Depuis le Brexit initié par le référendum britannique du 23 juin 2016, les différentes régions qui composent le Royaume-Uni en viennent à reconsidérer leurs relations avec l’Angleterre, noyau dur de l’archipel britannique, et avec l’Europe, et plus encore l’Union européenne.
Theresa May, l’ex-défenseuse du remain qui a changé de camp suite à sa nomination en tant que Première ministre britannique, a insisté sur l’importance de la préservation de l’unité du Royaume. Cet objectif primordial selon elle est pourtant remis en cause ces dernières semaines car en Écosse, en Irlande du Nord et au Pays de Galles, la question se pose de nouvelles indépendances vis-à-vis de la couronne d’Angleterre.
Une nouvelle indépendance pour l’Écosse ?
Depuis l’annonce par Theresa May d’un “Brexit dur” en janvier dernier, le SNP (le parti national écossais) réclame la mise en place d’un nouveau référendum.
>>Pour aller plus loin : Le Brexit, porte d’entrée vers un « Scexit » ?
Le 7 février, le Parlement écossais a voté, à une majorité écrasante, le rejet du Brexit. Ce vote est pourtant resté seulement symbolique car la Cour suprême du Royaume-Uni a dispensé le gouvernement de Londres de consulter les Parlements locaux d’Écosse, d’Irlande du Nord et du pays de Galles avant de déclencher l’article 50 du traité de Lisbonne. Ce vote regroupait le SNP mais aussi le Parti travailliste écossais. Les électeurs du pays ont voté à 62% pour rester dans l’Union européenne.
Face à cela, Nicola Sturgeon, la Première ministre écossaise, a annoncé le 31 mars (soit deux jours après la notification déposée au Parlement européen pour le Brexit) avoir demandé au Parlement britannique de “pouvoir organiser un second référendum d’indépendance” (Le Monde, L’Ecosse a demandé formellement à Londres un référendum sur l’indépendance). Il y a quelques semaines déjà, elle menaçait Londres de faire sécession, si les intérêts écossais n’étaient pas pris en compte dans les négociations. La ministre écossaise doit avoir l’accord du Parlement britannique pour pouvoir organiser ce référendum, or Theresa May a fait savoir que ce dernier refuserait de négocier tant que les tractations sur le Brexit ne seront pas achevées, soit sans doute pas avant deux ans.
Du côté de la population, au début de la campagne pour le Brexit, seulement 28% se prononçaient en faveur d’une indépendance de l’Écosse. En février, selon une enquête d’opinion du Herald Scotland (L’Express, Brexit : l’Ecosse veut-elle vraiment divorcer de l’Angleterre), ils étaient 49%. Le “Brexit dur” pourrait donc finir de convaincre les Écossais d’une nécessaire indépendance.
Si elle n’est pas capable de l’empêcher, Theresa May est tout de même en mesure de repousser au maximum la date de ce nouveau référendum qui devrait se tenir entre l’automne 2018 et le printemps 2019, selon Nicola Sturgeon.
La réunification de l’Irlande ?
En Irlande, le « Stay in Europe » l’a aussi largement emporté au référendum du 23 juin dernier (avec 55,8% des voix). Et face à l’envie grandissante de République et la peur d’un rétablissement des frontières avec la République d’Irlande, deux questions se posent : faut-il sortir du Royaume-Uni pour rester dans l’Union européenne ? Et faut-il engager un mouvement de réunification avec l’Irlande du sud, ce qui permettrait sans doute de réintégrer plus rapidement l’UE.
Bref rappel historique, c’est le soulèvement de Pâques 1916 qui mena à la partition de l’Irlande en 1921 par le Government of Ireland Act qui crée deux entités distinctes ayant chacune leurs institutions : l’Irlande du Sud et l’Irlande du Nord. Cette dernière fut rattachée à l’Angleterre par le Traité de Londres la même année. Ce n’est qu’en 1937 que le conseil adopta une nouvelle constitution proclamant l’indépendance de l’Irlande du Nord et un traité avec le Royaume-Uni est conclu en 1938. La République est proclamée en 1949.
Le 14 mars, Michelle O’Neill, dirigeante du Sinn Féin, le parti nationaliste en Irlande du Nord, a appelé à l’organisation d’un référendum afin que le pays quitte le plus rapidement possible le Royaume-Uni et renoue avec la République d’Irlande. Selon David Davis, secrétaire d’État du Brexit, le gouvernement britannique serait obligé d’honorer son engagement et de permettre cette réunification.
Selon un sondage, 56% des Irlandais estiment qu’une réunification pourrait permettre de régler les problèmes de l’Irlande.
Le Pays de Galles inquiet
Le Pays de Galles est la seule nation du Royaume-Uni avec l’Angleterre à avoir voté majoritairement en faveur du Brexit (52,6%). La voie nationaliste y semble donc moins forte. Mais l’assemblée nationale de Cardiff a tout de même contesté les négociations sur le Brexit. Le pays craint notamment les risques d’une concurrence interne entre les différents territoires de Grande-Bretagne.
De ce fait, la question de la nécessité d’un référendum a aussi été soulevée dans le pays par les nationalistes indépendantistes du Plaid Cymru. Leanne Wood, cheffe du parti et Carwyn Jones, Premier ministre du Pays de Galles, ont collaboré pour la rédaction du livre blanc Securing Wales’s Future (« Sécuriser le futur du Pays de Galles »). Ils y revendiquent notamment le maintien du pays au sein du marché unique.
Il faut aussi rappeler que le Pays de Galles est l’une des régions qui reçoit le plus d’aides de l’Union européenne : entre 653 et 747 millions d’euros par an, que ce soit pour rénover certaines installations (les gares, les centres-ville…) ou pour financer la recherche. Carwyn Jones a rappelé que le Pays de Galles bénéficie davantage de l’Union européenne qu’il n’y contribue économiquement.
Le Plaid Cymru croit à la coopération internationale mais celle-ci doit respecter l’autodétermination des peuples et le parti s’oppose fermement aux barrières tarifaires avec l’Europe en évoquant l’idée que 200 000 emplois dépendent du marché unique. Steffan Lewis, membre du Plaid Cymru, a déclaré au Journal International : “Nous voulons que le Pays de Galles rejoigne la communauté internationale en tant que partenaire” (Le Journal international, Brexit : Paradoxe au Pays de Galles).
Le futur de l’unité du Royaume-Uni semble être compromis suite au déclenchement du Brexit, ainsi que le redoutait déjà certains dirigeants britanniques pendant la campagne du référendum. Les relations entre l’Union européenne et les différentes nations britanniques ne semblent pas devoir s’achever aussi facilement. Et en plus de tout cela, se pose aussi la question de Gibraltar : le territoire d’outre-mer a voté à 90% pour le maintien du Royaume-Uni dans l’UE. Les négociations devront donc aussi prendre en compte la situation des 30 000 Gibraltariens, notamment vis-à-vis de Madrid qui souhaite récupérer le territoire alors que les habitants de l’île tiennent, eux, à conserver la nationalité britannique.