que ce soit par l’OTAN ou par la Finlande. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, continue le dialogue avec le gouvernement turc, faisant entendre les besoins d’une entrée commune de la Suède avec la Finlande. Le ministre finlandais des Affaires étrangères, Pekka Haavisto, soutient également ses voisins: « Notre adhésion ne sera pas complète tant que la Suède ne sera pas également membre. Nous partageons le même environnement de sécurité, nous partageons la mer Baltique et il est très important que la Suède devienne également membre ». L’enjeu de cette double adhésion est énorme et le poids de la Finlande n’est pas à prendre à la légère : la frontière entre la Russie et celle-ci s’étend sur plus de 1 300 kilomètres. 

 

Manifestations : les violences policières montrées du doigt à l’international

La première ministre Elisabeth Borne a annoncé devant l’assemblé le jeudi 16 mars l’utilisation de l’article 49.3 afin de faire passer la réforme des retraites sans vote, provoquant l’accroissement des tensions dans les cortèges de manifestants. Les affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants se sont multipliés durant la semaine, alertant la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic. Elle affirme que “les actes de violences sporadiques de certains manifestants” ne justifient pas la réponse des agents de l’Etat et alarme des actions de ces derniers contre les manifestants. L’organisation Amnesty International a aussi souligné la nécessité pour les forces de l’ordre française de parvenir à encadrer les manifestations sans avoir recours à des formes de violences non-nécessaires. 

En effet, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, a annoncé répondre aux violences dénoncées par des manifestants et des médias en saisissant l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN). L’ouverture de onze enquêtes de l’IGPN par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin ne suffit pas pour autant à justifier les tensions. L’intersyndicale dénonce avoir été gazée et visée par un canon à eau: “c’était le service d’ordre et les secrétaires généraux qui était visé” raconte Dominique Besson-Milord, membre du cortège de la CGT. 

 Pour autant, le Préfet justifie les vidéos de violences en affirmant que les policiers, la BRAV-M et les brigades motorisées agissent sous tension: “la réponse policière est proportionnée […] ils interviennent uniquement pour disperser les black blocks”. Les forces de police dénoncent une réciprocité dans les échanges de violences en soulignant les 441 policiers blessés lors de la manifestation du jeudi 23 mars. 

La journée de manifestation de ce jeudi, de par sa violence tant à Paris que dans le reste de la France, témoigne de l’insuffisance dans la réponse du gouvernement. Le Président de la République avait pourtant pris la parole au journal de 13 heures le 22 mars dans l’espoir de calmer les tensions. Il a notamment présenté une infographie sur les âges de départ à la retraite dans les pays occidentaux, soulignant que la plupart de nos voisins partent à la retraite entre 65 et 67 ans. 

Des explications qui restent insuffisantes pour la majorité, notamment face à l’utilisation considérée “abusive” des 49.3. Les manifestations et journées de grève générale persistent, la prochaine étant prévue dès mardi prochain, le 28 mars 2023. 

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