Articles par Eva Mic et Laetitia Rambour Mertens

La démission anticipée de Charles Michel président du Conseil européen et Premier ministre belge

« C’est de ma responsabilité à la fois de rendre compte du travail assumé ces dernières années, et de porter un projet pour l’avenir de l’Europe. » Le 6 janvier dernier, Charles Michel annonçait qu’il quitterait ses fonctions au plus tard le 16 juillet prochain, soit presque 5 mois avant la fin de son mandat, en perspective du résultat des élections européennes du 6 et 7 juin prochains. Cette annonce intervient 24h avant l’annonce du Mouvement réformateur – parti libéral belge – lui permettant de se présenter en tête de liste. Il présente ce choix comme un « exemple » et « une prise de risque personnelle », ajoutant qu’il en avait informé d’autres représentants dont « la plupart avait réagi positivement ». De fait, il s’assure une future fonction et même peut-être un top job, c’est-à-dire un poste « plus élevé », tel que la présidence de la Commission européenne. Ce choix fait polémique et pose la question de sa capacité à faire campagne et à présider le conseil après les élections de juin. Soutenu par son entourage, il est accusé de décrédibiliser – une fois encore – l’Union européenne, faisant de son rôle « une fonction de convenance ». En effet, Charles Michel s’est retrouvé plusieurs fois au cœur de polémiques lorsqu’il avait par exemple déclaré son amour  pour les déplacements en avion privé, même pour les courts trajets. De même à Ankara lors d’une rencontre officielle lorsqu’il s’est accaparé le seul fauteuil, laissant Ursula von der Leyen à l’écart sur un canapé. À seulement 39 ans, la réputation du Premier ministre belge prend un nouveau coup : la presse qui critiquait sa gestion « délétère » du budget, le considère « opportuniste », « irresponsable » et même « grossier ». Selon, France Info, le journal Le Soir questionne sa volonté démocratique et demande s’il ne s’agirait pas plus tôt d’un « calcul cynique qui trahirait l’idéal et le projet européen ». De même, l’eurodéputée néerlandaise de Renew Europe – une centriste libérale, comme Charles Michel – déclarait « Le capitaine quitte le navire au milieu d’une tempête. Si c’est là le peu d’intérêt que vous portez au sort de l’Union européenne, quelle est votre crédibilité en tant que candidat ? » exhortant sa responsabilité vis-à-vis de cette fonction. De plus, il oblige aussi les autres membres du conseil à trouver un remplaçant pour éviter que le rôle d’intérim revienne au hongrois Viktor Orban. La procédure européenne prévoit en cas de fin de mandat lié à un empêchement, le remplacement temporaire par un dirigeant européen qui assure la présidence semestrielle. A partir de juillet, c’est un rôle qui reviendra au Premier ministre hongrois d’extrême-droite. Charles Michel a déclaré que le successeur devra être désigné en juin et qu’une simple majorité suffirait pour éviter Viktor Orban. Finalement, la situation semble mettre à mal la gestion de l’Europe politique et fait réfléchir à propos de l’avenir d’autres figures européennes telles que Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.  

Point sur la Super ligue 1 mois après la remise en cause de l’UEFA et de FIFA par la CJUE

C’est un grand jour aujourd’hui. Le football est aujourd’hui libéré […]. La CJUE a mis fin à 69 ans de monopole de l’UEFA.Il y a un mois jour pour jour, le 21 décembre dernier la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne), rendait un rapport sur le projet de Super Ligue, dénonçant des abus de positions dominantes de l’UEFA (Union des associations européennes de football) et de son équivalent international, la FIFA. Ces deux organisations jouissaient d’un monopole incontesté sur la scène footballistique européenne, remis en cause depuis peu par le projet de « Super Ligue ». De fait, l’UEFA est l’organisation qui rassemble les fédérations nationales de football européenne. C’est elle qui gère les tournois européens à tous les niveaux : la Ligue des champions, Ligue Europa et Ligue Europa conférence – dans l’ordre du prestige. Ce faisant, elle gère les droits de rediffusion, récupérant au passage une partie importante des bénéfices. Le projet de Super Ligue est lancé en avril 2021 par 12 des plus grands clubs de football européen dont Milan AC, la Juventus, le Real Madrid ou encore le FC Barcelone. L’objectif : concurrencer la prestigieuse Ligue des champions avec des matchs spectaculaires entre les plus gros clubs de l’Europe; mais aussi toucher directement les bénéfices des droits de rediffusion, sans passer par un intermédiaire. Sans membres permanents, elle devait « reposer sur un système de promotion et de relégation »en opposition direct avec le fonctionnement de l’UEFA. Un fonctionnement souvent jugé peu démocratique puisque le nombre de clubs par pays admis dans les ligues est proportionnel au nombre de victoires européennes des cinq dernières années. Or, comment gagner sans pouvoir jouer le match ? La réaction ne s’est pas faite attendre : l’UEFA et ses ligues nationales, fortes d’une prédominance sur le milieu sportif européen, obligent les clubs participants à choisir entre la Super Ligue et la Ligue des champions. Finalement, si 10 clubs se sont retirés – dont deux en moins de 48h – les clubs espagnols du Real Madrid et FC Barcelone continuent de supporter le projet jusqu’à porter plainte devant le tribunal de commerce de Madrid. La CJUE a considéré qu’ils « violaient le droit de l’Union » et profitaient d’une situation d’abus de position dominante. En effet, puisque l’organisation de ces coupes implique des préoccupations d’ordre économique, elle se doit, selon la CJUE, de respecter les règles de concurrence. La CJUE n’a pas pour autant autorisé « en soi » la construction de la Super ligue mais ses fondateurs célèbre cette avancée : « Nous avons gagné le droit d’exister. Le football européen de clubs est libre » – Bernd Richard CEO de A22

Florentino Perez, tête d’affiche de la Super ligue et président du Real Madrid, dit défendre un projet qui a entendu les critiques sur le monde footballistique trop fermé. Il prétend, avec la société A22,  vouloir « défendre un projet moderne, pleinement compatible avec les compétitions nationales ». Cette vision est sans compter  les avis des supporters, attachés au système actuel et peu intéressés par le principe très commercial de seuls matchs hebdomadaires des plus gros clubs.

Une directive européenne contre l’écoblanchiment et les mentions environnementales trompeuses

Une directive européenne freinant l’écoblanchiment, ou “greenwashing”, et les mentions environnementales trompeuses a été adoptée par le Parlement le 17 janvier. Elle a obtenu une large majorité de voix, à 593 votes favorables contre 21 votes défavorables, et 14 abstentions. Cette directive a été approuvée notamment par des députés d’extrême gauche et d’extrême droite, selon Biljana Borzan, qui a présenté la conférence de presse du Parlement. Ce consensus rassure une Union européenne en proie aux clivages identitaires. 

En effet, cette directive répond aux attentes des individus et des Etats membres qui souhaitent protéger l’environnement, tout en limitant les coûts. 

Ainsi l’objectif affiché est de mieux informer les personnes afin qu’elles puissent faire des choix de consommation plus raisonnés et durables. C’est pourquoi la directive concerne avant tout un meilleur contrôle des étiquetages des produits, en particulier cosmétiques. Des mentions telles que “produit vert”, “biodégradable” ou encore “respectueux de l’environnement”, qui ne reposent pas sur des critères concrets, seront interdites. Cela paraît nécessaire dans un contexte où il existe plus de 1200 déclarations de la sorte sur les différents étiquetages, dont seules 35% sont vérifiées. Cette mesure s’accompagne de l’affirmation de la régulation des labels existants par un système officiel ou par les autorités publiques. Devront également être créés des labels plus durables. 

Les produits devront par exemple mentionner et rendre visibles la durée de leur garantie légale, à laquelle beaucoup de consommateurs ne prêtent pas attention. Biljana Borzan affirme que la fin de cette garantie acte souvent la durée de vie réelle du produit. Selon elle, cette mesure instaurera une concurrence nouvelle entre les entreprises. D’autant plus qu’une étude montre que les consommateurs sont prêts à payer plus pour un produit avec une plus grande longévité. Cela poussera donc les entreprises à allonger les garanties de leurs produits et raccourcir mécaniquement la durée de leur obsolescence programmée, véritable fléau environnemental. 

S’ajoute à cela la promotion de la réparation des produits. Moins coûteuse et plus pratique que d’acheter un tout nouveau produit, elle est aussi souvent préférée par les consommateurs. Les fabricants devront donc indiquer la disponibilité, le coût et les procédures permettant de commander des pièces détachées de leur produit. La vente des pièces détachées permettrait aux entreprises d’augmenter leur marge bénéficiaire. 

Elles seront aussi encouragées à mettre à disposition des manuels de réparation. 

Enfin, le Parlement interdit aux entreprises procédant à la captation de carbone de se désigner “neutres en carbone”. L’eurodéputé David Cormand se prononce à ce sujet : “Qu’on plante des arbres par ailleurs, c’est très bien. Mais l’objectif, c’est d’arrêter de rejeter du gaz à effet de serre, ce n’est pas de continuer à en rejeter en disant qu’on compense à côté.” De plus, ces affirmations ne s’appuient quasiment jamais sur des preuves scientifiques, et planter des arbres peut s’avérer totalement inefficace dans de mauvaises conditions. 

Après l’approbation finale du Conseil, la directive pourra être publiée dans le journal officiel, c’est-à-dire que les pays membres auront 24 mois pour transposer la directive en législation nationale. 

 

Menaces de la liberté d’expression en Ukraine 

Aperçu du site internet du média Bihus.Info

Le 14 janvier, des hommes en tenue militaire se sont rendus à la résidence personnelle de Yuri Nikolov. Le rédacteur en chef du magazine Nashi Groshi avait révélé une affaire de contrats alimentaires entre le ministère de la défense et des , qui avaient participé au limogeage du ministre de la défense Oleksii Reznikov le 3 septembre 2023. Absent au moment des faits, Yuri Nikolov a retrouvé à son retour des feuilles l’accusant d’être un  “provocateur”, une “pute du Kremlin”,  ou encore un “déserteur”.

Deux jours plus tard, une chaîne anonyme sur Telegram a diffusé une vidéo montrant des journalistes de Bihus.Info consommer de la drogue pour le Nouvel An. Des bribes de conservation téléphoniques ont également été publiées. Cela peut être la preuve que le personnel du média d’information était sur écoute depuis plusieurs mois. Selon son rédacteur en chef, « cela pourrait être une tentative de discréditer le principe du mouvement anticorruption en Ukraine en raison du fait que trop d’histoires ont commencé à apparaître, y compris [aux yeux du] public occidental ». 

En effet, l’Union européenne (UE) condamne fermement les affaires de corruption en Ukraine, qui rendent impossible l’intégration du pays dans l’Union.  Mais ces actes d’intimidation de journalistes sont tout aussi inquiétants pour le gouvernement ukrainien, notamment en vue de son adhésion dans l’UE, qui demande également de respecter la transparence de l’information et une liberté d’expression. 

Ainsi, alors que Zelensky avait affirmé au Forum économique de Davos que “toute pression sur les journalistes est inacceptable”, la société civile condamne ces attaques et appelle le gouvernement à prendre les mesures nécessaires. Une enquête criminelle sur les écoutes téléphoniques et enregistrements vidéo de Bihus.Info a été ouverte le 17 janvier… Mais est-ce suffisant ?

Le même jour, l’organisation Mediarukh a affirmé que plusieurs médias subiraient des pressions,  notamment par d’autres chaînes Telegram anonymes et des sites Web qui seraient ouvertement alignés aux autorités. Ils discréditeraient les médias indépendants en les présentant comme des  « ennemis du peuple, des agents russes ».

Avant même la guerre militaire, une “guerre de l’information” contre les médias ou réseaux sociaux pro-russes aurait été entamée en Ukraine selon Reporter Sans Frontières (RSF).

L’organisation signale un “paysage médiatique ukrainien diversifié, mais [qui] reste en partie sous l’emprise des oligarques qui possèdent la majorité des chaînes de télévision nationales”, démontrant le lien entre corruption et liberté d’expression. Si la nouvelle loi sur les médias  visant à une harmonisation européenne est entrée en vigueur en mars 2023, le manque d’indépendance des médias persiste donc. Pour pouvoir y mettre réellement fin, il faudrait changer la Constitution…. Une procédure impossible tant que la loi martiale est en vigueur. L’Ukraine arrivera-t-elle à sortir de cette impasse ?

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