Que s’est-il passé en Europe cette semaine ? (du 11 au 17 Mars 2024)

Articles par Mona Jansen et Mélissa Herot

Entre soutien et opposition : L’Espagne vote une loi d’amnistie pour les séparatistes catalans

Ce jeudi, 14 mars, le Parlement espagnol a voté une loi d’amnistie pour les indépendantistes catalans ayant été condamnés et poursuivis judiciairement. Après plusieurs mois de négociations, les députés espagnols ont voté à 178 contre 172 pour cette loi d’amnistie.

 

Le 30 janvier, cette loi a connu un échec lors d’un premier vote. Sept députés des partis indépendantistes se sont opposés, trouvant le texte insuffisant.

Néanmoins, le projet de loi peut maintenant être soumis à l’évaluation du Sénat, dans lequel le parti conservateur PP a la majorité. Ce parti est défavorable à la loi d’amnistie. Ayant la possibilité de bloquer le projet de loi pendant deux mois au maximum, le parti prévoit de prolonger la procédure d’adoption. Son adoption définitive par la chambre basse n’est pas prévue avant mai.

La tentative de séparation en 2017

En 2017, la Catalogne avait tenté de se séparer de l’Espagne. Environ 400 personnes sont poursuivies juridiquement en raison d’un référendum organisé de manière illégale par des activistes et le gouvernement régional catalan présidé par Carles Puigdemont. Celui-ci se trouve actuellement à l’exil en Belgique pour échapper à la justice espagnole,  et occupe un poste d’eurodéputé. L’amnistie lui permettra de retourner en Espagne. 

Un projet du premier ministre Pedro Sánchez

Le premier ministre espagnol socialiste, Pedro Sánchez, avait promis cette loi d’amnistie pour obtenir les voix des séparatistes au Parlement lors de sa réélection en automne dernier. Auparavant, il s’était pourtant prononcé contre l’amnistie, ce que l’opposition lui rappelle régulièrement. Pour avoir une voix significative au Parlement, le parti socialiste de M. Sánchez a besoin des deux partis indépendantistes catalans Junts  (Ensemble pour la Catalogne) et ERC (Gauche républicaine de Catalogne).

Le parti liberal Junts, dirigé par Carles Puigdemont, ainsi que le parti catalan ERC, n’ont pas abandonné leur souhait de séparation de l’Espagne. Sánchez a pour ambition de trouver un compromis à ce conflit en accordant une amnistie.

Le chef du ERC Oriol Junqueras et Carles Puigdemont sont satisfaits de ce compromis. Tout de même, Puigdemont craint d’être poursuivi pour terrorisme ou trahison une fois qu’il sera de retour en Espagne.

Unanimité entre les Etats-membres de l’Union européenne sur le soutien à l’Ukraine

Ce mercredi, 13 mars, les pays membres de l’Union européenne ont adopté la réforme de la Facilité européenne de paix (FEP), ce qui signifie un soutien financier à l’Ukraine.

La FEP, créée en 2021 en prévention de conflits, contiendra un fonds dédié à l’Ukraine. Dès 2024, ce fonds sera doté de 5 milliards d’euros dont 500 millions sont destinés à la formation des soldats ukrainiens. 1 milliard est réservé à l’achat de munitions, de missiles ou de drones. 3,5 milliards pourront servir pour le remboursement de dettes. La FEP est gérée par le service diplomatique européen sous la direction de Josep Borrell. Jusqu’à aujourd’hui le fonds a déjà permis de financer des systèmes d’armements et des formations de 40.000 soldats en Ukraine. 

Des négociations ardues du couple franco-allemand

Les négociations de cette réforme ont duré presque neuf mois. Particulièrement entre le couple franco-allemand qui contribue à la hauteur de 43% au financement de la FEP.

German Chancellor Olaf Scholz, French President Emmanuel Macron and Polish Prime Minister Donald Tusk shake hands after a press statement ahead of their trilateral meeting of the consultation forum ‘Weimar Triangle’, at the Chancellery in Berlin, Germany March 15, 2024. REUTERS/Fabian Bimmer

Lors d’un sommet à Berlin ce vendredi, 15 mars, le président francais Emmanuel Macron, le chancellier allemand Olaf Scholz et le premier minsitre polonais Donald Tusk ont souligné leur unité sur le soutien à l’Ukraine. Ils font preuve d’une volonté d’acheter plus d’armes pour l’Ukraine pour « soutenir le peuple ukrainien jusqu’au bout » selon Emmanuel Macron. Les chefs d’Etat ne prévoient pas néanmoins d’envoyer des troupes en Ukraine. Auparavant, le président français avait critiqué le chancelier allemand en raison de ses hésitations à envoyer des missiles à longue portée Taurus car cela nécessiterait l’intervention des militaires allemands. Emmanuel Macron s’est exprimé en faveur de la possibilité d’envoyer des troupes en Ukraine ces dernières semaines.

L’achat d’armes sur le marché international

D’habitude moins favorable à l’achat d’armes et de munitions en dehors de la communauté européenne, les Etats-membres se sont accordés sur une période d’exception pendant laquelle ces achats pourront se faire sur le marché international. La période n’a pas été définie mais le sujet sera de nouveau négocié en 2025 quand il sera question de renouveler le soutien financier à l’Ukraine.

Le projet de loi de fin de vie : un projet fait de prudence et de controverses 

« Cette loi est nécessaire parce qu’il y a des cas qu’on ne peut pas accepter humainement dans notre pays aujourd’hui, qui font souffrir des familles, des patients, des équipes médicales. »

Un an et demi après avoir lancé le débat sur la fin de vie, Emmanuel Macron a dévoilé ce dimanche 10 mars le projet de loi sur la vie. Dans un entretien conjoint avec Libération et La Croix, le chef d’État présente un projet de loi en trois parties.  

French President Emmanuel Macron attends a conference on the end-of-life, after a panel of citizens worked on the issue in recent months, at the Elysee Palace in Paris, France April 3, 2023. Aurelien Morissard/Pool via REUTERS

Une loi à la française de la fin de vie

Si d’autres pays en Europe ont déjà adopté une législation en la matière, « Le modèle français n’est ni le modèle belge, ni le modèle néerlandais, ni le modèle helvétique », tient à préciser l’Elysée. L’Institut de la protection sociale européenne (IPSE) estime que chaque année, plusieurs centaines de Français se rendent à chez nos voisins européens pour recourir à l’euthanasie. Et pour cause, ils ont une législation en la matière qui est plus avancée. Comme le rappelle The Guardian, les Pays-Bas sont les premiers au monde à avoir légalisé l’euthanasie et le suicide assisté en 2001. Si en 2022 ce n’est pas moins de 8 700 personnes qui ont eu recours à l’euthanasie, c’est surtout le recours de l’euthanasie conjointe de l’ancien Premier ministre néerlandais qui a relancé une médiatisation sur cette question. Le 5 février dernier, l’ancien Premier ministre néerlandais, Dries van Agt et son épouse ont décidé de partir main dans la main dans sa ville natale de Nimègue. Pratique autorisée depuis 2020, l’euthanise conjointe permet aux individus, sous conditions strictes, d’être euthanasiés en même temps que leur partenaire.

À contrario en France, la seule loi qui entend répondre au mieux à la demande de mourir dans la dignité est la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016. Méconnue du public, cette loi clarifie les conditions de l’arrêt des traitements pour les personnes malades et les personnes en fin de vie. Huit ans après cette loi, le projet de l’aide à mourir qui sera débattu en mai prochain est sur le bureau du président depuis le mois d’Octobre 2023. Très similaire au projet soumis par Agnès Firmin Le Bodo, l’ancienne ministre déléguée chargée des professions de santé, la présentation du projet de loi faite par le président témoigne d’une grande prudence. Composé d’une partie « soins d’accompagnement », le projet est également composé d’une partie « droits des patients et des aidants » et enfin « l’aide à mourir ». Pour avoir recours à cette aide, il faut répondre à des conditions strictes telles qu’être majeur, être atteint d’une maladie incurable provoquant des souffrances que l’on ne peut soulager et entraînant un pronostic vital à court terme. Les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer en sont exclus. 

Les non-dits de l’aide à mourir

Conscient de l’importance des mots, bien des termes sont absents du texte. L’administration du produit létal serait  par principe réalisée par la personne elle-même. Un médecin ou un infirmier pourrait intervenir si le malade n’est pas en mesure physiquement d’y procéder. Si les termes de « suicide assisté » ou « euthanasie » sont absents, le procédé est pourtant bien le même. Il en est de même pour la nouvelle appellation des soins palliatifs, désignés sous le terme de « soins d’accompagnement », c’est pour la sénatrice LR Christine Bonfanti-Dossat que du « ripolinage ». 

Un projet qui inquiète le monde médical 

« On nous dit qu’enfin les malades seront correctement accompagnés et on propose que la main qui soigne soit aussi celle qui tue, comme si l’acte technique de l’injection létale faisait partie de l’accompagnement » affirme Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat national des professions infirmiers.

Les inquiétudes sont multiples quant au texte de loi, notamment concernant les conditions de fin de vie dans les Ehpad et le manque de moyens pour assurer un accompagnement digne. Certaines voix critiquent également l’appellation “solidaire” attribuée à une loi jugée indigne, soulignant ainsi un abandon présumé des personnes âgées. Les critiques fusent également quant à l’allocation de fonds pour les soins palliatifs, notamment lorsque l’on constate des lacunes persistantes dans la disponibilité des unités de soins palliatifs dans 21 départements. Malgré l’engagement financier annoncé par le chef de l’État de 1,6 milliards d’euros pour mettre en œuvre une stratégie décennale, certaines voix regrettent que ces investissements ne correspondent qu’à une stabilisation des moyens, ce qui pourrait compromettre la capacité à améliorer significativement l’offre de soins palliatifs et à répondre aux besoins croissants de la population vieillissante.

L’alliance du gouvernement finlandais avec le Parti des Finlandais : des frontières de plus en plus floue entre la droite traditionnelle et l’extrême droite

Votre alliance avec l’extrême droite est la véritable menace pour notre démocratie et pour le projet européen. C’est pourquoi l’avenir de l’Union européenne est en jeu”, a dénoncé la responsable espagnole, Iratxe García Pérez, chef de file des sociaux-démocrates (S&D)

Ce mercredi 13 mars 2024, le premier ministre finlandais Petteri Orpo s’est adressé au Parlement européen afin de présenter ses priorités politiques pour la prochaine législature. Lors de ce débat, il a fait l’objet de nombreuses critiques suite à sa coalition avec l’extrême droite. 

Le retour du Parti Finlandais au pouvoir 

Depuis le retour au gouvernement du Parti Finlandais, qualifié d’eurosceptique et de populiste, celui-ci a été impliqué dans de nombreux scandales de racisme, d’antisémitisme et de néonazisme. Ces événements s’inscrivent dans un contexte plus large de remise en question du modèle social finlandais. Les réformes entreprises, telles que la réduction de l’indemnité de chômage, des aides au logement et de la rémunération du congé parental, ainsi que la suppression de l’aide à la formation des adultes, sont vivement critiquées par les syndicats et les organisations sociales. Ces derniers dénoncent les atteintes aux droits sociaux fondamentaux des travailleurs et travailleuses depuis la constitution en juin 2023 du gouvernement de coalition de droite et d’extrême droite. La situation a conduit à un mouvement de grève sans précédent, avec une nouvelle grève de deux semaines entamée le 11 mars dernier. Cette résistance syndicale est également observée à l’échelle européenne, avec la Confédération Européenne des Syndicats s’alarmant des conséquences sur les droits des travailleurs, suite à l’arrivée au pouvoir de partis d’extrême droite et au virage conservateur dans plusieurs États de l’Union Européenne.

La proposition de repenser le Pacte vert en décalage avec les objectifs européens

La proposition de Petteri Orpo de repenser le Pacte vert après les élections européennes, prévues entre le 6 et le 9 juin, a suscité un débat animé. Le Premier ministre finlandais a appelé l’Union à “recalibrer (sa) politique climatique et à s’éloigner d’une réglementation trop détaillée pour encourager l’innovation“. Cette position a été saluée par les eurodéputés du Parti populaire européen (PPE), qui adoptent une position critique à l’égard de la politique climatique actuelle d’Ursula von der Leyen. Cependant, Philippe Lamberts, co-président des Verts, a vivement critiqué ce discours, arguant que la position “frugale” de la Finlande en matière de dépenses publiques est en “contradiction” avec les objectifs de déploiement des énergies renouvelables, soulignant l’importance des investissements publics dans la réalisation de ces objectifs.

Finland’s Petteri Orpo addressed the European Parliament in Strasbourg, France.European Union, 2024.

L’accueil chaleureux de l’alliance entre la droite traditionnelle et l’extrême droite par les conservateurs et réformistes européens 

Nicola Procaccini, co-président du groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE), a chaleureusement accueilli le Premier ministre finlandais, soulignant l’importance de sa victoire électorale et de son choix de gouverner aux côtés du Parti des Finlandais. Dans le cas finlandais, cette alliance a été vue comme un choix politique qui se situe plus en ligne avec les valeurs du CRE et du PPE, plutôt qu’avec celles d’Identité et Démocratie (ID). Bien que le Parti des finlandais puisse être considéré comme eurosceptique et populiste, il partage certaines valeurs politiques et idéologiques avec le CRE et le PPE, notamment en matière de défense de la souveraineté nationale, de l’économie de marché et de la promotion des valeurs traditionnelles. Pour Nicola Procaccini, l’alliance avec ce parti est plus tolérable idéologiquement pour eux que d’autres formations populistes telles que Identité et démocratie (ID). En réponse aux vives critiques émises par les sociaux-démocrates, le Premier ministre finlandais a défendu sa coalition et réaffirmé son programme politique, notamment en matière de soutien à l’Ukraine, insistant sur le respect de l’État de droit, de la démocratie et de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes au sein de son gouvernement. 








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